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Jean-Luc souffre d’un cancer, "mon médecin me propose de me faire offrir mon traitement" par la firme pharmaceutique: comment est-ce possible ?

Jean-Luc souffre d’un cancer, "mon médecin me propose de me faire offrir mon traitement" par la firme pharmaceutique: comment est-ce possible ?
 
 

À 47 ans, Jean-Luc est diagnostiqué d’un cancer rare au niveau du foie. Un traitement par immunothérapie pourrait être la solution. Problème: ce traitement n’est pas remboursé dans son cas. Son médecin lui propose alors l'accès à un programme médical d'urgence.

En mars 2022, la vie de Jean-Luc bascule. "On m'a découvert une masse cancéreuse sous le foie", explique ce père de famille de la commune de Faimes, dans la province de Liège. Ancien membre de l'armée belge et d'un naturel actif, Jean-Luc doit désormais suivre une chimiothérapie pendant au minimum trois mois.

"Quand vous faites une séance de chimio, vous rentrez chez vous, vous êtes lessivé", raconte-t-il, "les produits sont tellement agressifs qu'on a des douleurs et des fourmillements partout". Jean-Luc doit également faire attention à ne pas tomber malade entre les séances, "je vis reclus pour ne prendre aucun risque. Aussi, je dois désinfecter systématiquement les toilettes avant et après mon passage. Nous allons investir pour que j'aie mes propres WC", poursuit-il. Le traitement qu'il doit suivre est lourd et son pronostic vital est engagé.

L'immunothérapie n'est pas toujours remboursée: son oncologue lui fait une proposition étonnante

Lors d'un rendez-vous chez son oncologue, celui-ci l'informe de la possibilité de bénéficier d'un traitement qui serait porteur d'espoir: l'immunothérapie. Un traitement qui se base sur l'activation du système immunitaire et qui pourrait être une solution contre le cancer de Jean-Luc.

Quand ma femme a entendu ça, elle a pleuré de joie

"Son cancer est inopérable", explique son oncologue, qui a souhaité garder l’anonymat. "Dans le cas qui nous occupe, il est possible d'associer la chimiothérapie avec ce traitement. Il y a un bénéfice en termes d'efficacité pour les personnes réceptives comme lui", estime-t-il.

Cependant, ce traitement n'est pas remboursé dans le cas du cancer de Jean-Luc. L'oncologue lui fait alors une proposition. "Mon médecin m'a proposé de me faire offrir ce traitement contre le cancer", raconte Jean-Luc. "Quand ma femme a entendu ça, elle a pleuré de joie", explique-t-il.

"Les traitements d'immunothérapies évoluent vite. Tous ne sont pas remboursés en Belgique", explique Véronique Leray, directrice médicale et porte-parole de la fondation contre le cancer. Actuellement, l'immunothérapie est remboursée pour certains types de cancers, comme celui du poumon, celui de la vessie, certains cancers de la tête et du cou ou encore certaines formes de leucémie. "S’ils ne sont pas remboursés, ces traitements peuvent aller jusqu’à 100.000 euros par an", précise-t-elle.

Jean-Luc bénéficie du "Medical Need Program": qu'est-ce que c'est ?

Selon l’oncologue, "les traitements d'immunothérapie obtiennent de bons résultats au vu des dernières publications et études cliniques. En tant que praticiens, nous avons une certaine frustration à ne pas pouvoir proposer le meilleur traitement lorsqu'il n'est pas remboursé ou disponible en Belgique". "À ce moment-là, les firmes peuvent entrer en jeu", poursuit-il.

"Certaines firmes pharmaceutiques offrent des programmes pour combler le laps de temps existant entre l'autorisation de mise sur le marché d'un traitement et son remboursement", nous informe l'oncologue. "Aussi Jean-Luc bénéficie du 'Medical Need Program', un programme offert par une firme pharmaceutique", précise-t-il.

Comment cela est-ce possible? Et sous quelle condition peut-on bénéficier d'un programme octroyé par une firme pharmaceutique? À noter que sans prise en charge, le traitement de Jean-Luc lui reviendrait entre 1500 et 2000 euros par mois. Pour mieux comprendre, nous avons contacté David Gerring, porte-parole de l'association générale de l'industrie du médicament (Pharma.be).

"Si un patient a besoin d'un traitement qui n'est pas encore remboursé et autorisé sur le marché belge, son médecin traitant peut demander son inclusion au programme d'une firme pharmaceutique. On parle alors de programme d'usage compassionnel dans le cas où le médicament ne possède aucune autorisation de mises sur le marché belge.On parlera de programme médical d'urgence si le traitement possède déjà une autorisation, mais qu’il est utilisé pour une autre application encore non approuvée. Aussi, ces programmes font l'objet d'une autorisation par l'agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS)".  

Quelles sont les conditions d'accès à ce type de programme?

"Seul le médecin traitant peut être à l'origine de ce type de demande. C'est au médecin de déterminer si le patient correspond au programme établi par la firme dont il a connaissance. Si le traitement existe, mais qu'il n'a pas encore passé toute la procédure administrative d'autorisation de mise sur le marché, alors il peut introduire une demande. Précisons aussi que l'accès à ces programmes est exceptionnel et ne s'applique que lorsque la survie du patient en dépend et qu'il n'existe pas d'alternative thérapeutique. Quant aux modalités d'admission, les firmes établissent leur propre protocole. Le patient doit correspondre aux indications. Une fois la demande d'admission reçue, la firme pharmaceutique décide oui ou non d'offrir le traitement".

Pour quelles raisons les firmes pharmaceutiques offrent-elles ces traitements?

"Les firmes mettent à disposition ces médicaments qui ne sont pas encore disponibles sur le marché belge de façon à ce que les patients bénéficient des derniers traitements avant même que la procédure administrative ne soit finie. Cela permet ainsi leur accès de manière encadré et précoce à destination des patients qui en ont besoin dans des pays où le marché du médicament ne propose pas d'alternative satisfaisante", conclut-il. 

"En réalité, l’intérêt va autant dans le sens du patient que dans celui de la firme", explique Dominique Bron, médecin membre du Comité consultatif de Bioéthique de Belgique (CCBB) et conseillère scientifique au Fonds de la recherche scientifique (FNRS).

"D’abord, c’est une façon pour eux de faire de l’information et de la formation auprès des médecins sur leurs traitements", explique-t-elle. "C’est aussi une façon pour les firmes d’accélérer la mise sur le marché de leurs médicaments et leur application. Comme ça, lorsque la procédure d’enregistrement touche à sa fin, ce qui prend environ une année, le traitement est déjà utilisé et le remboursement peut tout de suite démarrer". À noter que cette manière de faire permet aussi aux patients de gagner de précieux mois en donnant un accès anticipé à certains médicaments.

"Nous ne sommes pas ici dans le domaine de la médecine expérimentale", précise toutefois Dominique Bron. Les médicaments proposés à l’issue de ces programmes ont en effet fait l’objet d’études préalables auprès de l’agence européenne des médicaments (EMA) et de l’agence américaine "Food and drugs administration (FDA)". Concernant les conditions d’accès, Dominique Bron rajoute que, "Les critères établis par les firmes correspondent exactement aux critères d’éligibilité au remboursement lorsque celui-ci sera effectif".

Bon à savoir

"Tout patient peut en principe bénéficier de ces programmes offerts par les firmes pharmaceutiques", explique Dominique Bron. Plusieurs éléments sont à retenir en tant que patient bénéficiaire d’un de ces programmes :

  • Les programmes médicaux d’urgence ou d’usage compassionnel sont gratuits. Le patient ne doit rien payer

  • Il n’est pas nécessaire de posséder une assurance ou une mutuelle pour être bénéficiaire

  • Le patient doit impérativement signer un contrat de consentement éclairé, l’informant sur les effets secondaires possibles et les précautions à prendre s’il est en âge de concevoir

  • Le patient peut à tout moment choisir d’arrêter son traitement

  • Le bénéficiaire est en droit de connaître le médicament qui lui est prescrit et le nom de la firme

Aujourd'hui, Jean-Luc continue son traitement couplé à l'immunothérapie. "Je suis conscient d’être privilégié", nous a-t-il écrit peu de temps après.

 


 

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