Le message n'est pas passé inaperçu: jeudi soir, le président de la commission d'enquête parlementaire sur l'attaque du Capitole a estimé que tous les responsables de l'assaut devraient répondre de leurs actes devant la justice, y compris à la Maison Blanche.
Même si Bennie Thompson n'a pas nommé Donald Trump, sa petite phrase a encore accentué la pression sur le ministre de la Justice Merrick Garland, à qui il reviendra d'inculper ou non l'ancien président républicain.e
- Les charges possibles -
La commission a montré, lors de huit auditions très médiatisées, que Donald Trump avait exercé des pressions sur des responsables électoraux après la présidentielle de 2020, puis qu'il avait demandé à son vice-président de bloquer la certification de la victoire de son rival Joe Biden par le Congrès, le 6 janvier 2021.
Assurant être victime d'une "élection volée", il avait convoqué ses partisans à Washington ce jour-là et les avait appelés à se battre "comme des diables". Retranché à la Maison Blanche, il avait ensuite suivi pendant trois heures leur déferlement de violence sans intervenir.
Les membres de la commission ont estimé qu'il avait, a minima, "failli à son devoir de commandant en chef".
Tim Bakken, professeur de droit à l'académie militaire de West Point, relève toutefois sur le site The Conversation que "manquer à son devoir" est un crime en droit militaire et dans quelques Etats, mais pas en droit fédéral.
Selon plusieurs juristes, Donald Trump pourrait plutôt être poursuivi pénalement pour "entrave à une procédure officielle" ou sur un chef très large de "fraude au gouvernement" qui implique d'avoir perturbé le fonctionnement des institutions.
- Le dilemme politique -
Donald Trump, qui jouit toujours d'un fort soutien populaire, semble prêt à déclarer très rapidement sa candidature à la présidentielle de 2024. Certains mettent donc en garde contre des poursuites qui seraient immanquablement perçues comme politiques.
"Inculper l'ancien et le futur adversaire du président serait un cataclysme dont la nation peinerait à se relever", a écrit Jack Goldsmith, un ancien haut responsable du ministère de la Justice dans une tribune publiée par le New York Times. "Cela alimenterait l'acrimonie déjà brûlante entre nos deux partis."
Mais d'autres voix estiment nécessaire de sanctionner Donald Trump pour protéger la démocratie américaine. "Ne pas l'inculper encouragerait d'autres insurrections violentes", estime ainsi Laurence Tribe, professeur de droit à Harvard.
- Les "preuves" -
Pour obtenir une condamnation, les procureurs devront prouver que Donald Trump avait "une intention criminelle", c'est-à-dire qu'il savait commettre un acte illégal, souligne William Banks, professeur de droit à l'Université Syracuse.
Or, "ses avocats vont certainement le dépeindre comme un patriote désabusé qui pensait vraiment que l'élection lui avait été volée et qui voulait sauver le pays", explique-t-il à l'AFP.
Lors des auditions, plusieurs membres de son entourage ont assuré lui avoir expliqué qu'il avait perdu l'élection. Il savait que certains manifestants étaient armés et potentiellement dangereux, a ajouté une ancienne collaboratrice de la Maison Blanche, Cassidy Hutchinson.
Mais pour Donald Trump, ces déclarations n'ont pas de valeur légale: si la commission "avait de vraies preuves, elle aurait organisé de vraies auditions en respectant les droits de la défense", a-t-il écrit, en regrettant que les témoignages soient coupés, mis en scène et sans contre-interrogatoire.
- L'inconnue Merrick Garland -
Connu pour être méthodique et prudent, le ministre n'exclut rien. "Chaque personne qui est pénalement responsable des efforts pour annuler l'élection devra répondre de ses actes", a déclaré récemment Merrick Garland.
Mais les poursuites devront être menées "de manière professionnelle et intègre", s'est empressé d'ajouter cet ancien juge de 69 ans, tempérant les espoirs de ceux qui espèrent voir le glaive de la justice frapper rapidement.
Un mémo adressé récemment à ses équipes les appelle à éviter toutes poursuites politiques avant les élections de mi-mandat, en novembre.
Pour la suite, il pourrait être tenté de nommer un "procureur spécial" ce qui le déchargerait du dossier et donnerait des garanties d'indépendance, estime William Banks. "Mais il garde ses cartes très près de lui et on ne peut pas savoir" ce qu'il compte faire.
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