Quatre migrants en perdition sur une embarcation dans la Manche ont été miraculeusement sauvés samedi de la noyade grâce à un autre clandestin qui avait pu regagner la plage de Sangatte (Pas-de-Calais) et alerter les secours, dans ce qui constitue une tentative rarissime de traverser vers l'Angleterre.
Dans leur rêve de rejoindre l'Angleterre, les migrants optent traditionnellement par deux voies principales: embarquer sur les camions empruntant les nombreux cars-ferries effectuant la liaison Calais-Douvres ou grimper sur les navettes de ferroutage du tunnel sous la Manche.
"C'était vraiment in extremis, on leur a sauvé la vie, car ils étaient sur le point de chavirer. Il y avait des vagues terribles et le bateau était rempli d'eau", a indiqué Bernard Baron, un des sauveteurs présents sur les lieux, précisant qu'il s'agissait d'une vedette de pêche promenade de 3 m de long.
L'opération a débuté vers 5h30. "Un migrant se trouvant sur une plage de Sangatte et en état d'hypothermie a demandé l'aide des secours et a indiqué s'être trouvé sur une embarcation avec quatre autres personnes", a affirmé à l'AFP la préfecture du Pas-de-Calais.
Le migrant retrouvé sur la plage a indiqué que l'embarcation était partie d'une plage de Dunkerque et tentait de rejoindre la Grande-Bretagne. "Il a été aussitôt pris en charge par le Samu et transféré vers l’hôpital de Calais", a indiqué la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord dans un communiqué.
Les recherches ont ensuite été effectuées par les secours en mer du Pas-de-Calais et les pompiers aidés par un hélicoptère de l'armée belge "adapté pour la recherche nocturne", a déclaré à l'AFP le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en Manche (CROSS).
"Les navires en transit dans la zone ont également été informés par le CROSS et appelés à la plus grande vigilance. Peu après 7H00, l'embarcation légère des quatre hommes était localisée et le canot SNSM (société nationale de sauvetage en mer, ndlr) de Calais parvenait à les secourir", selon la préfecture maritime. Ils ont ensuite été pris en charge par les pompiers et les services de la Police aux frontières (PAF).
- "Hyper dangereuse" -
Gilles Debove, responsable local du syndicat SGP Police-Force Ouvrière, a indiqué samedi à l'AFP que ce type de tentative était "exceptionnelle". "Ca doit être la 2e ou la 3e fois depuis dix ans", a-t-il dit. "La traversée de la Manche est hyper dangereuse car c'est une autoroute maritime. La Manche et la mer du Nord, ce n'est pas la Méditerranée".
Début novembre, sept personnes, dont un jeune marin-pêcheur français, soupçonnées d'organiser près de Dunkerque des passages illégaux de migrants en Angleterre à bord d'un bateau pneumatique, avaient été mises en examen et écrouées. A bord d'un bateau pneumatique battant pavillon belge et pouvant accueillir jusqu'à une vingtaine de personnes, un marin-pêcheur français effectuait des allers-retours sur la Manche, facturant ses passages jusqu'à 12.000 euros par personne, selon la Juridiction interrégionale spécialisée de Lille.
De son côté, Christian Salomé, président de l'association L'Auberge des Migrants, redoute une possible multiplication de ce type de tentatives en raison du passage en Angleterre rendu de plus en plus difficile par les travaux de sécurisation et les contrôles accrus dans le port de Calais et sur le site du tunnel sous la Manche.
"C'est une conséquence du blocage. Ce phénomène risque de prendre de l'ampleur car ce sont des gens qui ont traversé la Méditerranée entre la Turquie et la Grèce, ils vont essayer de faire la même chose en partant avec des petits bateaux gonflables", a-t-il dit à l'AFP.
Selon le CROSS, le détroit du Pas-de-Calais constitue "la voie maritime la plus fréquentée au monde, quotidiennement empruntée par plus de 400 navires commerciaux, soit un quart du trafic mondial, auxquels s’ajoutent des navires de pêche et de plaisance". En outre, la navigation maritime peut s'y révéler dangereuse en raison de son "caractère étroit, des bancs de sable changeants, d'une visibilité souvent réduite par la brume et de très forts courants de marées".
Environ 3.700 migrants, venus majoritairement d'Afrique de l'Est, du Moyen-Orient et d'Afghanistan, vivent dans la "Jungle" de Calais, plus grand bidonville de France, dans l'espoir d'atteindre l'Angleterre. Ils sont également environ 1.500 dans un camp à Grande-Synthe, près de Dunkerque.
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