Une semaine après l'attaque de la préfecture de police de Paris, l'enquête sur les motivations de Mickaël Harpon se heurte toujours à de nombreuses zones d'ombre, alors qu'aucune complicité n'a été identifiée à ce stade pour cet attentat non revendiqué.
Coup de folie solitaire ou attaque planifiée d'un radicalisé avec l'aide de complices ou d'inspirateurs ? "L'enjeu principal des investigations consiste à établir" si l'assaillant, qui travaillait depuis 2003 au sein de la "PP", "a ou non bénéficié de complicité", résume une source proche dossier.
Auditionné jeudi matin par la commission des Lois du Sénat, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a assuré que "rien" n'établissait à ce stade qu'"il y aurait une organisation collective autour de l'auteur de l'attentat".
Depuis l'attaque du 3 octobre, qui a fait quatre morts dont trois policiers, aucune revendication n'a été publiée. A ce jour, "on n'a pas trouvé non plus de lien entre lui et une quelconque organisation terroriste", souligne la source proche du dossier.
Une situation qui renforce la thèse d'un passage à l'acte solitaire, même si la tuerie de la préfecture répond au mot d'ordre récurrent du groupe Etat islamique (EI) consistant à s'attaquer aux forces de l'ordre et aux représentants de l'Etat.
Sans en revendiquer la paternité, l'EI a mentionné l'attentat jeudi dans sa lettre hebdomadaire de propagande.
- Imam fiché "S" -
L'entourage de Mickaël Harpon, qui a acheté ses couteaux le matin de l'attaque, était-il au courant de son projet ou a-t-il joué un rôle dans sa radicalisation? Selon le procureur antiterroriste, l'assaillant était converti à l'islam depuis une dizaine d'années et fréquentait des membres de la mouvance "islamiste salafiste".
Toutefois, d'après une source proche du dossier, la mosquée que le tueur fréquentait à Gonesse n'était "pas considérée comme salafiste", même si un imam fiché S (Sûreté de l'Etat) y officie.
"Je le voyais à la mosquée, on se saluait simplement", a raconté ce dernier à l'AFP, assurant avoir eu peu de contacts avec lui. D'après des sources concordantes, rien n'établit à ce stade que cet imam a participé à la radicalisation du tueur.
L'épouse de Mickaël Harpon, placée en garde à vue le jour des faits, a été remise en liberté, sans poursuites. Dans son téléphone, les policiers ont retrouvé 33 SMS échangés avec le tueur le matin du drame, avec des propos à connotation religieuse.
Cette femme de 38 ans, souffrant comme son mari de surdité, a assuré aux enquêteurs n'avoir jamais eu connaissance du projet de son époux. Elle a décrit la crise qui l'a agité la nuit précédant l'attaque et dont les voisins, qui l'ont entendu crier à plusieurs reprises "Allah Akbar", ont été les témoins.
"Pas un seul instant, je n'ai pensé qu'il pouvait s'en prendre à quelqu'un d'autre que lui-même", a précisé en garde à vue, selon franceinfo, cette femme musulmane qui ne présente aucun signe de radicalisation.
Problèmes psychologiques, radicalisation religieuse, frustration professionnelle liée à son handicap... "Tous ces éléments peuvent très bien se combiner", rappelle un habitué des dossiers antiterroristes.
- "Défaillance grave" -
Cet attentat sans précédent, mené au sein même de la Direction du renseignement de la PP (DRPP), a valu ces derniers jours à Christophe Castaner une volée de critiques et plusieurs convocations au Parlement.
"Cette attaque est en soi une défaillance grave", a reconnu jeudi le ministre, évoquant "des signes de radicalisation qui n'ont pas été remontés au bon niveau". "Nous devons comprendre" ce qui s'est passé pour "empêcher que cela se reproduise", a-t-il ajouté.
Mickaël Harpon, qui bénéficiait d'une habilitation "secret défense", a-t-il transmis des informations sensibles avant de passer à l'acte? Le sujet alarme dans les rangs de la police et 160 enquêteurs sont mobilisés pour analyser une clé USB retrouvée dans le bureau du tueur.
Le contenu de la clé, sur laquelle ont été découvertes des vidéos de propagande de l'EI ainsi que des coordonnées de policiers, semble lié aux fonctions d'informaticien de Mickaël Harpon à la DRPP.
Selon les premières vérifications, "il n'y a pas de transfert illicite de données", déclarait mercredi une source proche de l'enquête.
vab-bl-grd-we-bur/jt/cam
Vos commentaires