La colère grandissait lundi soir aux Etats-Unis au lendemain d'une apparente bavure policière dont un homme noir a été victime dans le Wisconsin. Un nouveau drame qui a ravivé les braises encore fumantes du mouvement historique de protestation contre le racisme né il y a trois mois de la mort de George Floyd.
Le gouverneur du Wisconsin, Tony Evers, a déclaré lundi que des troupes de la Garde nationale seront déployées dans la ville de Kenosha après qu'un homme noir eut été abattu par des policiers, apparemment devant ses enfants.
La fusillade de Jacob Blake, 29 ans, qui est dans un état grave, a provoqué des protestations à Kenosha, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Milwaukee, certains manifestants lançant des pierres et brûlant des véhicules, ont rapporté des médias locaux. Dans une vidéo de l'incident survenu dimanche, qui a été largement diffusée sur les médias sociaux, on voit la victime marcher autour d'un véhicule alors que deux officiers, leurs armes à la main, le suivent de près.
L'un d'eux semble alors saisir la chemise de Jacob Blake alors qu'il entre par la porte côté conducteur du véhicule, puis les officiers tirent plusieurs coups de feu dans son dos. L'avocat Ben Crump, qui représente la victime ainsi que la famille de George Floyd et d'autres Afro-Américains abattus par la police, a déclaré que les trois fils de Jacob Blake étaient dans la voiture lorsqu'il a été abattu. L'avocat a affirmé que la victime tentait de s'interposer dans une dispute entre deux femmes. "Ils ont vu un policier tirer sur leur père. Ils seront traumatisés à vie", a-t-il affirmé sur Twitter.
D'après la police de Kenosha, les agents répondaient à un "incident domestique" avant que la fusillade ne se produise.
Selon le journal local Kenosha News, des témoins oculaires ont déclaré que Blake tentait de mettre fin à une dispute entre deux femmes. Le gouverneur a appelé les protestataires à manifester pacifiquement, expliquant qu'il y aurait une présence "limitée" de la Garde nationale pour protéger les infrastructures essentielles.
Les faits
La victime, un père de famille afro-américain appelé Jacob Blake, a été évacué par hélicoptère vers un hôpital de Milwaukee et se trouve dans un état grave, a indiqué la police de Kenosha, précisant que les faits s'étaient produits au moment où elle répondait à un appel pour un incident domestique.
La victime a été opérée d'urgence dans un service de soins intensifs de la ville de Milwaukee, où son état restait critique mais en voie d'amélioration, selon des témoignages de proches à des médias locaux.
Les enfants auraient vu la police tirer sur leur père
L'avocat Ben Crump représente la famille de George Floyd, un quadragénaire noir asphyxié à Minneapolis le 25 mai par un policier blanc, et dont la mort avait déclenché des manifestations anti-racistes à travers les États-Unis et le monde.
"Ce soir, Jacob Blake a reçu plusieurs balles dans le dos, en plein jour à Kenosha, Wisconsin", a déclaré sur Twitter le gouverneur de l'État, Tony Evers. Affirmant ne pas connaître encore "tous les détails" de l'incident, il a ajouté: "Ce que nous savons pour sûr est qu'il n'est pas le premier homme noir ou la première personne à avoir été abattu, blessé ou impitoyablement tué par des individus chargés de l'application de la loi dans notre État ou notre pays".
"Nous nous tenons aux côtés de tous ceux qui ont réclamé et continuent de réclamer la justice, l'équité et la prise de responsabilité pour la vie des personnes noires dans notre pays", a poursuivi le gouverneur.
Couvre-feu
A Kenosha, un couvre-feu a été décrété pour la nuit de lundi à mardi, à partir de 20H00, après les débordements de la veille. Une heure après son entrée en vigueur, les manifestants ont été visés par des tirs de gaz lacrymogène de la police, vers qui des bouteilles ont été lancées, a constaté l'AFP.
Appelant à manifester de façon pacifique, le gouverneur Tony Evers avait annoncé que 125 militaires de la Garde nationale seraient déployés dans la ville afin d'y faire respecter l'ordre.
Son adjoint Mandela Barnes, un Afro-américain, a estimé que le drame "n'était pas un accident". "Ce n'était pas une bavure. C'est une violence ordinaire pour beaucoup d'entre nous", a-t-il dénoncé.
Le candidat démocrate à l'élection présidentielle Joe Biden a lui exigé "une enquête immédiate, poussée et transparente et que les policiers répondent de leurs actes". "Le pays se réveille encore une fois plongé dans la douleur et l'indignation qu'un homme noir américain ait à nouveau été victime d'un abus policier", a regretté M. Biden, accompagnant son message du mot "Assez" sur fond noir.
La police de Kenosha a appelé de son côté à ne pas tirer de conclusions hâtives "jusqu'à ce que l'ensemble des faits soient connus".
La colère a également gagné d'autres villes américaines. A Minneapolis, où George Floyd a été tué, des manifestants ont brûlé un drapeau américain. Environ 200 personnes, certaines le poing levé, ont aussi défilé à New York en criant le nom de Jacob Blake.
Parmi elles: Camilla Spielman, 24 ans, déterminée à ne pas laisser la police "continuer à agir ainsi". "C'est tellement accablant. Tirer à bout portant dans le dos de quelqu'un qui n'a rien fait du tout. On ne peut pas laisser passer ça", a dénoncé la jeune femme.
Les deux policiers ont été suspendus de leurs fonctions et une enquête a été ouverte.
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