Julien voulait être solidaire en donnant son sang, trop souvent en pénurie, mais cela n'est pas possible. En couple avec un homme, il doit rester abstinent durant un an avant de pouvoir donner son sang. Se sentant discriminé, il a décidé d'appuyer sur le bouton orange Alertez-nous.
Le sang est régulièrement en pénurie, et pourtant, tout le monde ne peut pas en donner. C'est le cas de Julien, étudiant en éducateur spécialisé à Charleroi, qui a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous. En couple avec un homme, Julien s'est vu refuser de donner son sang : "Arrivé à la question 'avez-vous eu un rapport sexuel avec un homme dans les 12 mois qui précèdent' je me suis rendu compte que je ne pouvais pas le faire, alors que tout le reste était bon. Je n'ai aucun souci de santé".
En effet, selon la loi, un HSH (un homme ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme) doit attendre 12 mois avant de pouvoir donner son sang. Julien, étant en couple depuis autant de temps, ne comprend pas cette règle qui lui semble discriminatoire : "On a tous les deux fait un test au début de notre relation où on était bien négatifs par rapport au VIH".
C'est dans le cadre de ses études d'éducateur spécialisé qu'un groupe d'étudiants s'est affairé à organiser une collecte de sang. Dans le questionnaire obligatoire figurait ce point qui a surpris Julien : "Dans mes cours, on parle souvent d'inclusion dans la société et au final, je me sens clairement exclu".
Julien trouve cette règle injuste, tant pour les homosexuels, que pour ceux qui ont besoin de sang, "si la loi changeait, il pourrait y avoir beaucoup plus de monde, et notamment plus d'hommes homosexuels, qui donnerait son sang" regrette-t-il. L'étudiant de 21 ans se dit "triste de ne pas pouvoir le faire".
Le jeune homme n'est d'ailleurs pas le seul à s'opposer à cette loi, c'est aussi le cas de Thierry Delaval, le président honoraire de Prisme, la fédération des associations LGBTQIA+. Il y voit une forme de discrimination : "Le don de sang est un acte citoyen, et qui est refusé sur des bases assez mystérieuses". Thierry Delaval souligne par ailleurs le fait que, sur ce point, la Belgique a du retard : "Il y a une évolution seulement depuis 2017, où on est passé d'une exclusion permanente à une exclusion de 12 mois, à un moment où d'autres pays avançaient déjà beaucoup plus".
De nombreux pays autorisent le don de sang des HSH sans restrictions. C'est le cas de l'Espagne depuis les années 2000, de l'Italie, de la Hongrie ou même de la Pologne et de la Russie. En France, la situation vient d'évoluer : les HSH sont autorisés à donner leur sang sans période d'abstinence depuis le 16 mars 2022. Il n'y a désormais plus aucune référence à l'orientation sexuelle dans les questionnaires français.
Pourquoi Julien doit-il attendre ?
Quelles sont les raisons mystérieuses qui justifient que les HSH doivent attendre 12 mois avant de donner leur sang ? Selon Thomas Paulus, responsable communication au service du sang de la Croix-Rouge, cette loi a été votée selon certaines données qui permettaient de juger que "les donneurs hommes ayant des rapports sexuels avec un homme comportaient un risque accru de pouvoir éventuellement être porteur d'une IST", soit une infections sexuellement transmissibles.
Thomas Paulus précise cependant que la loi ne vise pas l'orientation sexuelle, mais "uniquement le comportement sexuel d'un homme avec un autre homme". Les femmes homosexuelles ne sont par ailleurs pas concernées par cette règle. La fédération Prisme n'a pourtant pas la même vision des choses : "On met dans 'HSH' l'ensemble des pratiques sexuelles qui peuvent exister entre hommes" déplore Thierry Delaval. Selon lui, il faudrait exclure de cette notion les relations qui ne présentent pas de risque de contamination aux IST.
Du changement en vue
Aujourd'hui pourtant, le consensus scientifique sur la question semble changer. Un rapport du Conseil Supérieur de la Santé (CSS) dit que "le risque de transmission du VIH par transfusion a atteint en Belgique un niveau tellement bas qu’il ne semble plus légitime de justifier un ajournement temporaire spécial pour les donneurs ayant des rapports sexuels entre hommes".
Le groupe de travail est cependant partagé, "il y en a qui disent que cette question ne doit plus se poser, et qu'il faut faire confiance aux donneurs qui se présentent, alors que d'autres demandent plus de sécurité, et optent pour une réduction de 12 à 4 mois d'attente" rapporte Roland Hübner, collaborateur scientifique au CSS.
Au parlement fédéral, deux propositions de lois ont été déposées. Une première est portée par le parti DéFi, et vise à supprimer la période d'interdiction de 12 mois. La deuxième, déposée par le PS en janvier 2022, souhaite ramener la période d'exclusion à 4 mois. Ces textes seront débattus en commission parlementaire prochainement.
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