L’ex-député provincial Philippe Bultot (MR) va recevoir des indemnités de sortie, puisqu’il devient à présent le président du Conseil provincial de Namur. Un jeu de chaises musicales qui rapporte. Le mécanisme est légal selon les observateurs du secteur, mais il fait grincer les dents de nombreux membres de l’opposition.
Les élections communales et provinciales du 14 octobre dernier n’ont pas encore fini de faire parler d’elles. Après le dépouillement, les résultats, les coalitions et l’installation des nouvelles assemblées, c’est la répartition des postes qui a par endroits posé problème. Ce fut le cas à Namur, où la nomination du président du Conseil provincial a fait pas mal de remous.
Avant toute chose, rappelons que le Conseil provincial est l’assemblée législative de la Province (en quelque sorte, son parlement), dont les membres sont des conseillers provinciaux. Le pouvoir exécutif est quant à lui représenté par le Collège provincial, où siègent des députés provinciaux. Du côté de la Province de Namur, les élections ont mené à la formation d’une tripartite MR-cdH-DéFi.
Des débats tendus sur les indemnités
Le passage de flambeau entre l’ancienne et la nouvelle majorité s’est tenu au Palais provincial de Namur le vendredi 23 novembre dernier, et le nouveau pacte de majorité a bel bien été voté. Le nouveau Président du Conseil provincial a été choisi, il s’agit donc de Philippe Bultot, désormais ex-député provincial (il l’a été pendant 8 ans et demi). Avant son installation, les débats autour des indemnités de sortie de ce dernier ont été plus que tendus. Il devrait recevoir, en raison de la fin de son mandat de député provincial, 184.000 euros bruts. Et il s’agit d’un procédé tout à fait légal.
Les textes du Code de la démocratie locale prévoient en effet le versement d’une indemnité aux députés provinciaux qui achèvent leur mandat. Elle dépend de la durée de la carrière du député sortant. Les modalités de calcul et de versement sont déterminées par la Province elle-même. Mais il y a tout de même des exceptions. "On ne peut pas cumuler cette indemnité avec une fonction de parlementaire, de ministre, de gouverneur de Province, d’ambassadeur ou de juge à la Cour Constitutionnelle", détaille-t-on auprès du CRISP, le centre de recherche et d’information socio-politiques.
Un cumul de fonctions
On se trouve donc dans la légalité, mais les partis de l’opposition (Ecolo-PS-PTB) ont crié au scandale. Scandale, parce que Philippe Bultot ne perd pas vraiment son travail, puisqu’il passe du poste de député provincial à celui de Président du Conseil. En outre, il honorera pendant les 6 prochaines années un mandat de premier échevin à la ville de Walcourt. Deux fonctions qui sont cumulables, Walcourt n’étant pas une grande commune (on y comptait 18.376 habitants en début d’année, selon les derniers recensements). Deux nouvelles attributions pour lesquelles Philippe Bultot percevra évidemment des rémunérations.
De nombreux membres de l’opposition auraient voulu qu’il renonce à ses indemnités de sortie. Mais il est bien entendu impossible de l’y obliger. "Tout ce qui est prévu dans les textes de loi ne souffre d’aucune discussion", explique Pierre Vercauteren, politologue à l’UCL. "L’idée d’une indemnité de sortie de fonction n’est d’ailleurs pas illégitime, puisque le mandat politique est déterminé dans le temps. Et l’issue est incertaine. C’est donc important de prévoir un coussin de sortie".
"Ce n'est pas un parachute doré"
Il faut tout de même apporter des nuances à la somme qui est là présentée. "Une telle somme est déjà élevée, et il s’agit d’un montant brut", relate-t-on auprès du CRISP. "Il faut aussi préciser qu’on ne reçoit pas la somme d’un coup, mais bien une partie tous les mois, ce n’est pas un parachute doré". Les textes de lois ont d’ailleurs récemment été modifiés à ce sujet. L’indemnité pouvait jusqu’à présent être touchée pendant un maximum de 4 ans. La durée a été récemment rabotée à un maximum de 24 mois (2 ans).
Malgré leur mécontentement, les membres de l’opposition ne peuvent donc pas contester le versement de cette indemnité. Ce dernier peut par contre rester discutable d’un point de vue moral pour certains, selon Pierre Vercauteren. "C’est légal, mais il faut dire que c’est tout de même mal vu par les gens, en cette période de vaches maigres".
Des rémunérations limitées à un plafond absolu
Du côté des rémunérations, les conseillers provinciaux reçoivent uniquement des jetons de présence, rien d’autre. Ils gagnent ainsi 213 euros en Wallonie, à chaque fois qu’ils assistent à une réunion du Conseil. Ce dernier se réunit une fois par mois (souvent le dernier vendredi du mois), ou dès que les affaires l’y obligent. Le Président du Conseil touche également une rémunération supplémentaire, prévue dans le Code de la démocratie locale. De leur côté, les députés reçoivent quant à eux un salaire (un peu plus de 91.000 euros bruts par an), auquel s’ajoute une indemnité forfaitaire pour couvrir les frais liés à leur fonction. Le Collège provincial se réunit en principe chaque jeudi, sauf exception.
Toutes ces rémunérations (ainsi que les éventuelles indemnités de sortie) sont soumises à un plafond, pour éviter que le cumul ne devienne trop important. Un élu ne peut en effet pas avoir une rémunération supérieure à une fois et demie l’indemnité annuelle perçue par un membre de la Chambre… Soit un peu plus de 190.000 euros bruts par an.
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