Les îles Samoa se sont claquemurées jeudi pour mener à bien une campagne sans précédent de vaccination durant deux jours afin de tenter de juguler une épidémie de rougeole qui a déjà fauché 62 personnes dont des dizaines d'enfants.
Le représentant régional de l'Unicef dans le Pacifique, Sheldon Yett, a appelé les réseaux sociaux à la responsabilité pour sévir contre la prolifération de messages anti-vaccins même s'ils font du clic.
Les autorités de cet archipel du Pacifique sud (200.000 habitants) ont ordonné la fermeture jeudi et vendredi de tous les commerces et services gouvernementaux non essentiels, coupé la liaison inter-îles par ferry et demandé aux véhicules privés de ne pas circuler.
Dès l'aube, des centaines de membres des équipes de vaccination, dont des fonctionnaires, se sont déployés pour faire du porte-à-porte.
Les personnes non vaccinées contre la rougeole doivent afficher un drapeau ou une étoffe rouge devant leur domicile pour aider les équipes à les repérer.
Un drapeau rouge flottait d'ailleurs devant le domicile du Premier ministre Tuilaepa Sailele Malielegaoi. Il a précisé que son neveu récemment rentré d'Australie avait besoin de se faire vacciner.
Le nombre des décès dus à la rougeole depuis mi-octobre atteignait jeudi 62, dont 54 d'enfants de quatre ans ou moins. Les enfants sont aussi majoritaires parmi les 4.217 cas de contamination recensés. 19 enfants sont hospitalisés dans un état critique.
- "Le pays entier se fait vacciner" -
"J'avais déjà vu des campagnes de mobilisation massives, mais jamais à travers tout un pays comme ça", a confié Sheldon Yett. "Le pays entier est en train de se faire vacciner".
Le taux de vaccination était de 30% de la population avant le début de l'épidémie. Il est remonté à 55% avec une campagne de vaccination commencée voilà deux semaines auprès des enfants.
L'intensification et l'élargissement à toute la population de la campagne jeudi et vendredi, en vertu de l'état d'urgence décrété le mois dernier, est censée porter ce taux à plus de 90% ce qui devrait faire refluer l'épidémie, selon M. Yett.
Dans la capitale Apia, les rues étaient quasiment désertes et les marchés du front de mer, habituellement assaillis par les touristes, vides et silencieux.
"C'est très calme ici. On entend seulement quelques chiens aboyer. Les rues sont vides. Il n'y a pas de voitures. Les gens restent chez eux et attendent la campagne de vaccination", a noté M. Yett.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a incriminé des campagnes anti-vaccins dans la chute de la couverture vaccinale aux Samoa avant l'épidémie.
La mort l'an dernier de deux bébés après un vaccin anti-rougeole a ébranlé la confiance des parents et stoppé durant huit mois le programme national de vaccination. Une enquête a ensuite innocenté le vaccin et démontré une erreur: le vaccin n'était pas en cause mais avait été administré mélangé avec des produits anesthésiants au lieu d'eau.
- Un impact "dévastateur" -
Mais les militants anti-vaccins ont sauté sur l'occasion. Selon M. Yett, leurs campagnes sont souvent menées depuis des pays riches comme les Etats-Unis ou l'Australie sans conscience de leur impact sur des pays pauvres. "C'est dévastateur, cela peut condamner à mort un enfant ici où le taux de vaccination est faible et où s'ajoutent d'autres problèmes de santé".
La semaine dernière, un blogueur a comparé depuis l'Australie la vaccination obligatoire à Samoa à des pratiques nazies. D'autres ont préconisé des remèdes alternatifs à l'efficacité non prouvée.
Si la priorité est de maîtriser l'épidémie, une discussion va s'imposer avec les géants d'internet comme Facebook, Twitter et Instagram utilisés par les anti-vaccins, a insisté M. Yett.
"Il est très clair qu'ils doivent exercer une responsabilité d'entreprise pour intervenir et faire en sorte que les populations, particulièrement les plus vulnérables, obtiennent une information correcte qui contribuera à garder les enfants en vie", estime-t-il.
Le Premier ministre, en colère après des informations selon lesquelles des parents anti-vaccins cachaient leurs enfants, a lancé: "faire vacciner vos enfants est la seule manière de s'en sortir".
Les Samoa ont reçu l'aide de l'ONU et de plusieurs pays (Australie, Nouvelle-Zélande, France, Grande-Bretagne, Chine, Norvège, Japon, Etats-Unis...). Mais il faut 10 à 14 jours avant que le vaccin soit efficace.
Selon les estimations de l'OMS, la vaccination a sauvé la vie de 21 millions d'enfants sur les vingt dernières années.
Dans les archipels voisins de Tonga et Fidji, où la couverture vaccinale approche 90%, des épidémies de rougeole se sont aussi déclarées mais sans faire de victimes.
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