Pour le RTLINFO 19H, nos reporters Mathieu Langer et Gaëtan Delhez ont rencontré la femme de ménage prise en otage par le tueur de Liège, dans l'entrée du Lycée Léonie de Waha. La voix entrecoupée par des sanglots, Darifa explique l'échange sidérant qu'elle a eu avec Benjamin Herman, qui venait de commettre ses crimes.
"Je vous le dis honnêtement: je ne l'ai pas vu venir", raconte Darifa à nos reporters Mathieu Langer et Gaëtan Delhez. Hier, après avoir tué trois personnes, Benjamin Herman fait irruption dans le hall d'entrée de l'athénée Léonie de Waha, dans le centre de Liège. Là, il tombe nez à nez avec cette femme de ménage qui, sentant le danger, venait de fermer les portes pour protéger les enfants, professeurs et le personnel. "J'avais vu une collègue qui était à l'extérieur et qui est revenue à l'intérieur toute agitée, elle criait. Donc, j'ai vite fermé les portes qui donnent accès à l'école du côté de la cour et du côté des escaliers qui mènent aux classes. Une fois, que j'ai fait ça, je me suis retournée et j'ai vu cet homme devant moi", détaille Darifa, qui précise "n'avoir pas eu le temps d'aller se cacher".
L'auteur des crimes lui demande si elle est musulmane
Surprise, la femme de ménage fixe l'auteur des meurtres dans les yeux. "Il m'a dit 'Je vais te poser deux questions'", décrit-elle. "Il m'a dit 'Tu es musulmane?' et j'ai dit oui. Ensuite, il m'a demandé 'Tu fais le ramadan?' et j'ai dit oui aussi. Il m'a dit 'Regarde-moi, je ne te ferai pas de mal, ne te tracasse pas'". Ces paroles, bien que tenues par l'homme qui venait de semer la mort, ont pu calmer la femme de ménage, qui a alors été capable de lui répondre. "Il m'a apaisée, je le dis franchement. Je lui dis 'Écoute, qu'est-ce que tu viens faire ici? Ce n'est pas un endroit pour toi, c'est une école. Si tu veux, on sort, tous les deux. Tu n'as rien à faire ici'".
Benjamin Herman poursuit ses échanges avec la femme de ménage. Il ne se dirige pas dans l'enceinte de l'école et demande alors à Darifa de "reculer vers les portes".
Le tueur voit que la femme de ménage tente d'alerter ses collègues: "Il a tiré vers la cour!"
Darifa conserve son sang-froid et tente alors d'avertir ses collègues pour qu'ils puissent se mettre à l'abri. "J'ai fait un signe aux professeurs dans la cour pour leur dire de rentrer, pour les prévenir qu'il se passait quelque chose. Mais ils n'ont pas réagi, je pense qu'ils n'ont pas compris". Mais le tueur remarque les gestes de Darifa. "Il a tiré une balle côté cour vers une fenêtre. Là, j'ai pleuré et crié. C'est difficile à dire, mais il m'a dit 'Arrête de pleurer. Si tu pleures tu dois pleurer pour tes frères palestiniens et syriens'. Je lui ai dit que je pleurais tous les jours quand je voyais ça à la télévision mais que là, je pleurais car je suis angoissée. Et là, il m'a répété qu'il ne me ferait rien".
Benjamin Herman n'a pas caché sa haine des policiers: "Laisse-les bouillir!"
"Il m'a regardée et m'a dit 'Je suis belge converti à l'islam'. Il a dit trois fois Allah Akbar (Dieu est grand, ndlr)", poursuit Darifa, qui, ne se laissant ni impressionner ni distraire par Benjamin Herman, tente de lui faire entendre raison une seconde fois. "Je lui ai redit tout doucement qu'il était dans une école, qu'il ne devait pas rester ici. Je lui ai dit qu'on allait sortir tous les deux qu'il n'allait rien lui arriver". Mais l'auteur des crimes affirme à la femme de ménage vouloir en découdre avec les policiers. "Je veux les laisser mijoter ces gens-là", a alors dit le meurtrier à propos des policiers, souhaitant aussi "les laisser bouillir".
Benjamin Herman finira par tirer à deux reprises, selon Darifa, vers la porte extérieure de l'établissement scolaire et en direction des policiers. "Il a ensuite ouvert la porte, il est sorti et j'ai entendu les tirs qui l'ont abattu".
Darifa semble tiraillée entre le soulagement d'avoir été épargnée et la culpabilité envers les victimes
Très marquée par cet échange avec l'auteur de la tuerie, Darifa pense que le meurtrier l'a épargnée en raison de sa confession musulmane. "C'est malheureux à dire mais je l'ai ressenti comme ça", dit la femme de ménage, la gorge nouée par les sanglots. Car le sentiment d'une terrible injustice semble l'envahir: les autres, eux, n'ont pas survécu. "Il y avait d'autres personnes... Je parle des victimes...".
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