La belle histoire d'un homme au grand cœur pour bien commencer 2020.
Kevin vient d’avoir 24 ans. Né grand prématuré, ses parents ont décidé de se battre et de lui laisser une chance dans ce monde. Handicapé moteur et mental à plus de 80%, le jeune homme n’en a pas moins une passion dans la vie: "C’est comme un enfant de 3 ans : il aime regarder passer le camion-poubelle", nous raconte Jennifer, sa soeur. Une ouverture sur le monde à laquelle il ne peut malheureusement que peu goûter. "Le sortir, pour nous c’est compliqué. On va bien régulièrement à Disneyland parce que tout y est adapté pour les personnes handicapées, mais il passe tout de même la plupart de son temps à la maison", à Chênée, un quartier de Liège.
La rencontre il y a 3 ans
Tous les jeudis, jour de collecte, ses parents installent donc Kevin à la fenêtre pour qu’il puisse profiter du spectacle. Et puis, il y a environ 3 ans, Kevin a commencé à faire signe aux éboueurs. Parmi eux, Michel, originaire de Soumagne, lui faisait toujours un signe en retour. Un beau jour, Jean-Claude, le papa de Kevin, est sorti pour discuter avec lui. "Il m’a dit qu’il connaissait bien le travail d’éboueur pour avoir travaillé aussi là-dedans, et que son fils était fan des camions-poubelles. On s’est lié d’amitié et j’ai rencontré Kevin", nous rapporte Michel.
"D’autres ne le comprennent pas, mais Kevin marche très fort à l’émotion", nous explique Jennifer, "et Michel l’a tout de suite compris". En effet, l’homme de 40 ans a directement ressenti une connexion avec "mon p’tit bonhomme", comme il l’appelle désormais.
Kevin lui rappelle le frère d'un ami
Michel a été sensibilisé toute sa vie au handicap. "J’ai vécu avec une fille qui a eu un enfant handicapé, malade du cœur. Et j’ai un ami dont le frère est autiste. Ça nous faisait peur au début puis avec le temps on a appris", explique Michel. Il se rappelle qu’il avait déjà à l’époque eu une connexion particulière avec lui. "Quand j’étais là, le petit était apaisé et il dessinait. Je ne sais pas pourquoi je fais cet effet-là. C’est du magnétisme soi-disant."
Et dès qu’il a rencontré Kevin, cette connexion est réapparue. "C’était comme un retour en arrière. Je me suis dit 'c’est pas possible, j’ai déjà vécu ça'. Le gamin devenait fou quand il me voyait. Il criait Michel, Michel. C’est de l’amour, c’est comme ça. On ne sait pas expliquer ce bazar-là."
Le bisou du jeudi possible grâce à ses collègues
Depuis, Michel ne rate jamais un jeudi avec Kevin. "C’est son petit moment de bonheur", explique Jennifer. "Il me voit passer une première fois le jeudi matin pour les sacs bleus. Puis quand je repasse pour les sacs jaunes, je laisse le camion partir pour lui consacrer deux, trois minutes et lui faire un bisou. Pendant ce temps, c’est mon autre collègue, parce qu’on est deux derrière le camion, qui fait mon travail à ma place. C’est possible parce que c’est une rue où il n’y a des maisons que d’un côté, donc il y a deux fois moins de sacs à ramasser. J’ai des collègues géniaux et je veux les remercier de leur patience." Grâce à ses collègues, sa bonne action ne cause ainsi aucun retard dans la tournée.
Visite surprise pour la nouvelle année
Mais 3 minutes une fois par semaine, c’est court. "Ses parents me le disent, de jeudi en jeudi, c’est long pour lui". En 2019, Michel a donc consacré plus de temps à Kevin. Il est venu pour fêter son anniversaire et est revenu le 31 pour la nouvelle année. "C’était censé être une surprise mais ses parents m’ont expliqué qu’il savait que j’allais arriver. Que le jour avant, il criait mon nom. Comment il le savait, je ne me l’explique pas."
Et le 31, Jennifer, qui n’habite plus la maison familiale et n’assiste donc pas tous les jeudis à la scène du bisou, a pu constater le lien qui unît Kevin et Michel : "Rien que le fait d’entendre la voix de Michel, il criait après lui, il avait les yeux tout pétillants". Michel avait aussi amené sa compagne pour qu’elle rencontre à son tour Kevin. "C’est comme si c’était un ami. On n’a pas besoin de se parler, tout passe par le regard, son expression. C’est gens-là, malgré leur handicap, reconnaissent les gens. Ils ont des sentiments. Ils ont tout ce qu’il faut."
"Ce sont ses parents qu'il faut remercier, pas moi"
Le 29 décembre, Jennifer a publié un message de remerciement sur la page Facebook des habitants de Chênée pour remercier Michel. Résultat : plus de 400 likes sur 1400 membres ! Et des dizaines de commentaires positifs. Si ça touche bien évidemment Michel, "il ne veut pas qu’on le remercie", explique Jennifer. "Mais il ne se rend pas compte de l’importance que sa petite attention a pour mon frère", ajoute-t-elle.
Michel, lui, ne cherche pas les remerciements. "Ce sont ses parents, sa famille, qu’il faut remercier pour leur courage, pas moi. Je ne suis qu’un pion". Il est cependant fier d’une chose : "Il n’y a pas un seul commentaire négatif sur Facebook", ce qui lui fait dire qu’"il en faudrait plus" comme lui, qui prennent le peu de temps qu’ils peuvent pour aider ceux qui en ont besoin.
En ce début 2020, l’histoire d’amitié continue. "Tant que ça lui fait du bien, je continuerai. Je n’ai même pas besoin de travailler pour aller le voir."
Vos commentaires