Alain utilise un appareil électrique pendant toutes les nuits pour pouvoir dormir. L'annonce d'un possible délestage ne le ravit donc pas. Les personnes dans son cas doivent s'adresser à leur commune pour d'éventuelles dispositions. Dans le Hainaut, l'ensemble des bourgmestres se réunissent le 29 septembre prochain autour du gouverneur pour discuter des mesures d'accompagnement du délestage. Pas de quoi adoucir Alain qui s'estime volé par des gouvernements successifs qui "n'ont jamais pris les bonnes décisions".
Cet hiver, la demande d'électricité pourrait dépasser l'offre dans notre pays. Plusieurs mesures ont été prises par le gouvernement afin d'éviter cette pénurie. Des réserves dites stratégiques ont notamment été constituées au cours des derniers mois. L'ultime mesure pour éviter un effondrement général de notre réseau d'électricité (le célèbre "black-out") sera de couper l'électricité dans certaines zones du Royaume. On utilise le terme de délestage. Celui-ci aurait probablement lieu dans les heures de pic de consommation, donc en début de soirée, et durerait quelques heures. Il concernerait d'abord des zones où ses conséquences seraient les moins néfastes. Ce sont des dispositions légales, basées sur le principe des "conséquences aussi limitées que possible", qui définissent quels types de consommateurs sont coupés en premier lieu et quels types de consommateurs doivent rester approvisionnés en priorité (hôpitaux, services de secours, centres de communication vitaux). Ainsi, on préférera couper le courant dans des zones rurales plutôt que dans des zones urbaines densément peuplées, où sont établis des hôpitaux, où il y a davantage de feux de signalisation, d’ascenseurs, etc. Vendredi dernier, les autorités ont livré une liste des rues qui pourraient être impactées en Wallonie.
Alain ne dort pas sans son appareil électrique depuis près de 20 ans
Si les hôpitaux devraient être épargnés par les coupures d'électricité, qu'en sera-t-il des personnes malades qui sont soignées à domicile par des appareils électriques ? Alain, un habitant d'Aiseau-Presles dans le Hainaut, nous a posé la question via la page Alertez-nous. Cet homme âgé de 71 ans affirme souffrir de plusieurs problèmes de santé parmi lesquels le syndrome d'apnée du sommeil. Pendant la nuit, sa respiration s'arrête quelques instants et le réveille. "Il n'y a plus d'air qui entre et donc le cerveau me réveille pour respirer", nous raconte-t-il. Il dit avoir plusieurs centaines de ces apnées par nuit. Heureusement, depuis presque 20 ans, il utilise un appareil de ventilation en pression positive continue. L'appareil lui injecte de l'air sous pression par les narines, ce qui empêche les apnées. "Mon sommeil est affreux si je ne l'ai pas", déclare Alain. Le septuagénaire a donc appris l'annonce d'un possible délestage avec mauvaise humeur. "C'est enquiquinant qu'on vienne me supprimer cet appareil. Cela me met dans un inconfort", se plaint-il. Il sait qu'il n'est pas le seul dans cette situation: "Il y a des gens qui sont aussi dépendant d'autres appareils électriques", dit-il.
Dispositions particulières pour un habitant en cas de délestage: il faut s'adresser à sa commune
Sur son excellente page web de questions/réponses appelée Prêt pour l'hiver, Elia, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité à haute tension, répond à la question suivante: "Pour des raisons de santé, je ne peux pas me passer d’électricité. Que faire si je suis concerné par le plan de délestage ?". On apprend que l'accompagnement des mesures de délestage et de leurs conséquences est du ressort des autorités communales. Ce sont elles qui doivent mettre les dispositions pratiques en place pour leurs habitants. Les personnes qui ont des besoins particuliers sont donc invitées à se faire connaître auprès de leur commune.
Mesures pratiques d'accompagnement du délestage: une importante réunion des bourgmestres le 29 septembre
Nous avons donc joint Jean Fersini, le bourgmestre d'Aiseau-Presles, la commune où vit Alain. Le 29 septembre prochain aura lieu une importante réunion au cours de laquelle le gouverneur de la province de Hainaut rencontrera les bourgmestres pour leur préciser les mesures d'urgence à mettre en place. Le ministre de l'lntérieur avait rencontré tous les gouverneurs pour présenter le plan de délestage. Il revient donc maintenant aux gouverneurs de chaque province d'exposer les mesures aux bourgmestres, à analyser et prendre en compte avec eux les réalités de chaque commune. Jean Fersini pourrait donc nous en dire plus après cette réunion. Il pouvait toutefois déjà nous indiquer que la probabilité d'un délestage à Aiseau-Presles était extrêmement faible. Pour le cas précis d'Alain, citoyen bien connu semble-t-il de la commune, le bourgmestre observait que le retraité ne se trouverait pas dans une situation où sa vie serait mise en danger par la coupure d'électricité. Tout au plus, encourait-il le risque d'une mauvaise nuit de sommeil.
Aiseau-Presles n'a pas attendu l'annonce du risque de black-tout pour agir
Pour le reste de la population d'Aiseau-Presle, on n'a pas attendu l'annonce d'un risque de black-out pour prendre des mesures. Nous sommes en effet tombés sur une commune et un bourgmestre particulièrement actifs pour se prémunir des pénuries d'électricité, ce qui valait selon nous un article à part entière que nous vous proposons de lire:
Alain estime que la population devrait recevoir une compensation financière s'il y a délestage
Mais revenons à Alain. Outre sa question pour les malades soignés par un appareil électrique, il souhaitait aussi adresser une revendication au nom de l'ensemble de la population belge qui pourrait être frappée par le délestage. "On nous organise une vie avec des tas d'appareils électriques et électroniques et après on nous en prive parce qu'il faut délester", dit-il. "Je paie un abonnement pour la TV, pour internet, pour le téléphone. C'est un abonnement censé couvrir 365 jours sur 365, 24 heures sur 24", poursuit-il. Avant d'en venir à ce constat: "Quelque part, on me vole!" Et donc d'estimer qu'il faudrait une compensation financière de la part de l'Etat.
Compenser l'électricité produite par le nucléaire: un défi
Une compensation d'autant plus justifiée que, selon Alain, le risque de pénurie est la cause d'une mauvaise gestion qui ne date pas d'hier. "Plusieurs gouvernements successifs n'ont jamais pris les bonnes décisions", déplore-t-il. Alors que pour Alain, le nucléaire est là et il est trop tard pour en avoir peur, d'ici 2025, comme entériné par un précédent gouvernement, toutes les centrales nucléaires devront être fermées. Un manque énorme quand on sait la part importante de notre électricité provenant de cette source d'énergie. Un défi dont on se rend d'autant plus compte cette année. En effet, le risque de pénurie est en grande partie lié à la fermeture temporaire de plusieurs réacteurs nucléaires suite à des problèmes techniques. D'ailleurs, il y a quelques jours, la fermeture prévue des réacteurs nucléaires Doel 1 et Doel 2 a été repoussée de dix ans par les négociateurs chargés de former le prochain gouvernement.
Construire de nouvelles centrales au gaz
La part des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, biomasse) dans la production de notre électricité augmente mais trop faiblement pour suppléer complètement au nucléaire. Un plan de sortie du nucléaire, appelé plan Wathelet, a été établi. On envisage désormais de lancer de nouvelles unités de production au gaz, ceci alors que plusieurs ont été fermées et pourraient encore fermer par manque de rentabilité (notamment à cause de l'essor des énergies renouvelables et leur soutien par des subventions)...
Imaginer un nouveau modèle de production d'électricité
Il reste environ dix ans à la Belgique pour trouver une alternative au nucléaire qui assure toujours la moitié de notre électricité. Un défi colossal qui impliquera de l'imagination, des investissements et du courage politique. Si le sujet vous intéresse, nous vous suggérons la réflexion très intéressante de Patrick Brichau, le patron d'Essent, fournisseur de gaz et d'électricité (lire l'article de LaLibre.be, Pas d’énergies renouvelables sans centrales au gaz). Pour lui, l'utilisation croissante des énergies renouvelables dont la production n'est pas continue comme avec l'énergie nucléaire (s'il n'y a pas de vent ou pas de lumière, la production de l'éolien ou du photovoltaïque chute) impose de construire un modèle différent de l'actuel. Nous avons dix ans pour y parvenir.
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