Un bébé palestinien a été brûlé vif et ses parents et son frère grièvement blessés vendredi lorsque des extrémistes israéliens ont incendié leur maison en Cisjordanie occupée, faisant craindre un nouveau cycle de violences.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a aussitôt dénoncé un "acte de terrorisme", un qualificatif très rarement utilisé par Israël lors d'attaques antipalestiniennes, et ordonné "d'arrêter les meurtriers et de les traduire en justice".
Il a réitéré ces engagements lors d'un rare appel téléphonique au président palestinien Mahmoud Abbas, qui, en soirée, a toutefois dit "douter qu'Israël mette en oeuvre une véritable justice" et a accusé l'Etat hébreu d'être "le responsable direct" de la mort d'Ali Dawabcheh, 18 mois, en raison de "l'impunité" qu'il accorde aux "colons" que les Palestiniens ont accusé de ce crime.
Fait sans précédent depuis la naissance il y a plus de 20 ans de l'Autorité palestinienne, ses forces de sécurité ont lancé un "avis de recherche" contre "les colons auteurs de cet acte terroriste" afin de "les poursuivre" en justice. Une escalade dans le discours qui en dit long sur l'agacement de Ramallah mais qui a peu de chance d'être suivie d'effets car plus de 60% de la Cisjordanie est sous le seul contrôle de l'armée israélienne.
M. Abbas a annoncé que les Palestiniens déposeraient samedi un nouveau dossier pour "crime de guerre" devant la Cour pénale internationale, tandis que des groupes palestiniens menaçaient de "riposter" et que des milliers de manifestants réclamaient "vengeance" en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où un jeune Palestinien a été tué par des tirs de l'armée israélienne.
Vendredi à l'aube, des hommes masqués, présentés par les Palestiniens comme des colons, ont jeté des cocktails Molotov par les fenêtres ouvertes de deux maisons, dont celle des Dawabcheh, dans le village de Douma près de Naplouse dans le nord de la Cisjordanie, selon des sources palestiniennes et israéliennes. Ils ont ensuite pris la fuite vers une colonie voisine, d'après la radio israélienne.
Le bébé a péri dans l'attaque, alors que sa mère Riham, 26 ans, son père Saad et son frère Ahmed, 4 ans, se débattaient entre la vie et la mort dans un hôpital israélien, selon des médecins. Un quatrième blessé, une fillette selon certaines sources, était également hospitalisée.
Fait exceptionnel, M. Netanyahu et le président israélien Reuven Rivlin leur ont rendu visite à l’hôpital dans l'après-midi.
- Débris carbonisés -
A Douma, il ne restait plus de la maison des Dawabcheh que les murs en béton, l'intérieur n'étant qu'un vaste tas de débris carbonisés. Ici ou là, restaient des photos de la famille, dont celles du bébé, rongées par les flammes, ainsi que quelques affaires dont un biberon.
A l'extérieur, des graffitis en hébreu barraient encore les murs. "Vengeance" et "Le prix à payer", proclamaient-ils, deux jours après que les autorités israéliennes eurent détruit deux maisons en construction dans une colonie plus au sud.
Des milliers de Palestiniens, dont le Premier ministre Rami Hamdallah, ont participé aux funérailles du bébé, "héros martyr" dont le corps enveloppé dans un drapeau palestinien a été porté à bout de bras.
Depuis des années, des activistes de l'extrême droite israélienne ou des colons se livrent, sous le label du "prix à payer", à des agressions et des actes de vandalisme contre des Palestiniens et des Arabes israéliens, des lieux de culte musulmans et chrétiens, ou même des soldats israéliens. La très grande majorité de ces agressions sont restées impunies.
Mais l'attaque de vendredi a suscité une émotion particulièrement vive avec des appels israéliens sur les réseaux sociaux à manifester samedi contre la violence.
Le ministre israélien de la Défense Moshé Yaalon a même qualifié les assaillants de "terroristes juifs".
- 'Véritable épidémie' -
Les condamnations israéliennes n'ont néanmoins pas convaincu la direction palestinienne. "On ne peut dissocier cette attaque barbare" d'un "gouvernement qui représente une coalition pour la colonisation et l'apartheid", a dit Saëb Erakat, numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Selon la Paix Maintenant, une ONG israélienne anticolonisation, ces "agressions de la part des colons sont devenues une véritable épidémie", notamment du fait de "l'indulgence du gouvernement".
En mai, l'organisation israélienne Yesh Din estimait que 85,3% des plaintes de Palestiniens après des attaques de colons étaient classées sans suite et que seulement 7,4% des plaintes conduisaient à des poursuites, dont un tiers débouchait sur une condamnation.
Le mouvement islamiste Hamas, bête noire d'Israël, a promis "une punition à la hauteur de ce crime" qui "fait des soldats de l'occupant et des colons des cibles légitimes partout".
Alors que Washington a dénoncé une "brutale attaque terroriste", Paris s'est dit "indigné" par "cet acte ignoble".
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a critiqué le gouvernement israélien pour "l'incapacité persistante à faire cesser l'impunité" dont bénéficient les colons qui s'attaquent aux Palestiniens et l'Union européenne a également plaidé pour "la tolérance zéro".
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