Une égérie des "gilets jaunes" en fauteuil roulant a été condamnée vendredi à Toulouse à deux mois de prison avec sursis et un an d'interdiction de manifester pour violences envers deux policiers, à l'issue d'un procès dénoncé par la défense comme visant à "la faire taire".
Le tribunal correctionnel de Toulouse a partiellement suivi le procureur, Guillaume Renoux, qui avait également demandé la condamnation de la prévenue pour s'être interposée devant un camion équipé d'un canon à eau, et requis deux ans d'interdiction de manifester en Haute-Garonne, ainsi qu'une amende.
Présidente de l'association Handi-social et pilier des manifestations des "gilets jaunes", la quinquagénaire a été reconnue coupable d'avoir foncé sur un CRS et un brigadier de police avec son fauteuil roulant électrique, blessant l'un aux genoux et l'autre à la cheville, sans incapacité de travail.
Les faits remontent à une manifestation tendue à Toulouse le 30 mars.
Devant le tribunal, elle a mis en doute le témoignage du CRS, et imputé la blessure du brigadier à l'erreur d'autres policiers qui avaient actionné les commandes de son fauteuil pour l'écarter.
"Je ne suis pas en tort, je défends vigoureusement la non-violence", a-t-elle affirmé avant d'interpeller le tribunal: "J'embête la police en les mettant face à leurs violations, cela justifie-t-il de me poursuivre?".
- "Hors la loi" -
"J'ai honte de mon pays et de sa justice, c'est une manière de m'intimider et d'envoyer un message à tous les militants", a-t-elle réagi au jugement. Elle avait auparavant affirmé qu'elle continuerait à manifester quoi qu'il en soit.
Son avocat, Me Pascal Nakache, a fait appel. Il avait plaidé la relaxe, dénonçant des poursuites attestant que face au mouvement des "gilets jaunes" le "ministère public déraisonne".
"Ce procès se transforme en tribune politique" pour "dire que l'on s'est trompé de cible, et que les gens violents sont les policiers", a dénoncé le procureur. "On a le droit de manifester dans le respect des lois" sinon "c'est l'anarchie" mais "à mon avis Mme Maurin s'est mise hors la loi".
Pour "ne pas rentrer dans le débat de savoir si un fauteuil roulant est une arme ou pas", il avait requalifié le chef d'abord retenu, qui indiquait que les violences avaient été commises "avec usage et menace d'une arme", en l’occurrence le fauteuil roulant.
"Ces poursuites sont ridicules (...), on est dans une sorte d'acrobatie juridique dont le but est de faire taire" Mme Maurin, avait affirmé Me Nakache à l'ouverture de l'audience.
- "Pas le procès de la police" -
La prévenue et son avocat ont tenté de prouver que le fauteuil électrique ne pouvait pas avoir atteint les genoux d'un homme debout.
Mme Maurin, qui a été blessée aux jambes dans l'incident et a porté plainte a aussi déploré n'avoir "aucune nouvelle du parquet ou de l'IGPN" à ce sujet.
"On veut faire passer les policiers pour des animaux, des gens qui se déchaînent", mais ici "on ne fait pas le procès de la police mais de Mme Maurin", a objecté l'avocate du brigadier de police, Me Stéphanie Pujol.
Une cinquantaine de "gilets jaunes" étaient venus soutenir Mme Maurin, scandant son prénom à l'entrée du tribunal.
La défense a aussi cité six témoins -- dont le député Sébastien Nadot, exclu fin 2018 du groupe LREM -- qui ont attesté de l'engagement "pugnace" mais "non violent" de la militante et de son apport "éclairant" à la défense des droits des handicapés.
Deux autres procès pour "entraves à la circulation" lors d'une manifestation à un péage et à l'aéroport de Toulouse attendent encore Mme Maurin en février et mars 2020.
Vos commentaires