Les économies du Golfe, déjà déprimées par la faiblesse des cours du brut, pourraient être affectées encore davantage en cas de représailles de Téhéran à l'assassinat du général Qassem Soleimani qui risqueraient de perturber les exportations de pétrole, selon les analystes.
Après la mort du haut gradé iranien vendredi dans une frappe américaine à Bagdad, les cours du pétrole ont connu une ascension qui s'est poursuivie lundi.
"Avec la menace de représailles de l'Iran, il y a un risque accru d'attaques contre les installations pétrolières et d'autres cibles" dans les Etats du Golfe, ce qui entraînerait une nouvelle hausse des prix du pétrole, indique à l'AFP M. R. Raghu, analyste au Kuwait Financial Centre.
"Toutefois, les prix élevés du pétrole ne se traduiront peut-être pas par des revenus plus élevés, car plus de 20% de l'approvisionnement mondial en pétrole passe par le détroit d'Ormuz", que l'Iran a menacé de bloquer, souligne-t-il.
Les Etats du Golfe qui abritent d'importantes bases militaires américaines pourraient être la cible d'attaques, en particulier l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis en froid avec Téhéran.
Des frappes aériennes contre des installations pétrolières majeures de Saudi Aramco en septembre avaient provoqué la réduction de près de moitié de la production de brut du premier exportateur mondial de pétrole.
Ryad et Washington ont accusé l'Iran d'être à l'origine de ces attaques, qui ont été revendiquées par les rebelles yéménites Houthis soutenus par Téhéran.
Par ailleurs, une série d'attaques mystérieuses contre des navires dans les eaux du Golfe l'an dernier, que les Etats-Unis et leurs alliés ont imputées à l'Iran, a également alimenté des tensions et des craintes pour la sécurité de l'approvisionnement mondial en pétrole.
Une nouvelle perturbation entraînerait une baisse de la production et des exportations et, par conséquent, une diminution des revenus qui pourrait paralyser les économies régionales largement dépendantes de l'or noir.
- Croissance en berne -
Depuis le krach pétrolier de la mi-2014 qui leur a coûté des centaines de milliards de dollars, les pays du Golfe, l'Arabie saoudite en tête, ont affiché des déficits budgétaires persistants, une faible croissance économique et une baisse des investissements étrangers, ce qui les a obligés à s'endetter.
En octobre, le Fonds monétaire international (FMI) a réduit ses prévisions de croissance économique pour le Golfe en 2019 à seulement 0,7%, contre 2% l'année précédente. L'Arabie saoudite est passée à un maigre 0,2% en raison de la faiblesse des prix du pétrole, des réductions de production et des tensions géopolitiques.
Selon la société Capital Economics, basée à Londres, le prix du Brent passerait "à 150 dollars le baril" si l'Iran décidait de fermer le détroit d'Ormuz.
"Toute restriction de la capacité des pays du Golfe à exporter du pétrole entraînerait une baisse de leur croissance économique, qui ne sera pas compensée par la hausse des prix du pétrole", confirme à l'AFP l'économiste saoudien Fadhl al-Bouenain.
Mais "le passage d'une fourchette de 60 à 70 dollars à une fourchette de 70 à 80 dollars le baril sera beaucoup plus probable", estime Edward Bell, analyste sur les matières premières à Emirates NBD, la deuxième plus grande banque des Emirats.
Même si le détroit d'Ormuz était fermé, certains pays du Golfe, principalement l'Arabie Saoudite et les Emirats, disposent de passages alternatifs en mer Rouge et en mer d'Oman. Oman se trouve en dehors d'Ormuz.
L'oléoduc est-ouest saoudien, d'une capacité de transport de cinq millions de barils par jour vers la mer Rouge, a été touché par des drones des Houthis à l'été 2019, ce qui a provoqué une perturbation de plusieurs jours.
Lundi, l'agence de notation S&P Global a estimé que "toute escalade resterait contenue", soulignant que son évaluation "tient déjà compte d'un certain niveau de volatilité géopolitique régionale".
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