La distribution de tracts ou de prospectus sur la voie publique est souvent source d'irritation. Thomas pointe du doigt les pratiques "douteuses" d'une chaîne de restauration rapide. Il regrette que des firmes choisissent comme lieux d'occupation les abords des écoles. Les entreprises ciblent ainsi un public jeune, captif, que l'on peut facilement fidéliser, sans tenir compte des dangers que cela représente pour leur santé.
Thomas est scandalisé. Le 25 mars dernier, il découvre, avec stupéfaction, que des démarcheurs de Domino's pizza ont investi les abords de deux écoles d'Etterbeek en région bruxelloise. Ils distribuent ainsi des nombreux flyers promotionnels vantant leurs produits industriels.
"Un homme sandwich et deux autres démarcheurs de la même chaîne ceinturent le trottoir et fourrent dans les mains des gosses ces flyers en papier glacé, qui finiront sans doute pour la plupart jetés sur la voie publique", nous écrit-il via le bouton orange Alertez-nous. Avant d'ajouter: "Franchement, Domino's Pizza, viser spécifiquement des écoles et des enfants avec ce genre de pratiques commerciales agressives, c'est scandaleux. Au-delà de la peste publicitaire, circonstance aggravante : les ravages de la malbouffe chez les enfants et les adolescents. Ce n'est pas votre place, restez loin des abords des écoles !".
De telles pratiques sont-elles autorisées par la commune? Comment est encadré le démarchage sur la voie publique en Belgique? Pour répondre à ces questions, nous avons contacté le service communication de la commune d'Etterbeek.
Après quelques vérifications, son porte-parole est catégorique: aucune autorisation n'a été donnée à Domino's Pizza pour permettre ce démarchage. "Toute distribution doit être validée par le Collège des Bourgmestres et Échevins de la Ville d'Etterbeek", nous explique-t-on. Pour cela, il suffit d'adresser un mail ou courrier postal à la commune en expliquant l'objet de la distribution. "Chaque jeudi, le Collège se réunit et valide ou non", éclaire le porte-parole.
Pas de démarchage autorisé devant les écoles d'Etterbeek
En-deçà de 2.500 flyers, la distribution est gratuite. Au-delà, une taxe est appliquée.
La Ville d'Etterbeek nous précise qu'elle n'autorise aucun démarchage publicitaire devant les établissements scolaires. "De plus, au vu de l'alimentation durable que nous défendons, il est difficilement imaginable que l'on puisse autoriser une telle action de Domino's Pizza", nous précise-t-on.
Ce type de fraudes ne donne cependant pas lieu à un contrôle intensif. "Nous n'avons pas d'agents qui circulent dans la commune pour repérer spécifiquement ces délits", nous indique le porte-parole de la Ville. On nous précise cependant que si une plainte est déposée, une procédure pénale peut être entamée et donner lieu à une amende.
Comment l'entreprise Domino's justifie-t-elle une telle action?
Via sa porte-parole, la firme se dédouane de toute forme de "publicité agressive". "Nous voulons toujours aborder les gens de manière positive. Nous sommes une organisation de franchisage et chaque filiale donne sa propre interprétation à cela. Ce n'est jamais l'intention de paraître agressif. En fait, nous croyons fermement qu’il faut redonner quelque chose ensemble aux endroits où se trouve un magasin Domino’s", nous indique-t-on.
Il semblerait qu'une nouvelle campagne ait été lancée ce lundi d'où le démarchage entrepris à Etterbeek. Sur la question des autorisations, l'entreprise botte en touche. On préfère nous assurer que les produits "sont frais, proviennent de marchands locaux, etc."...
Autoriser ou pas: ce sont les communes qui décident
Du côté du SPF (Service Public Fédéral) Économie, on nous explique qu'aucune loi n'interdit de distribuer des flyers sur le domaine public. Chaque commune peut décider de l'autoriser ou non dans le cadre du maintien de l'ordre. Plusieurs questions se posent alors.
Faut-il autoriser le démarchage devant les écoles comme l'a pratiqué Domino's Pizza à Etterbeek? "Pour l'appréciation de pratiques commerciales déloyales (ce qui inclut aussi les pratiques agressives), il faut tenir compte de la vulnérabilité d'un groupe particulièrement visé par l'entreprise, comme les jeunes", nous indique Chantal De Pauw.
Qu'entend-on par "pratiques agressives" dans le cadre législatif? "Il y a une liste de pratiques qui sont considérées agressives en toutes circonstances (art. VI.103 Code de droit économique, liste noire), et une norme générale de 'pratiques agressives' (art. VI.101 et VI.102 Code de droit économique). Dans la liste "noire", il est interdit par exemple : "d'inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs parents ou d'autres adultes de leur acheter le produit faisant l'objet de la publicité", nous précise le SPF.
Dans quels cas peut-on parler de "pratiques agressives"? Trois conditions déterminées par la loi définissent ce genre de techniques. Exercer une pression inadmissible (par harcèlement, contrainte, influence injustifiée) est défini comme une "pratique agressive". On entend également les procédés qui altèrent de manière significative la liberté de choix ou de conduite du consommateur. Enfin, dans un troisième cas, amener un client à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement est également considéré comme une pratique agressive.
"Sur cette base, et même si d'autres critères doivent également être pris en compte (moment, endroit, nature et persistance de la pratique commerciale), nous ne pouvons pas affirmer a priori que la distribution de flyers près d'une école est en soi à considérer comme une pratique agressive", éclaire la porte-parole du SPF Économie.
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