Le pape François s'est inquiété dimanche d'un nouvel épisode sanglant dans la crise politique en République démocratique du Congo, où la dispersion violente de marches contre le pouvoir a fait au moins six morts d'après un bilan provisoire des Nations unies.
"Aujourd'hui, des nouvelles très inquiétantes me parviennent de la République démocratique du Congo. Prions pour le Congo", a déclaré le souverain pontife depuis Lima, en référence à la répression des marches interdites lancées par un collectif catholique contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila.
"Je demande aux autorités, aux responsables et à tous dans ce pays bien-aimé qu'ils mettent en oeuvre tous leurs efforts pour éviter toute forme de violence et chercher des solutions en faveur du bien commun", a ajouté le pape François.
La contestation du régime du président Kabila est incarnée par un proche du pape, le cardinal et archevêque de Kinshasa Laurent Monsengwo.
Dimanche soir alors que le calme était revenu, la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) avançait un bilan provisoire de six morts à Kinshasa, avec des "allégations d'autres victimes", selon sa porte-parole.
La Monusco a estimé que l'usage de la force avait été disproportionnée, avec des tirs de lacrymogènes mais aussi de balles réelles, parfois en rafales, selon les témoins de la mort d'une jeune femme.
Des observateurs des Nations unies déployés sur le terrain ont eux-mêmes été "menacés et molestés" à Kinshasa, selon la porte-parole de la Monusco, qui les avait déployés pour instruire "d'éventuelles violations des droits de l'homme".
Les Nations unies font aussi état de 57 blessés chez les civils et 111 arrestations à Kinshasa et dans les autres grandes villes (Goma, Beni, Kinsangani, Lubumbashi).
- "Que les médiocres dégagent" -
De leur côté, les autorités congolaises parlent de deux morts à Kinshasa et de neuf policiers blessés, dont deux grièvement, selon le bilan du porte-parole de la police nationale.
Une des victimes a été tuée d'un tir à bout portant par un policier, qui a été arrêté et déféré devant la justice, a affirmé à l'AFP une source proche de la présidence.
Le 31 décembre, six personnes avaient été tuées dont cinq à Kinshasa lors de la dispersion d'une marche similaire, d'après les Nations unies et la nonciature apostolique, aucune d'après les autorités congolaises.
A Kinshasa, une jeune femme de 24 ans est décédée après un tir en rafales à l'entrée de l'église Saint-François-de-Salles dans la commune de Kintambo.
Le décès a été confirmé à l'AFP par le père de la jeune fille, qui dit être officier de police. Il s'agit également du deuxième décès reconnu par les autorités, avec l'homme tué à bout portant.
Les autorités congolaises avaient une nouvelle fois interdit ces marches à l'appel du "comité laïc de coordination", qui a le soutien de l'épiscopat et de la nonciature (l'ambassade du Vatican).
Les organisateurs demandent au président Kabila, dont le dernier mandat a pris fin en décembre 2016, de s'engager publiquement à quitter le pouvoir. Les prochaines élections présidentielles ne sont pas prévues avant le 23 décembre.
Depuis les répressions du 31 décembre, l'Église catholique avait durci le ton contre le régime de Joseph Kabila, au pouvoir depuis l'assassinat de son père en 2001. Le cardinal et archevêque de Kinshasa avait dénoncé entre les deux marches la "barbarie" de la répression et demandé à ce "que les médiocres dégagent".
Sur le terrain, les marcheurs de ce dimanche se sont montrés plus déterminés face aux policiers armés que le 31 décembre, selon des journalistes de l'AFP.
Dans le centre de Kinshasa après la messe, plusieurs centaines de personnes avec des rameaux et des bibles ont marché sur deux kilomètres entre la paroisse Christ-Roi vers la place Victoire avant de se heurter aux forces de l'ordre.
- "Maman Marie vient sauver le pays" -
Ils portaient des crucifix et des chapelets et chantaient en lingala "Maman Marie, viens sauver le pays". Des curés et un des leaders de l'opposition, Vital Kamerhe, avaient pris la tête du cortège.
D'abord inactive, la police a tiré des gaz lacrymogènes, auxquels les manifestants ont répondu par des jets de pierre, a constaté un journaliste de l'AFP.
Dans les provinces, onze personnes ont été blessées à Kisangani (nord-est), selon la Monusco. Dans cette ville, des marches ont tenté de se reconstituer après leur dispersion, selon un correspondant de l'AFP.
La RDC interdit toute manifestation depuis les journées sanglantes de septembre 2016, qui avaient fait des dizaines de morts parmi les manifestants réclamant le départ de Joseph Kabila d'ici la fin de l'année.
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