La police russe a procédé dimanche à plus de 4.800 interpellations et bloqué le centre de plusieurs villes, dont Moscou, au cours de nouvelles manifestations en Russie pour exiger la libération de l'opposant Alexeï Navalny.
Ces arrestations ont été immédiatement condamnées par les Etats-Unis et l'Union européenne. Ces arrestations ont aussi provoqué une passe d'armes verbale entre Moscou et Washington. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a dénoncé les "tactiques brutales" de la police contre des "manifestants pacifiques", la diplomatie russe dénonçant elle l'"ingérence grossière" des Etats-Unis dans ses "affaires intérieures". Le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, a "déploré les interpellations massives" et "l'usage disproportionné de la force" contre les manifestants et les journalistes. "Les gens doivent avoir la possibilité d'exercer le droit de manifester sans crainte de répressions", a-t-il déclaré sur Twitter.
Poutine est un voleur!
A Moscou, recouverte par une fine couche de neige, manifestants et policiers antiémeute présents en masse ont joué au chat et à la souris toute la journée, au rythme des consignes édictées sur les réseaux sociaux par l'équipe d'Alexeï Navalny.
Le centre de la capitale russe était totalement bouclé, à commencer par la place de la Loubianka, siège des services de sécurité (FSB), devant lequel les protestataires espéraient à l'origine se rassembler.
Moscou © AFP
Face aux barrages de la police, qui a aussi fermé plusieurs stations de métro, ils ont préféré se diriger vers le centre de détention dans lequel est emprisonné Alexeï Navalny, mais sans y parvenir pour la plupart, avant de rejoindre à nouveau le centre-ville.
Les journalistes de l'AFP ont vu des milliers de manifestants marcher à travers le centre de Moscou en scandant "Poutine est un voleur!" ou encore "Liberté!", bien que leur nombre exact soit difficile à évaluer en raison du désordre ambiant.
Moscou © AFP
"C'est presque embarrassant que le pouvoir ait aussi peur de nous", a plaisanté auprès de l'AFP Elizaveta Dementieva, manifestante de 31 ans au chômage. Nadia, une étudiante de 21 ans, se demande elle "si ces manifestations servent vraiment à quelque chose". "Il faudra plus pour que Navalny soit libéré. Et plus encore pour que la Russie soit libre", assure-t-elle.
Moscou © AFP
En début de soirée, l'équipe de M. Navalny a annoncé la fin de la manifestation à Moscou. "Nous leur avons montré à quel point nous étions nombreux!", a-t-elle indiqué sur Telegram en appelant les partisans de l'opposant à venir le soutenir lors de sa comparution au tribunal mardi.
Moscou © AFP
D'après l'organisation OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations, au moins 4.818 personnes ont été interpellées dans 85 villes, mais principalement à Moscou (1.515) et Saint-Pétersbourg (1.097). Selon l'union des journalistes russes, au moins 60 membres de la presse ont été arrêtés.
Des milliers de personnes dispersées à Saint-Pétersbourg
Saint-Pétersbourg © AFP
A Saint-Pétersbourg, autre place forte de l'opposition, près de 3.000 personnes rassemblées sur une place du centre-ville ont été dispersées par les forces anti-émeutes.
Saint-Pétersbourg © AFP
"Poutine, c'est le mal. Il n'y a pas d'avenir avec lui, impossible de vivre avec de tels salaires et aussi peu de boulot", a affirmé à l'AFP Andreï, un protestataire de 30 ans.
Saint-Pétersbourg © AFP
Les manifestations ont touché plusieurs grandes villes
Au delà de Moscou, à l'autre bout du pays, à Vladivostok, Andreï, un manifestant de 25 ans, a regretté que peu de gens, quelques dizaines, se soient réunis car "les forces anti-émeutes ont bloqué" le lieu de rassemblement prévu.
A Novossibirsk, la troisième agglomération de Russie, le média indépendant Taïga a estimé à plus de 5.000 le nombre de protestataires, l'un des plus importants rassemblements anti-gouvernementaux de ces dernières années.
"Les gens sont en colère à cause de ce qui se passe et parce que des députés et militants d'opposition ont été arrêtés cette semaine", a affirmé à l'AFP Khelga Pirogova, élue locale d'une coalition pro-Navalny.
La plupart des proches alliés de l'opposant ont été assignés à résidence vendredi par la justice russe, deux jours après une série de perquisitions ayant notamment visé le domicile de sa femme et les locaux de son organisation.
Qui est l'opposant et que lui est-il reproché?
Alexeï Navalny est visé par de multiples procédures judiciaires, qu'il considère comme politiquement motivées.
Les protestations sont aussi alimentées par la diffusion d'une enquête de son équipe accusant le président Vladimir Poutine de bénéficier d'un immense "palais" sur les rives de la mer Noire, ce que l'intéressé dément.
Militant anticorruption et ennemi juré du Kremlin, Alexeï Navalny, 44 ans, est revenu en Russie le 17 janvier après des mois de convalescence en Allemagne pour un empoisonnement présumé dont il accuse Vladimir Poutine et les services de sécurité russes d'être responsable.
Samedi dernier lors des précédents rassemblements, plus de 4.000 personnes avaient été arrêtées et une vingtaine d'affaires pénales ouvertes. La femme d'Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa, a notamment été interpellée par la police alors qu'elle était venue prendre part au rassemblement à Moscou, selon l'équipe de l'opposant.
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