Madeleine est scandalisée que Liège tolère encore les manèges à poneys sur sa foire. Certaines villes comme Anvers ou Gand les interdisent désormais. À Waterloo, le bourgmestre l'envisage aussi. Barbara affirmait y avoir observé sur une braderie des poneys travaillant dans des conditions difficiles: pas de pause, pas d'eau, pas de nourriture pendant plus de 8h. Une loi encadrant cette attraction a été édictée en 2013. Mais les associations de défense des animaux veulent une interdiction totale. À Liège, on fait confiance aux forains: "Ce n’est pas dans leur intérêt de maltraiter les animaux".
La foire de Liège. Sa pêche au canard, ses tirs à la carabine, ses auto-tamponneuses, ses lacquemants, sa
Turbine
qui reste bloquée. Et, à la plus grande colère de Madeleine, son manège à poneys.
"Je trouve scandaleux qu'en 2014 on ne soit pas un peu plus civilisés et qu'on se serve encore de ces pauvres bêtes pour se faire de l'argent"
, a-t-elle écrit au bourgmestre de la ville, Willy Demeyer.
"Il faut sensibiliser les parents et les enfants que l'animal souffre et que là n'est pas leur place. Que comptez-vous faire, monsieur Demeyer? Allez-vous laisser continuer cette ignominie ou l'interdire?"
a-t-elle demandé. Il faut savoir que certaines villes comme Anvers, Gand ou, probablement bientôt, Waterloo interdisent cette attraction (lire notre enquête plus bas).
Liège n'a pas pour intention d'interdire les manèges à poneys
Nous ne savons pas si Madeleine, qui nous a fait parvenir sa lettre
via notre page Alertez-nous
, a obtenu une réponse. En tout cas, nous, nous l'avons eue. Et c'est NON. En effet, nous avons téléphoné à la commune et Bernadette Noël de l'échevinat du développement économique nous a fait savoir que Liège n'avait aucune intention d'interdire les manèges à poneys.
"On applique la loi sur le bien-être animal. La police des affaires économiques vérifie si les animaux sont en bonne santé et pucés, s’ils sont tenus dans de bonnes conditions. On vérifie la propreté des boxes, s’il y a suffisamment de points d’eaux, de la nourriture en suffisance"
, a-t-elle argumenté, ajoutant que, de toute façon,
"ce n’est pas dans l’intérêt du forain de maltraiter les animaux"
.
Barbara: "Les poneys ont tourné de 10h à 18h30 sans pause, sans une seule goutte d'eau et sans nourriture"
Madeleine n'est pas la seule personne choquée par cette attraction animalière. Au mois de septembre, Barbara nous avait contactés pour un autre manège à poneys, localisé à Waterloo cette fois, à l'occasion de la braderie.
"Les animaux ne sont pas des objets !"
lançait-elle après avoir été témoin de ce qu'elle qualifiait de
"véritable maltraitance envers les animaux".
"Je ne pouvais pas faire comme si je n'avais rien vu, j’ai donc décidé de filmer ce manège à poneys à la braderie de Waterloo",
explique Barbara sur Facebook.
"Les poneys ont tourné de 10h à 18h30 sans aucune pause, sans une seule goutte d'eau et sans nourriture. Les animaux étaient tellement épuisés que pendant les courts moments où ils étaient arrêtés pour faire descendre et remonter les enfants sur leur dos, certains poneys somnolaient sur celui qui se trouvait devant lui !"
affirme-t-elle avoir observé.
Face à ce spectacle, Barbara a demandé au propriétaire des animaux si elle pouvait leur donner un sachet de pommes, ce à quoi celui-ci aurait répondu
"Non madame, je suis désolé mais pas pendant le travail. Sinon, ils vont attaquer pour en redemander"
non sans ajouter qu'elle pouvait
"revenir à 19 heures".
"Ils tournent en rond, dans une piscine d’eau mélangée à leurs excréments"
Les animaux ont donc, selon elle, continué à tourner en trottant
"à même le béton, sous la pluie, sans abris, dans une énorme piscine d'eau mélangée à leurs excréments."
Souhaitant agir, Barbara a lancé une pétition que 948 personnes avaient signé à la date du 29 octobre.
Malgré tout, selon Ann De Greef, la directrice de Gaia, ce n’est pas la meilleure manière de lutter contre le phénomène.
"Poster une photo sur Facebook ou faire une pétition ne sert pas à grand-chose. Il faut absolument
déposer une plainte ou prévenir le SPW bien-être animal
afin que ces faits soient poursuivis et qu’un contrôleur soit envoyé pour constater les faits"
"Une évolution, mais pas une révolution"
Car une législation existe bel et bien. Début 2012, le groupe de travail "poneys de foire" avait pu, au terme de plusieurs réunions, parvenir à un consensus sur certaines règles à suivre afin que les animaux ne subissent pas de maltraitance. Pour Jean-Marc de Montegnies, directeur d’
Animaux en péril
, "c'est une évolution mais pas une révolution."
De ce consensus, résulte donc plusieurs décisions: la piste doit faire un diamètre de 8 ou 10 mètres minimum suivant les espèces, le sol doit être recouvert d’un tapis de caoutchouc ou d’une épaisse couche de sciure, les juments gestantes de plus de 8 mois et les juments allaitantes ne peuvent plus être utilisés. Mais surtout, et c'est la décision la plus importante selon la directrice de Gaia, des conditions strictes de détention et d’hébergement des animaux ont été établies.
Vers une suppression définitive des poneys de foire ?
Le texte, traduit en loi depuis mai 2013, ne satisfait entièrement ni Ann de Greef, ni le directeur d'Animaux en péril, Jean-Marc de Montegnies, présents autour de la table lors du groupe de travail. "
Même si c’est une première en Belgique nous souhaitons l’arrêt total de ce genre de pratiques."
Les directeurs des associations contre la traite animale sont clairs sur leurs souhaits, même si ce changement récent de législation fait que la question ne sera pas rapidement remise sur la table.
"Une arnaque contre-éducative"
"Aujourd’hui, il existe des tas d’autres façons d’amuser ses enfants lors des kermesses ou des foires. Ces attractions ne sont pas du tout indispensables"
, constate J.M. De Montegnies.
"En plus, c’est une arnaque ! Quand compare le prix de 3 ou 4 euros pour trois tours à celui d’une heure dans un manège, la seconde solution vaut largement la peine."
Ann De Greef aussi est persuadée qu’une séance dans un centre équestre est bien plus bénéfique pour les chevaux comme pour les enfants.
"Ce n’est pas du tout éducatif pour un enfant de s'asseoir sur le dos d’un poney pendant trois tours de piste. Dans un centre équestre, il apprendra à monter l’animal mais aussi à en prendre soin et à savoir ce qui est bon ou pas pour lui."
"Les forains font peur aux politiciens"
Selon le directeur d’Animaux en Périls, les forains qui pratiquent cette activité ne sont pas plus de 20 en Belgique. Pourtant, les politiques ne sont, semble-t-il, pas encore prêts à supprimer totalement leur activité. En effet, même si leur nombre est faible, une telle décision reviendrait à supprimer des emplois.
"Ils font probablement aussi un peu peur aux politiciens. C’est une communauté très soudée et ils réagissent souvent très fort aux attaques. Du coup, ils ne veulent pas s’opposer à eux par frilosité !"
Pour Frank Delforge, secrétaire de la défense des Forains Belges, ces attractions n’ont pas à être supprimées car les forains respectent la loi.
"Les animaux sont en bonne santé, cela a été prouvé par l’Institut universitaire de Gand. Si il y a quelque chose à reprocher, ce n’est pas à moi ou aux forains qu'il faut s’adresser, mais à ceux qui ont fait réaliser cette étude."
Les communes ont le droit d’interdire ces pratiques
Et les communes dans tout ça ? En Flandre, Bredene, Anvers et Gand n’accordent tout simplement plus d’autorisations pour les poneys de foire. A Bruxelles et en Wallonie, à notre connaissance, aucune commune n’a agi en ce sens. Mais cela risque de changer ! A en croire le bourgmestre de Waterloo, Serge Kubla, sa commune sera la première de Wallonie à prendre cette décision.
"C’est fini, fini ! Je ne veux plus de ca sur ma commune !"
fustige le bourgmestre.
"Je leur avait bien dit que je ne voulais pas de cette attraction sur la braderie, ils vont m’entendre !".
"
Ils
", ce sont les membres de l’association des commerçants, qui selon le bourgmestre, sont responsables de cette décision.
"Au niveau de la commune, on ne fait que les aider financièrement à organiser l’événement mais ce sont eux qui décident des commerces ou attractions présentes lors des braderies."
A Waterloo, les poneys, c’est fini
Cette affaire est celle de trop.
"L’an passé, malgré mon désaccord, cela s’est bien passé, les animaux avaient des pauses et étaient bien traités et nourris. Le forain était quelqu’un de bien. Mais cette année, c’était une personne mauvaise."
Le bourgmestre, manifestement remonté, compte désormais prendre des mesures pour supprimer définitivement l’arrivée de poneys de foire sur sa commune.
"Pêche aux canards, stands de tirs, luna-parks, auto-tamponneuses… Il y a mille et une manières de s’amuser sur une kermesse ou une braderie. A Waterloo, les poneys, c’est du passé!"
Selon les associations de protection des animaux, en attendant une suppression totale de la pratique, la meilleure solution reste encore celle du boycott, qui privera les manèges de poneys de leur clientèle.
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