Le président brésilien Jair Bolsonaro pourrait décréter vendredi l'envoi de l'armée en Amazonie afin de lutter contre les incendies, au moment où la pression internationale s'accentue contre le Brésil.
De l'autre côté de l'Atlantique, l'Amazonie est devenue "une priorité" à la veille du G7 de Biarritz, dans le sud-ouest de la France, où le président Emmanuel Macron a accusé M. Bolsonaro d'avoir "menti" sur ses engagements climatiques et a décidé de s'opposer à l'accord de libre-échange UE-Mercosur.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a estimé que les incendies constituaient une "crise internationale", avant le Sommet de samedi et dimanche dont devraient sortir des "initiatives concrètes".
Pendant ce temps, à Brasilia, Jair Bolsonaro tweetait: "Le feu le plus ardent est celui de notre souveraineté sur l'Amazonie".
La ville de Porto Velho, dans l'Etat amazonien de Rondonia (nord-ouest), était recouverte vendredi d'un fin nuage rougeâtre de fumées, a constaté un journaliste de l'AFP-TV. "Cette situation n'est pas normale", c'est à cause des feux de forêt", a commenté le réceptionniste d'un hôtel.
A une soixantaine de kilomètres de Porto Velho, d'épais rideaux de fumée grise étaient visibles au-dessus de la végétation tropicale où des flammes dévoraient des arbres. Le spectacle était impressionnant, avec des vents forts attisant la fournaise.
Le gouverneur de l'Acre, un Etat voisin lui aussi très touché, a décrété une situation d'urgence.
Dans le "poumon de la planète", quelque 700 nouveaux feux ont été enregistrés en 24 heures jeudi, selon les chiffres communiqués vendredi par l'Institut national de recherche spatiale (INPE).
L'INPE, dont le patron a été limogé début août après avoir publié des données sur la déforestation jugées mensongères par Jair Bolsonaro, a indiqué que 76.720 feux de forêt avaient été enregistrés dans le pays de janvier jusqu'au 22 août -- soit 85% de plus que sur la même période de l'an dernier. Plus de 52% concernent l'Amazonie.
"Psychose environnementale"
Des manifestations en défense de l'Amazonie étaient prévues en fin de journée à Sao Paulo et Rio de Janeiro, d'autres étaient terminées (comme à Londres) ou prévues devant les ambassades et consulats du Brésil dans le monde, à l'appel de nombreuses ONG. Parmi celles-ci le mouvement de la jeune Suédoise Greta Thunberg, "Fridays for Future".
A Brasilia, Jair Bolsonaro, après avoir évoqué une "psychose environnementale", a finalement tenu tard jeudi une réunion de crise avec une demi-douzaine de ses ministres, dont ceux de l'Environnement Ricardo Salles et de la Défense Fernando Azevedo e Silva. Cette réunion a visiblement été convoquée en réaction aux pressions qui s'accentuaient sur le président pour sauver l'Amazonie, dont 60% se trouve en territoire brésilien. Mais aucune mesure d'urgence n'a été annoncée.
Les feux de forêt, essentiellement dus à la déforestation, aggravée par la saison sèche qui se poursuivra en septembre, ont pris une dimension internationale jeudi: l'ONU et Emmanuel Macron ont interpellé vivement Jair Bolsonaro tandis que se multipliaient sur les réseaux sociaux les appels de la planète politique, sportive ou hollywoodienne en faveur du "poumon de la planète".
"La suggestion du président français selon laquelle les affaires amazoniennes soient discutées au (sommet du) G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au XXIe siècle", a-t-il rétorqué à M. Macron.
Les alliés du président se déchaînaient sur Twitter, tel son fils Eduardo, un député et possible prochain ambassadeur du Brésil aux Etats-Unis, qui retweetait une vidéo de violentes manifestations de gilets jaunes en France avec le texte: "Macron est un idiot".
L'ancien chef de l'Armée de Terre, le général Villas Boâs, a vu dans les propos de M. Macron des menaces "d'un recours aux forces armées".
Sur Twitter toujours, les incendies en Amazonie représentaient encore la première tendance, à la fois au Brésil et en France, avec de nombreux partages sur les appels à manifester dans la journée.
"Risque aggravé de sanctions"
Le puissant secteur de l'agro-négoce, gros exportateur au Brésil et jusqu'ici soutien politique actif de Jair Bolsonaro, commençait à s'inquiéter sérieusement des répercussions économiques de la montée de tensions avec les partenaires commerciaux de la première puissance économique d'Amérique latine.
Pour l'analyste Thomaz Favaro, Jair Bolsonaro a "mis de l'huile sur le feu avec ses commentaires (...) sur le rôle des ONG et sur Macron". "Il a aggravé le risque de sanctions et de représailles, y compris contre l'accord UE-Mercosur".
Avec la France, dont la Guyane abrite une petite partie de la forêt amazonienne, l'Irlande a aussi menacé de bloquer l'accord si le Brésil ne réagissait pas en Amazonie.
La presse déplorait l'impact très négatif des positions de Jair Bolsonaro sur l'image du Brésil à l'étranger. "La relation à court terme avec l'Europe va vraiment être difficile", a déclaré à l'AFP Oliver Stuenkel, de la Fondation Getulio Vargas (FGV).
Le président d'extrême droite, un climato-sceptique assumé, a déclaré cette semaine avoir des "soupçons" sur une responsabilité des ONG dans les incendies en Amazonie. Il a provoqué l'ire de 118 ONG qui l'ont accusé d'"irresponsabilité".
En début de semaine, il avait également accusé les gouverneurs des Etats amazoniens "de ne pas avoir levé le petit doigt" contre les incendies et même de "connivence".
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