Une bulle à vêtements des Petits Riens est "lourdement vandalisée" chaque semaine en région bruxelloise, selon un responsable de l'asbl. Une dégradation souvent liée au vol, de plus en plus souvent l'oeuvre de bandes professionnelles qui renversent le containeur et dérobent le contenu. Quant aux voleurs isolés, certains n'hésitent pas à introduire des enfants dans la bulle pour arriver à leurs fins! S'y ajoutent des problèmes de propreté publique, les sites de collecte se transformant souvent en dépôts clandestins. À Saint-Gilles, la commune a fait retirer toutes les bulles de l'asbl.
"Aux Etangs de Pede à Anderlecht, ils volent Les Petits Riens", nous écrivait Luc ce lundi, commentant la photo, prise avec son smartphone, qui illustre cet article. La bulle à vêtements est renversée, gueule ouverte, des sacs en plastique éventrés jonchent le sol comme crachés par elle. Soyons francs, cette image ne surprend pas. Les habitants de la capitale ont tous déjà vu des bulles abîmées ou transformées en dépôt clandestin. Nous avons toutefois appelé un responsable des Petits Riens, l'entreprise d'économie sociale qui gère pas moins de 250 bulles à vêtements en région bruxelloise, pour faire un point sur la situation. Celle-ci est sidérante. Chaque semaine, une bulle à vêtements est "vandalisée lourdement", c'est-à-dire complètement taggée, renversée, éventrée ou même brûlée, affirme Maxence De Vroey, un responsable textile de l'association.
Trois personnes temps plein pour nettoyer les sites de collecte
Le phénomène connait une forte croissance depuis quelques années. Plus que le vandalisme gratuit, c'est le vol qui constitue la source du mal. On en distingue deux types, commence notre interlocuteur. Le premier est commis par le petit, celui qui "n'a pas beaucoup de sous", celui que vous avez peut-être déjà vu, une partie du corps engloutie dans la bulle et qui essaie de récupérer ce qu'il peut. "Ces personnes 'pêchent' les vêtements par les tiroirs de dépôts des bulles. Ce type de vol engendre beaucoup de saletés car les meilleurs vêtements sont volés et le reste de la 'pêche' est laissé autour de la bulle", explique Maxence De Vroey. La saleté autour des bulles représente un véritable fléau pour l'asbl contrainte d'employer trois personnes et un camion à temps plein pour nettoyer chaque jour les sites dont l'entretien lui incombe même s'il s'agit d'un terrain communal. Joint par téléphone, l'échevin de la Propreté Publique de Saint-Gilles nous a cependant indiqué que ses services de nettoyage devaient quand même, eux aussi, régulièrement intervenir.
Bandes organisées
Mais les vols les plus destructeurs sont d'abord l'œuvre de bandes organisées. Des professionnels qui renversent le containeur, parce qu'il ne s'ouvre que par le bas, et en dérobent le contenu jusqu'au dernier slip, soit 300 kg de vêtements. Ces dépouillements intégraux se sont multipliés en raison d'une explosion de la demande qui a fait bondir les prix. On assiste donc à un phénomène similaire à celui des vols de cuivre et de métaux dont la fréquence a suivi l'évolution du prix de ces matières premières. En sept ans, le prix de l'"original" qui désigne l'ensemble des vêtements déposés dans la bulle quel que soit l'état (voir encadré ci-contre) a doublé.
Forte demande dans les pays en voie de développement
La demande en vêtements de seconde main a augmenté chez nous mais elle a surtout crû dans les pays en voie de développement. Attirés par la main d'œuvre bon marché, des ateliers de tri y voient le jour un peu partout, notamment en Arabie Saoudite, avance Maxime De Vroey. Les vêtements européens sont la nourriture de ces ateliers. Et l'appétit de ceux-ci est gargantuesque.
La concurrence du privé
Le boom de la demande n'entraîne pas qu'une montée de la criminalité. Un marché, tout ce qu'il y a de plus légal, s'est développé. De nombreuses entreprises privées se sont lancées dans la collecte des vêtements, installant leurs propres bulles et concurrençant celles des Petits Riens. Mais le but de ces entreprises, comme toutes sociétés privées, est de faire du bénéfice alors que nous avons pour vocation d'aider les démunis, insiste notre interlocuteur. L'an passé, l'activité textile des Petits Riens a généré une marge de 1,2 million d'euros. Celle-ci permet notamment de financer un home social pour les sans-abri, le plus grand du pays qui héberge en permanence 120 SDF. En outre, la collecte, le tri et la vente de vêtements de seconde main occupe 150 personnes.
Des propriétaires qui éjectent l'asbl
Malgré ces vols, de plus en plus fréquents, l'activité reste profitable pour l'association sociale qui voit donc d'un mauvais œil la concurrence des opérateurs privés, en particulier lorsque ses bulles se trouvent sur des terrains privés. En effet, les opérateurs rachètent ces terrains aux propriétaires. Ils éjectent alors les bulles de l'asbl pour les remplacer par les leurs, déplorent Maxence De Vroey.
Des enfants introduits dans les bulles à vêtements
Alors qu'elle a connu une forte croissance il y a cinq ans, l'installation de bulles à vêtements des Petits Riens ralentit donc aujourd'hui sous l'influence de tous ces facteurs. À Saint-Gilles, la commune a carrément fait retirer tous les containeurs de l'association il y a environ six mois. Pas seulement à cause de la saleté ou des dégradations mais aussi pour des raisons de sécurité. Certains voleurs avaient été vus en train d'introduire des enfants dans les bulles, nous a déclaré Carlo Luyckx, échevin saint-gillois. Plus petits, ceux-ci ont l'avantage de pouvoir se faufiler dans le ventre du containeur et en ressortir les sacs de vêtements par l'endroit où ils sont entrés. "Depuis, on n'a toujours pas trouvé de solutions de remplacements", regrette Les Petits Riens. Conséquence: les Saint-Gillois se sont tournés vers d'autres communes comme en témoigne l'augmentation des quantités déposées dans les bulles des quartiers voisins.
Les systèmes anti-vol: une efficacité parfois néfaste
Quelles sont les solutions ? On pense d'abord à des systèmes anti-vol infaillibles. Mauvaise idée, "si le système anti-vol est trop efficace, ils renversent la bulle, la détruisent ou la brûlent pour récupérer le contenu. On préfère se faire voler partiellement mais garder nos bulles en état", explique Maxime De Vroey. Supprimer les bulles et organiser des collectes dans des locaux (c'est notamment le cas à Ixelles à l'arrière du magasin des Petits Riens) ? Le responsable est dubitatif: "Les gens ont pris l'habitude de déposer ces sacs près de chez eux." La solution privilégiée actuellement est la recherche de sites plus adaptés, moins isolés. Mais cela dissuadera-t-il les voleurs si la valeur du contenu de ces bulles continue d'augmenter ?
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