Préventes non-remboursées pour une soirée annulée, travailleurs non-payés et sans contrat, et un fournisseur qui attend toujours son argent, c’est ce qui est reproché à un jeune organisateur de soirées de Chaudfontaine: François Louis Vlassis. Plusieurs semaines après les faits, rien n’est encore réglé malgré les promesses du jeune homme. Des engagements réitérés en réponse à nos questions. Mais ses créanciers n’y croient plus et certains ont commencé à se tourner vers la justice.
Tout commence le 30 avril dernier. Une soirée appelée Poudlard Night a eu lieu au Palais des Congrès de Liège. Un événement autour du thème de Harry Potter qui a rassemblé 1300 personnes, organisé par François Louis Vlassis, un jeune organisateur d’événements de 20 ans, et sa société Your Event Agency.
Directement après la soirée, de nombreux participants avaient dénoncé tant dans la presse écrite locale qu’en radio le caractère un peu pauvre des décors et des activités proposées lors de la soirée au vu du prix d’entrée : 25€ en prévente et 30€ sur place. L’organisateur avait alors répondu que tout ce qu’il avait promis était bien présent, ce qui était effectivement le cas. Mais, invoquant la colère des participants et l'insécurité qui en résultait, l’organisateur avait finalement décidé d'annuler la soirée suivante, une Poudlard Night prévue à Bruxelles le 29 mai.
PROBLÈME 1 : DES PRÉVENTES PAYÉES JAMAIS REMBOURSÉES
C’est là qu’arrive le premier volet des faits reprochés à M. Louis Vlassis : des centaines de préventes à 30€ avaient déjà été payées et aucun des acheteurs n’a à ce jour reçu de remboursement. C’est via notre bouton orange Alertez-nous que les plaintes ont commencé à affluer et toutes allaient dans le même sens : "Nous ne sommes pas remboursés et l’organisateur ne donne aucune nouvelles à la billetterie", se plaignait l’un. "Si l’on en croit l’event Facebook, environ 680 personnes pensaient participer. 680 fois 30€, ça fait 20.400€ que cette société s’est frauduleusement mise dans les poches. Une belle arnaque bien montée", estimait un autre message qu'il convient de nuancer. Il est impossible de savoir réellement combien de préventes ont été vendues.
Il s'agit de données confidentielles détenues par la billetterie en ligne Lilipass. Pour ses préventes, l’organisateur est en effet passé par cette société suisse réputée dans le domaine et qui offre une plateforme en self-service. Face à la vague de mécontentements et de plaintes lui arrivant et n’ayant pu joindre l’organisateur, Susana Placido, la directrice de Lilipass, a envoyé un mail le 3 juin dernier à François Louis Vlassis pour mettre les choses au clair. Elle a également mis en copie chaque personne qui avait acheté une place.
Dans ce mail, elle rappelle qu'elle n'a jamais réussi à joindre M. Louis Vlassis, qu'elle lui a proposé de s'occuper techniquement des remboursements sans frais supplémentaire pour lui et que tant qu'il n'aura pas libéré la somme perçue pour ces préventes, elle ne peut effectuer les remboursements. Mais aussi qu'il n'est pas en possession des données bancaires des acheteurs pour procéder à un remboursement lui-même, ce qui lui est donc impossible.
Après ce message, il aura fallu attendre encore 10 jours pour que l'organisateur donne des nouvelles, et ce via un message envoyé aux acheteurs avec son compte Lilipass. Une message dans lequel il invite ceux-ci... à lui envoyer leurs coordonnées bancaires.
"Il a utilisé une de nos fonctions pour rentrer en contact avec les clients. Mais quand on a vu qu’il commençait à demander des renseignements bancaires par mail, on a réagi", nous explique Susana Placido. Les clients ont alors reçu un message de Lilipass leur signalant que ça ne se faisait pas de demander et réciproquement d’envoyer ses coordonnées bancaires par mail. Et M. Louis s’est vu rappeler que la billetterie était toujours disposée à s’occuper gratuitement des remboursements s’il libérait les fonds.
Je suppose qu'il est en train de mentir
COMPTE-T-IL REMBOURSER LES ACHETEURS ? OUI
"Nous avons assuré depuis le début qu’un remboursement serait fait, ça a déjà été le cas pour une partie", nous assure François Louis Vlassis, injoignable par téléphone mais qui continue à répondre aux sollicitations par mail. "Nous nous engageons à verser l’argent manquant à Lilipass de manière rapide", ajoute-t-il.
Cette réponse nous apprend que des remboursements auraient déjà été effectués. Pourtant, sur les groupes Facebook regroupant les personnes lésées, aucune ne s’est manifestée pour signaler la bonne nouvelle... Même son de cloche du côté de Lilipass : "Je suppose qu’il est en train de mentir", déduit directement la directrice. En effet, "s’il a déjà payé quelques personnes, j’aimerais savoir comment puisqu’il n’a jamais reçu les données bancaires envoyées en réponse à son message. Ces mails arrivaient directement chez nous, pas chez lui."
Et si certains lui ont envoyé ces données à son adresse de contact Your Event Agency et qu’il a remboursé celles-ci, ça deviendra encore plus compliqué. En effet, Lilipass n’a aujourd’hui qu’un bouton à presser pour que tous les remboursements partent automatiquement. Mais s’il faut retirer certains manuellement de la base de données, cela sera beaucoup plus fastidieux.
Lilipass se mord désormais les doigts d’avoir collaboré avec lui. "Il était déjà passé par nous pour la soirée de Liège et ça s’était bien passé, donc on n’a pas eu de signal d’alerte comme quoi cette société n'était pas sérieuse. Mais on a perdu de l’argent (mais pas autant que des clients, loin de là), du temps, sans compter l’énervement et le stress car on a dû faire du service après-vente." Voilà pourquoi travailler encore avec François Louis Vlassis est exclu à l’avenir. "Chez nous, il est grillé. Le jour où une société à son nom voudra s’inscrire, elle sera bloquée par notre système."
PROBLÈME 2 : DES TRAVAILLEURS SANS CONTRAT JAMAIS PAYÉS
Pour le second volet des faits reprochés à M. Louis Vlassis, il faut remonter à la soirée de Liège. De nouveau, c’est via notre bouton orange Alertez-nous qu’on nous a dénoncé le problème : "Des étudiants qui ont travaillé à la Poudlard Night de Liège n'ont toujours pas été payés."
Nous avons retrouvé plusieurs étudiantes dans ce cas. Toutes nous expliquent la même histoire. "J’ai travaillé pour la mise en place des décorations. Il avait promis des contrats de vive voix mais aucun contrat n’a été signé au final. Je n’ai toujours pas été payée après plusieurs appels et mails à l’organisateur", dénonce Justine (prénom d'emprunt).
"Mon copain et moi avons travaillé au bar de 20h à 4h du matin, donc 8h", explique pour sa part Sandra (prénom d'emprunt). Elle non plus n’a pas reçu de contrat, pourtant, "nous en attendions un, mais quand nous sommes arrivés, l’organisateur nous a montré notre poste de travail et nous a donné nos cravates puis il est parti. Ensuite pendant la préparation des boissons, nous avons demandé à un 'sous-organisateur' si nous pouvions signer un contrat et il nous a dit que l’organisateur devait appeler tous les étudiants pour aller le signer. Cela ne s’est pas fait et j’ai appris que les contrats n’avaient même pas été imprimés."
Résultat, elle et son copain n’ont toujours pas été payés malgré avoir tenté à plusieurs reprises de contacter François Louis Vlassis. "Il m’a répondu qu’un homme qui travaillait au bar avait volé de l’argent dans la caisse et c’est pour ça qu’il n’a pas su nous payer."
Les contrats n’avaient même pas été imprimés
COMPTE-T-IL PAYER LES ÉTUDIANTS ? A PRIORI NON
"Concernant l’aspect financier et administratif de Liège, nous avons payé ce qui devait être payé", nous répond François Louis Vlassis, qui ne répond par contre pas à nos questions sur le travail au noir... En rentrant dans le détail des prestations, tant au bar qu’ailleurs dans l’organisation, des nuances apparaissent. "Certaines personnes se plaignent de ne pas avoir été payées mais c’était une personne de mon équipe qui s’occupait du paiement du personnel au bar. Cette personne nous a volé une somme conséquente durant la soirée (6000€). Nous mettons donc en œuvre des démarches pour essayer de corriger cela. Si d’autres personnes travaillant à d’autres postes n’ont pas été rémunérées, elle peuvent me contacter à l’adresse agency.yourevent@gmail.com."
Mais Sandra, qui reste en contact avec d'autres travailleurs de cette soirée, maintient une autre version des faits : "L’homme en question n’a rien volé, il n’a fait que payer ses étudiants à lui! Il n’a même rien eu pour lui", nous explique-t-elle.
PROBLÈME 3 : UN FOURNISSEUR TOUJOURS PAS TOTALEMENT PAYÉ
Enfin, le 3ème et dernier volet de ce dossier concerne la maison des jeunes Le Hangar, à Andenne. Ce sont eux qui ont loué à M. Louis Vlassis la réplique du train Poudlard Express qu’ils avaient fabriquée pour le carnaval des Ours, ainsi que 7 costumes faits main. Coût de la location : 1325€.
Comme on le voit ci-dessus, il a fallu amener l’engin de 3,6m de large et 12m de long d’Andenne jusqu’à Liège et inversement en tracteur avec deux voitures balais.
Le problème : "On a reçu 1000€", explique Kevin Goossens, le directeur et coordinateur de l’ASBL. "Il nous doit encore 325€ et tous les costumes".
Ce qu’il déplore surtout, c’est l’attitude de François Louis Vlassis qui leur avait dans un premier temps inspiré confiance. "Il était candidat Défi aux dernières élections et prônait l’aide aux ASBL. On est dégoûtés. Il a rencontré les jeunes, certains handicapés, d’autres précarisés, qui ont créé ce char et les costumes. Ce sont des costumes faits main. Certains ont les larmes aux yeux aujourd’hui."
COMPTE-T-IL FINIR DE PAYER LA MAISON DES JEUNES ? NON
"Nous cherchons toujours une personne de confiance pour leur ramener leurs déguisements à Andenne car nous tiendrons notre parole. Ensuite, nous avons payé 1000 € car sur leur devis (offre), les voitures balais n’étaient finalement pas là. Nous avons donc payé les prestations à la ligne", estime M. Louis Vlassis.
Une affirmation qui fait bondir Kevin Goossens : "Il ment. Les voitures balais sont sur le devis et elles étaient bien là avec des gyrophares : des photos le prouvent. Mais ce n’est pas lui qui est venu réceptionner" donc il ne peut pas le savoir, détaille le directeur. "Si c’est son argument, il ne tient pas la route. C’est faux encore une fois."
VERS UN RÈGLEMENT EN JUSTICE
Que comptent faire les personnes lésées face à ces promesses de paiement toujours pas tenues ?
Du côté de la Maison des Jeunes, une procédure est déjà lancée : "Tous les membres du Conseil d’administration étaient d’accord. On lui a envoyé une mise en demeure stipulant qu’on se réservait le droit d’aller en justice s’il ne rembourse pas. On ne se laissera pas faire", assure M. Goossens. Quant aux costumes, s’il le faut, il est prêt à aller les chercher lui-même. "Tant qu’on les récupère, c’est bon."
Pour les étudiants qui ont travaillé à Liège, c'est plus délicat. "J’hésite encore à porter plainte au vu de ma situation", déplore Justine, puisqu’elle se rend compte qu’en ayant travaillé sans contrat de travail, elle a finalement travaillé au noir et il n'y a aucune preuve matérielle de son travail pour le compte de M. Louis Vlassis. Mais la maman de Sandra considère qu’ils ont été trompés et qu'ils sont donc les victimes, et non les complices. "Ma fille a 18 ans, elle est jeune et elle s’est fait avoir." C’est pourquoi "j’ai été trouver la police. Elle a essayé de le contacter, mais bien sûr il n’a pas répondu. Je n’ai pas porté plainte. J’ai juste déposé une main courante", explique Sandra. Si ces étudiants ne se regroupent pas pour porter plainte, ils auront donc travaillé bénévolement.
Enfin, les centaines de personnes qui avaient acheté des places pour la soirée de Bruxelles commencent à perdre patience. Sur le groupe Facebook où elles sont en contact, des messages les incitant à intenter une action en justice conjointement s'échangent. La fraude serait simple à prouver, Lilipass étant en possession de toutes les données. La société nous confirme qu’elle collaborera avec la justice belge en cas d’action des personnes lésées.
Des opportunités à l'étranger pour s'écarter de la tempête médiatique
L’organisateur, qui comme il l'a dit souhaite régler certains problèmes, aspire lui à prendre un peu de recul. "L’événementiel ne sera pas fini, je crois que chaque entreprise commet des erreurs et ici sur l’événement, nous n’en avons pas commis de grave. C’est l’effet boule de neige des réseaux sociaux où tout peut se dire qui nous met dans une situation délicate. Comme dans chaque situation, il faut savoir faire un pas de côté. Il est plus que probable qu’après avoir réglé tous les détails administratifs de la Poudlard Night, il y ait des opportunités à l’étranger pour s’écarter quelques temps géographiquement de la tempête médiatique qui s’est produite. J’ai quand même été menacé à mon domicile deux fois en pleine nuit, agressé également dans le centre de Liège. Je crois que cette affaire doit se régler maintenant hors caméra et agitation."
Au final, le délai considérable pour procéder à des remboursement, s'ils ont lieu un jour, peut peut-être s'expliquer par un manque de liquidités. Lui-même le concède, la soirée de Liège n'a pas rapporté autant d'argent que prévu et des frais avaient été engagés pour celle de Bruxelles avant l'annulation: "Oui, les dégâts financiers sont présents". L'expliquer dans un discours transparent à ses créanciers et partenaires aurait certainement calmé les esprits. "S'il avait été honnête, on aurait pu gérer avec lui, lui permettre de payer en plusieurs fois par exemple", réagit Kevin Goossens. Au lieu de cela, des centaines de personnes courent depuis des semaines après des réponses et n'obtiennent, au mieux, que des promesses. Ceux-ci ont désormais la conviction d'avoir eu affaire à un arnaqueur, plutôt qu'à un organisateur qui n'a pas su gérer un événement déficitaire.
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