Vous l'ignoriez sans doute, mais il existe une alternative à l'abonnement mensuel à la télévision digitale, facturée une petite vingtaine d'euros, hors location du décodeur, par les opérateurs. Il s'agit de l'IPTV, un accès à des chaînes via une simple connexion internet. On a mené l'enquête et discuté avec un fournisseur de ce service qui reste 'undeground', car non officiel, non déclaré, non garanti…
La télévision est en pleine mutation. L'époque de la consommation linéaire, où l'on feuillette son Ciné Télé Revue ou son Télépro pour connaître la programmation des chaînes, est en passe d'être révolue. Les plus jeunes ont bien intégré le principe de vidéo à la demande (YouTube, Netflix, etc…), et les grandes chaînes s'activent en coulisse pour répondre aux changements d'habitude des consommateurs.
Dans ce contexte, l'exemple d'Alain, un délégué commercial de la région de Charleroi qui n'a rien d'un ado branché sur YouTube, est symptomatique. "Je cherche une offre de chaînes TV sur internet, car je me déplace beaucoup, j'ai des périodes de garde, d'attente commerciale", nous a-t-il confié après avoir contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous.
Au fil de ses recherches, il est tombé sur OofTV.ml, un site belge qui se dit basé à Nivelles, malgré son nom de domaine… malien. "Ce site propose un abonnement à toutes les chaines tv sur internet. Je viens d'en recevoir la promo sur mon adresse mail. Cela me semble une arnaque", nous a-t-il confié.
C'est quoi, l'IPTV ?
Le site est bel et bien géré en Belgique, par un certain Robert qui a accepté de répondre à nos questions par email, "malgré le côté 'underground' de l'IPTV".
Rappelons en deux mots le concept: l'IPTV, pour Internet Protocol Television, est simplement l'accès à des chaînes de télévision via une connexion internet, sans passer par l'offre TV payante (environ 20€ par mois en Belgique) des opérateurs. A l'aide d'un boitier ou d'un lecteur vidéo de type VLC sur un ordinateur/smartphone, on renseigne une liste de "flux" de streaming vidéo de chaîne de télévision.
C'est assez paradoxal car en réalité, Proximus TV, c'est de l'IPTV, mais gérée de manière officielle par l'opérateur belge historique. Logique: c'est aussi via une simple connexion au réseau que les chaînes sont diffusées via un décodeur, qui intègre un logiciel et une interface souvent inutilement lourds et truffés d'options (enregistrement, VOD, gestion des bouquets payants, etc).
L'IPTV comme on va en parler dans cet article est le 'non-officiel'. Les chaînes dans le monde entier ont des contrats de diffusion avec les opérateurs (en Belgique, c'est Voo, Proximus, etc) et leur fournissent des flux officiels. Mais ces flux peuvent se retrouver ailleurs sur le web, certains parvenant à les pirater, les détourner, pour les mettre à disposition du public. On parle donc, et c'est le cas de OofTV, d'IPTV 'non-officiel'.
L'idée de départ était de proposer des chaînes belges et françaises publiques mais c'est un cauchemar pour le faire 'correctement' et dans les règles...
On a interrogé le responsable de OofTV: comment travaille-t-il ?
Contrairement à ce que craint notre témoin carolo Alain, OofTV n'est pas à proprement parler une arnaque. Ce n'est pas une activité légale pour autant.
"Notre volonté (…) est d'offrir un service qui fonctionne de partout avec n'importe quel lecteur multimédia", nous a expliqué Robert, responsable de OofTV.
Et pour ça, hélas, il faut passer par des flux vidéo non-officiels. "A vrai dire, l'idée de départ était de proposer des chaînes belges et françaises publiques mais c'est un cauchemar pour le faire 'correctement' et dans les règles... Et jamais aucun opérateur belge n'a proposé un service IPTV réellement ouvert (lisible avec VLC, sans location de décodeur, via n'importe quelle connexion Internet, sans logiciel maison)".
C'est donc "impossible de le faire de manière 100% légale pour le moment", même si Robert "serait preneur s'il était possible d'avoir des flux officiels". Mais aucun acteur ne semble vouloir toucher au modèle traditionnel: chaîne > opérateur > décodeur > TV.
Du coup, OofTV achète des flux et les regroupe dans une liste de lecture, qu'il commercialise officieusement sous forme d'abonnements. Sa source ? "Il existe de très nombreux fournisseurs qui vendent des canaux pour du re-stream". On n'en saura pas plus.
Robert a ses propres infrastructures offrant à ses abonnés des centaines de chaînes. Selon lui, "le rapport qualité/prix est imbattable, nous vendons quasi au prix de revient (location de serveurs, bande passante, etc)".
1000 chaînes en (bonne) qualité HD
Nous avons testé OofTV pendant quelques jours, ce que peuvent faire tous les clients intéressés. "Il y a 1000 chaînes dont un grand nombre sont exotiques ou premium. Elles ne nous intéressent pas vraiment mais elles font partie du catalogue de nos fournisseurs", nous a expliqué notre interlocuteur.
Le service nous a semblé stable durant notre test, avec une qualité d'image très respectable (au minimum de la HD).
Le site de OofTV, et un exemple de lecteur VLC sur un ordinateur, avec une liste de chaines
Les chaînes premium, seules vraies victimes du concept
Dans la liste de OofTV, on retrouve la majorité des chaînes francophones, y compris des chaînes dites premium (Be Cinema, Canal+). Les amateurs de foot seront ravis: il y a d'innombrables chaînes labellisées Sky Sports ou beIN sports, diffusant les grands championnats.
Si jusqu'alors, on ne pouvait pas parler de réelles nuisances envers les chaînes de télévision (elles ont des spectateurs en plus, même s'ils ne sont pas pris en compte dans les mesures d'audience), c'est différent dans le cas des chaînes premium.
Elles perdent en effet potentiellement de l'argent, car il faut bien sûr payer des abonnements, parfois de plusieurs dizaines d'euros par mois, pour y accéder.
Le problème ? "Il n'y a aucune garantie"
L'IPTV, sur le papier, ressemble à une bonne alternative à un abonnement traditionnel à un opérateur, qui vous facture souvent – même si c'est généralement inclus dans un pack – une petite vingtaine d'euros par mois pour la TV digital et environ 80 chaînes non premium. Sans oublier qu'il faut ajouter jusqu'à 12,95€ par mois pour la location décodeur (chez Voo). On arrive donc à 31€ par mois pour des chaînes de télévision diffusant pourtant de la publicité, contre 72€ par an chez OofTV.
Intéressant sur le papier, donc, mais comme l'a très justement souligné Alain, notre témoin de Charleroi, "on n'a aucune garantie sur la qualité du service, on ne sait pas identifier la société, ni à qui on paie un abonnement".
"Or, la loi implique qu'on sache à qui on achète un bien ou un service", fait-il remarquer. "On doit donner ses coordonnées de carte VISA, mais s'il y a un problème ou si c'est une arnaque, VISA ne remboursera pas car on a donné sciemment ses accès".
"Loin d'être rentable"
Robert, lui, se défend d'avoir jamais floué quiconque. "Nous n'avons jamais arnaqué personne ! Le service est de bonne qualité avec quelques défauts liés à l'IPTV. Il est possible que les prix augmentent légèrement à l'avenir, car nous travaillons sur l'amélioration de la stabilité et rajoutons régulièrement des sources de backup pour les chaînes qui posent problème".
Et le .ml à la fin de l'URL, qui n'inspire pas confiance ? "C'était l'adresse de développement/test, et un nom de domaine gratuit. Nous l'avons finalement gardé et enregistré pour une plus longue période. Le .com est déjà pris. Nous envisageons d'autres extensions (.tv, .net, etc). Un différend dans le passé (…) nous a poussé à choisir autre chose qu'un .be"
A l'heure actuelle, avec ce service 'underground' et non officiel, Robert ne gagne pas d'argent. "Nous avons d'autres activités officielles: le service IPTV est loin d'être rentable pour le moment".
Quant à une éventuelle plainte ou enquête de la police à son égard, Robert n'a pas trop peur. "Je n'ai pas encore eu d'ennuis pour le moment. J'imagine que si on était les seuls à proposer ce service, ça se passerait autrement. Mais il y a depuis des années des centaines de 'gros fournisseurs' IPTV et encore plus de simples revendeurs (qui ne disposent pas de leurs propres serveurs)".
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