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Léa, jeune "déradicalisée" emprisonnée après avoir replongé: "un cas d'école"

Léa, jeune "déradicalisée" emprisonnée après avoir replongé: "un cas d'école"
Dounia Bouzar pose le 14 mars 2003 à ParisMARTIN BUREAU
 
 

Une jeune fille radicalisée suivie par le Centre de prévention des dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI) a été emprisonnée en janvier après avoir replongé. Un échec ? "Un cas d'école", selon Dounia Bouzar, la présidente du CPDSI.

"Ce qu'elle vit elle, c'est ce qu'ils vivent tous", martèle la médiatique directrice de l'association missionnée jusqu'à il y a peu par le ministère de l'Intérieur, avant de rompre en février son marché avec l’État, en raison du projet de loi sur la déchéance de nationalité.

Elle revient sur le cas de Léa (le prénom a été modifié), 17 ans, suivie par le CPDSI après avoir projeté un attentat-suicide contre une synagogue de Lyon à l'été 2014.

La jeune fille, qui n'avait jamais été incarcérée jusqu'à maintenant mais placée sous contrôle judiciaire, est en prison depuis janvier, soupçonnée d'être entrée en contact avec une filière de recrutement du groupe Etat islamique.

"Je n'étais même pas missionnée à l'époque, c'était l'une des premières familles que l'on a suivies", se souvient Dounia Bouzar.

L'anthropologue applique alors sa méthode sur la jeune femme, qui correspondait parfaitement au modèle de l'adolescente radicalisée, alternant les phases de "stabilisation" et les rechutes.

"C'est un cas d'école : ce qui la fait retomber, c'est l'addiction avec le groupe. Comme les trois quarts des adolescents, elle connaît ce manque à la tribu numérique, comment ils la valorisent, comment ils l'appellent +ma perle adorée+. Régulièrement elle se rebranche, ça n'était pas la première fois avec elle..."

- Bascule -

"Quand vous suivez quelqu'un, une semaine il vous traite de mécréant, il va vous défigurer, la semaine d'après il participe à des séances de désembrigadement. Il faut traiter l'ambivalence du jeune pendant la période de stabilisation", analyse Dounia Bouzar.

Une bascule qu'il faut gérer "pendant des années" car ces jeunes s'impliquent pour accompagner, parfois "à leur demande", leurs pairs dans le programme de déradicalisation. Et Léa ne déroge en rien à la règle, elle qui a participé aux séances de désembrigadement pour aider d'autres filles, "ce qu'elle vit elle, c'est ce qu'ils vivent tous", explique Mme Bouzar.

C'est d'ailleurs cette entraide qui a coûté à Léa sa liberté : "La dernière fois qu'elle s'est rebranchée, elle n'était plus sur écoute. C'est les autres jeunes du CPDSI qui m'ont prévenue. Elles se sauvent entre elles, les jeunes filles. C'est une autorégulation".

Le 24 juillet 2015, Dounia Bouzar écrit un rapport à la juge, et demande que la jeune fille soit prise en charge dans un centre éducatif fermé, "pour qu'elle ait un rappel à la loi, et qu'elle n'ait plus du tout moyen d'avoir internet".

La suite, Dounia Bouzar ne l'explique pas, ne la comprend pas : "La juge antiterroriste a refusé de l'enfermer. A partir de là, Léa a fait croire à l'assistante sociale que son père était trop sévère avec elle. Elle a obtenu un placement de quelques semaines pour pouvoir s'éloigner de ses parents et du CPDSI. Les travailleurs sociaux l'ont laissée sans vigilance... avec son portable".

En janvier, Dounia Bouzar est prévenue par la mère et son avocat que Léa est emprisonnée. Elle aurait repris contact avec des rabatteurs. Classique : "C'est une erreur de dire qu'elle a cherché à partir. Tous les jeunes se rebranchent avec les rabatteurs, ça ne veut pas dire qu'ils vont repartir". Vient une autre crainte, celle qu'elle se "rigidifie en prison..."

Si certains détracteurs interprètent cette incarcération comme un échec du programme de déradicalisation, Dounia Bouzar, elle, dit n'avoir jamais été sûre de Léa: "Je n'ai jamais considéré qu'elle était désembrigadée. On n'a qu'un an de recul ! Tous les jeunes sont sous surveillance et susceptibles de retomber". Comme c'est le cas avec chacun de ceux qu'elle suit.

"Tous ces jeunes qui ne bougent pas, ceux où il n'y a plus d'indicateurs... y'en a pas UN où je pourrais être sûre ! C'est pire que le cancer".


 

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