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Inutile et irréaliste, le mur de Trump

Inutile et irréaliste, le mur de Trump
Des partisans accueillent le candidat républicain à la présidentielle américaine Donald Trump à Austin, au Texas, le 23 août 2016SUZANNE CORDEIRO
 
 

Donald Trump a beau adoucir son ton sur l'immigration, il maintient la plus décriée de ses propositions de campagne, l'édification d'un mur anti-clandestins séparant le Mexique des Etats-Unis. Mais, selon les experts, ce projet pharaonique oscille entre inutilité et infaisabilité.

"Je vais bâtir le plus grand mur que vous ayez jamais vu. Ce sera un mur Trump, un mur magnifique", aime à répéter le candidat républicain dans ses meetings. "Et qui va le payer?", demande-t-il. "Le Mexique!", répondent ses partisans ravis.

Le milliardaire assure que sa réussite dans l'immobilier est garante du futur ouvrage, au sujet duquel il se montre toutefois avare de détails.

Traversant essentiellement des régions arides peu peuplées, mais aussi des villes, la frontière américano-mexicaine relie l'océan Atlantique au Pacifique sur 3.200 kilomètres.

Après avoir promis de construire son mur sur toute cette distance, Donald Trump estime désormais que la moitié suffira, en raison des reliefs faisant office de barrière naturelle.

Si la longueur de 1.600 km est donc connue, la hauteur reste elle à géométrie variable. Suivant les jours, Trump a parlé de 35 pieds (10,5 m), 40 pieds (12 m), 55 pieds (16,5 m), voire... 90 pieds (27 m).

"Le mur vient de prendre trois mètres de plus!", lance-t-il à chaque fois qu'un officiel mexicain redit que son pays ne versera pas un centime.

Quant au coût de l'ouvrage, le même flou typique de Trump règne. Après avoir évoqué 4 milliards de dollars, le candidat a parlé de "6 or 7", "probablement 8", "10, peut-être 12", se stabilisant enfin à "environ 10" milliards de dollars.

Architectes et ingénieurs estiment toutefois ce budget intenable, vu le cahier des charges prévisible.

- Béton, acier... du lourd ! -

Trump compte en effet employer des panneaux de béton préfabriqué, renforcés par des tiges d'acier. Des matériaux lourds qui entraînent d'immenses défis logistiques: percement de routes pour l'accès des engins de transport, création de multiples sites de coulage du béton ou embauche de légions d'ouvriers sur plusieurs années.

Le mur devra aussi posséder des fondations suffisamment profondes pour garantir sa stabilité et dissuader le creusement de tunnels.

Un mur de 12 m de haut, s'enfonçant à 3 m dans le sol, coûterait au moins 26 milliards de dollars, a calculé Todd Sternfeld, un expert texan cité par le New York Times.

Confronté à ces arguments, Trump les balaie en affirmant que si les Chinois ont réussi à faire "sans grues ni tractopelles" la Grande Muraille, alors lui est bien capable de bâtir la sienne. Une comparaison peu pertinente: la Grande Muraille est un agrégat de portions discontinues construites sur des siècles au prix de sacrifices humains aujourd'hui impensables.

Mais là ne s'arrêtent pas les obstacles pour le "mur Trump". Dans le vaste Sud américain, les espaces fonciers frontaliers sont fréquemment propriétés privées.

Le chantier impliquera donc de multiples procédures d'expropriation et un casse-tête juridique. L'ancien président George W. Bush en sait quelque chose, pour avoir fait adopter en 2006 par le Congrès le Secure Fence Act. Grâce à ce texte, un millier de kilomètres de barrières ou clôtures hérissent déjà la frontière.

- Mur de 15 m, échelle de 16 m -

Autre problème majeur, la loi prohibe de construire le long du Rio Grande, le fleuve marquant la frontière entre le Texas et le Mexique, pour des raisons de partage des ressources et de gestion des crues. Le mur devra donc être édifié loin de la berge, mais alors certaines villes américaines sur le Rio Grande pourraient se retrouver... du côté mexicain !

A noter également qu'un traité interdit aussi bien au Mexique qu'aux Etats-Unis de dévier les cours d'eau environnants, par conséquent le mur sera censé réaliser l'impossible: laisser passer les flux aqueux en bloquant les flux humains...

Au-delà de toutes ces gageures, l'utilité même de l'ouvrage est discutable.

Bâtir un mur d'une hauteur de 15 mètres ne fera qu'alimenter un marché pour des échelles de 16 mètres, font remarquer ses détracteurs. Et depuis longtemps, ajoutent-ils, les trafiquants de drogue ont appris à envoyer leur marchandise par dessus les clôtures, quelle que soit leur taille.

Encore plus troublante, une étude de 2006 du Pew Hispanic Center a conclu que près de la moitié des immigrés illégaux aux Etats-Unis étaient passés par un point d'entrée classique, tel un aéroport, avant de laisser expirer leur visa.


 

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