La commission d’enquête de Wallonie consacrée aux inondations catastrophiques de juillet est désormais sur les rails: elle s’est réunie pour la première fois ce jeudi matin. Les députés wallons se sont donnés trois mois pour faire toute la lumière sur ces événements tragiques. Ils commenceront leur travail dès le vendredi 10 septembre et ce, jusqu’en décembre. Même si de nombreuses personnes ont pu être secourues, le bilan des intempéries reste lourd: 38 personnes décédées et une personne toujours disparue aujourd’hui.
Parmi les nombreuses questions qui seront abordées par la commission, il y a notamment les problèmes survenus au niveau des services de secours et de la protection civile.
Le bateau que nous avons à Liège a coûté une fortune, 300.000 euros. C'est un bateau pas du tout adapté pour aller sur les fleuves
Un sapeur-pompier de la zone 2 à Liège a témoigné dans l'émission C'est pas tous les jours dimanche sur RTL TVI en sa qualité de délégué du syndicat libéral SLFP. Notre témoin a commencé par un exemple: la zone de secours dispose d'un bateau… mais inutilisable. "Le bateau en question que nous avons à Liège a coûté une fortune, 300.000 euros. C'est un bateau adapté pour du sauvetage en mer, pas du tout adapté pour aller sur les fleuves. Il n'a jamais été opérationnel", affirme Sébastien Bande. Il précise ensuite que l'appareil est touché depuis longtemps par une panne, qui n'a jamais été réparée selon lui.
Autre souci survenu durant les inondations selon le pompier, des bateaux venus en renfort depuis Anvers n'ont pas été utilisés immédiatement. "Dans la nuit du 14 au 15 juillet (ndlr: la nuit où l'eau a beaucoup monté) les rues sont déjà sous eaux. Des personnes nous disent qu'ils ont de l'eau jusqu'au torse. […] Dans le courant de la nuit, des bateaux des collègues flamands vont arriver. Là c'est au niveau du centre de crise provincial, où tout est géré sur la province, où on met plus de deux heures à les envoyer sur site", explique-t-il.
Selon notre intervenant, un autre problème concerne les plongeurs. "On a l'air de découvrir la situation, mais la situation pour nous n'est pas nouvelle. Actuellement, ce sont les plongeurs de Liège qui interviennent sur les zones 4 et 5, puisque ces zones-là n'ont pas de plongeur", affirme-t-il. Rappelons que Malmedy, par exemple, disposait autrefois de deux plongeurs. "Et il n'y en a plus", précise le pompier. "Et ici c'était clairement la spécialité qui a travaillé le plus".
Les causes de ces problèmes selon le pompier
Suite à ces exemples, Sébastien Bande avance ses explications aux problèmes survenus durant les inondations. "Tout d'abord, la plupart des zones de secours ont des analyses de risque qui sont déficitaires, voire lacunaires. 20% des zones de secours en Belgique n'ont pas d'analyse de risque alors que c'est une obligation légale. Donc à partir du moment où les commandants de zones ne savent même pas et n'ont pas pris en compte les risques potentiels sur leur territoire, on ne peut pas avoir du personnel et du matériel en conséquence", indique-t-il.
Il y a trop de décideurs, c'est évident
Autre problème structurel selon le pompier: il y aurait trop de décideurs et de responsables. "Je crois que notre pays est tellement morcelé, il y a tellement de lasagnes et décideurs aujourd'hui. Je pense qu'il y a tellement de négociations, est-ce qu'on envoie d'abord à Pepinster, au centre de Verviers, à Angleur, à Chaudfontaine?", avance Sébastien Bande. Mais d'où viennent ces tergiversations? "Ça il faut voir avec les politiques. Moi je n'étais pas au centre de crise. (Mais) il y a trop de décideurs, c'est évident. On ne peut pas parler de ça sans parler de la réforme des pompiers. Avant la réforme, il y avait trois colonels en Belgique. Aujourd'hui, rien que sur Bruxelles il y a dix colonels. À Liège il n'y en a qu'un, mais qui n'était pas au centre de crise, donc c'était un membre d'état major qui était là pour représenter Liège", répond-il.
Les zones fonctionnent avec des budgets fermés, de plus en plus restreints, et préfèrent économiser sur certaines choses
Selon notre intervenant, les difficultés d'intervention s'expliquent aussi par le manque de budget. "Je crois qu'on est dans des logiques d'économies budgétaires aujourd'hui, où il faut tout faire rentrer dans des budgets qui sont de plus en plus serrés. Il y a un désinvestissement dans la sécurité civile. Et forcément, les zones fonctionnent avec des budgets fermés, de plus en plus restreints, et préfèrent économiser sur certaines choses", avance le sapeur-pompier.
"Je pense que par manque d'anticipation on a perdu des vies. Je pense qu'on a perdu des vies aussi par manque d'analyse", confie encore Sébastien Bande.
Aucune explication avancée pour l'instant par les membres de la commission
Dans la suite de l'émission, des membres de la commission parlementaire wallonne sont intervenus: Eddy Fontaine, François Desquesnes et Olivier Biérin. Aucun n'a cependant souhaité avancer d'explications sur les problèmes qui touchent les services de secours et les difficultés survenues durant les inondations. Selon eux, la commission parlementaire devra faire son travail "sans a priori" pour déterminer les causes du drame.
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