Le 30 décembre dernier, les clients d'Octa+ ont reçu un mail annonçant l'apparition de nouveaux frais pour les détenteurs de panneaux photovoltaïques. Ils devaient entrer en vigueur le... 1er janvier 2022, soit deux jours plus tard. Tant sur le fond que sur la forme, cette annonce a révolté de nombreuses personnes.
"C'est scandaleux!" Bruno était particulièrement remonté au moment de nous contacter via le bouton orange Alertez-nous. Ce propriétaire de 19 panneaux photovoltaïques fait partie des nombreux clients d'Octa+ à avoir reçu une mauvaise surprise le 30 décembre dernier. Dans un mail signé par Vincent Declerck, le directeur commercial de l'entreprise, Octa+ lui annonce qu'un "changement significatif du marché nous obligera à vous facturer des frais supplémentaires à partir du 1er janvier 2022."
Le surcoût annoncé est d'1,5€ par mois par kVA (kilovoltampère), hors TVA. Du côté de Bruno, la pilule a du mal à passer. "J'ai signé un contrat fixe au mois de septembre", dit-il. "Ils ne peuvent pas revenir dessus. Désolé du terme, mais c'est de l'arnaque." Pour lui, cela représenterait une centaine d'euros supplémentaires par an.
Même mécontentement du côté de Hugues. Il nous a également contactés via le bouton orange Alertez-nous. "Les propriétaires de panneaux photovoltaïques deviennent les nouvelles vaches à lait", s'exclame-t-il. Avec la taxe prosumer qui lui coûte 65€ et ces nouveaux frais qu'il évalue à 13 euros, il devra payer 78€ par mois. "Ces panneaux devaient me permettre d'avoir une auto-production", indique-t-il. "Avec de tels frais, ne faut-il pas que je les débranche?".
Qu'est-ce que la taxe (ou le tarif) prosumer
Pour bien comprendre le désarroi de Bruno et d'Hugues, il faut s'arrêter sur le terme de prosumer. Il s'agit d'un consommateur d'électricité qui en produit également. La taxe dîtes prosumer n'est pas une taxe à proprement parler mais un tarif. Ce sont les propriétaires de panneaux photovoltaïques qui l'appellent communément taxe. Il s'agit d'un tarif rentré en vigueur le 1er octobre 2020 pour l'utilisation des réseaux de transport et de distribution de l'électricité. Il contraint les prosumers à contribuer au frais du réseau quand ils consomment de l'énergie au moment où leur installation n'en produit pas.
"On ne fait aucun bénéfice sur ces frais"
Ce tarif prosumer n'a rien à voir avec les nouveaux "frais" demandés par Octa+. Vincent Declerck, le directeur commercial, explique la situation de son point de vue. "Depuis le 1er novembre, il y a eu un changement significatif du marché qui a imposé à nos brokers (courtiers qui négocient) en électricité de facturer des coûts d'équilibrage en fonction d'allocations, c'est-à-dire les montants bruts de kilowatt-heure autant en consommation qu'en production." Il indique qu'Octa+ a des nouveaux coûts et qu'il les re-facture "tout simplement" vers leurs clients.
Si pour les futurs clients il n'y a pas de problème, il reconnaît néanmoins qu'il peut y avoir débat concernant les clients actuels, ceux qui ont déjà signé leur contrat. "Mais Octa+ considère que ce droit est honnête. Nous sommes prêts à le prouver et à nous défendre."
Selon Vincent Deklerck, il n'y a aucune manœuvre commerciale. "On ne fait aucun bénéfice sur ces frais, ce sont uniquement des frais qu'on facture car on ne les avait pas avant", dit-il.
Je soupçonne très clairement Octa+ de vouloir se débarrasser des prosumers avec des tarifs fixes
Du côté de l'ASBL "Touche pas à mes certificats verts" qui défend les petits producteurs d’électricité verte, on s'indigne de ces nouveaux frais. Pour Régis François, le président, deux éléments posent vraiment problème. "Je soupçonne très clairement Octa+ de vouloir se débarrasser des prosumers avec des tarifs fixes", dit-il. "Quand vous souscrivez un contrat de par exemple 3 ans, votre fournisseur va devoir acheter toute l'énergie dont vous aurez besoin pendant 3 ans, ça s'appelle edger. S'il n'a pas fait ça et donc lissé ses risques, il se retrouve dans l'embarras en cas de forte augmentation de l'énergie comme maintenant."
Bruno, qui nous a contactés, est du même avis que lui. "C'est une manière à peine déguisée de récupérer les coûts de l'augmentation du prix de l'électricité et de pousser ses clients à annuler leur contrat à tarif fixe", dit-il.
Une facturation finalement reportée
Régis François, le président de l'ASBL "Touche pas à mes certificats verts" est également révolté par la forme de cette annonce. "Dire à leurs clients qu'il faut aller voir ailleurs s'ils ne sont pas contents, c'est déjà grave", dit-il." Mais annoncer ces nouveaux frais le 30 décembre pour entrée en vigueur le 1er janvier, c'est un véritable scandale. Je commence à en avoir marre que certaines sociétés profitent de ces fêtes de fin d'année pour annoncer des choses à leurs clients avec mise en application 48h plus tard."
Vincent Decklerck, directeur commercial d'Octa+, fait son mea-culpa à ce niveau. "On reconnaît cette erreur-là", dit-il. "Après réunion avec Test-Achats, nous reportons cette facturation au 1er avril."
Dans un communiqué, Test-Achats indique: "Il est inacceptable que des contrats en cours puissent être modifiés unilatéralement au détriment du consommateur. Après une discussion constructive avec le fournisseur, celui-ci s'engage à suspendre temporairement la facturation des frais supplémentaires jusqu'au 1er avril 2022. Ce qui devrait donner le temps à l'Inspection économique de clarifier la question et de se prononcer sur la légitimité de ces coûts supplémentaires."
Régis François, le président de l'ASBL "Touche pas à mes certificats verts", ne va quant à lui pas en rester là. "Je vais passer à table avec le régulateur et le gouvernement", dit-il. "Octa+ va modifier ses tarifs légalement. Sauf pour les contrats fixes. Ou alors, ils devront les résilier."
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