Anthony Lafourte, un soigneur qui côtoie les meilleurs cyclistes du monde, s'est lancé un challenge complètement fou le 25 octobre dernier. Sans doute inspiré par les champions qui l'entourent, l'homme de 26 ans est parvenu à grimper plus de 60 fois la Côte de la Redoute à Aywaille, un véritable monument dans les amateurs de cyclisme. Durant cet effort "un peu surhumain", il a réussi l'exploit de dépasser le dénivelé de l'Everest. Rien que ça...
Avec cette performance, l'habitant de Grand-Rechain (dans la province de Liège) a marqué les esprits de nombreux amateurs de cyclisme et de sport en général.
Soigneur au sein de l'équipe cycliste BMC Racing (où évolue le champion olympique belge Greg Van Avermaet), Anthony Lafourte est passé de l'ombre à la lumière en réalisant un effort hors du commun. De quoi impressionner et attirer l'attention de Maxime Monfort, le coureur belge de l'équipe Lotto-Soudal.
A 26 ans, il dit avoir voulu tester ses limites après avoir suivi de près les meilleurs cyclistes du monde depuis 2012. Accro à cette discipline, il a participé à plusieurs compétitions dans les catégories de jeunes (de ses 13 ans à ses 23 ans), avant d'atterrir dans une équipe professionnelle qui participe chaque année au Tour de France.
Alors qu'il voulait devenir pompier, une blessure à la clavicule l'a empêché de passer les tests obligatoires pour entrer dans la profession. C'est suite à une rencontre avec son actuel banquier, l'ancien manager de... Philippe Gilbert, qu'Anthony Lafourte parlera de sa situation et entrera en contact avec l'équipe cycliste BMC, avec qui il participera à l'Eneco Tour et ensuite à la Vuelta, le Tour d'Espagne. Après avoir suivi une formation de massage sportif, il a depuis vu son contrat de "soigneur et assistant sportif" avec l'équipe américaine être renouvelé chaque année.
"C’est un rêve d’enfant qui depuis six ans tient bon"
"Dans ce métier, il y a beaucoup de possibilités. Je dois parfois conduire les bus ou les camions pour rallier les hôtels. Je peux aller chercher des gens à l’aéroport ou préparer de la nourriture pour les coureurs. Il y a le massage qui est important aussi … Il y a beaucoup de choses à faire. Ce n’est jamais la même chose et c’est toujours dans un endroit différent", raconte celui qui parle cinq langues (français, italien, anglais, néerlandais et espagnol). "Vivre tout ça avec des coureurs professionnels, c’est quelque chose d’incroyable, car on côtoie des gens qui font partie de l’élite mondiale. On en apprend tous les jours avec des personnalités pareilles, que ce soit sur ou en dehors du vélo. C’est un rêve d’enfant qui depuis six ans tient bon."
Pleinement épanoui dans sa profession, Anthony Lafourte a vécu quelques moments forts durant cette saison 2018 avec notamment la victoire du coureur australien Richie Porte au Tour de Suisse quelques semaines après le décès d'Andy Rihs, le propriétaire de BMC, qui rêvait de remporter cette course. "C'était un beau moment tout comme le sacre de l'Australien Rohan Dennis qui est devenu champion du monde de contre-la-montre à Innsbruck. C’est impressionnant de se dire qu’on travaille avec un cycliste de ce niveau", explique-t-il. "Cela n’arrive pas beaucoup dans une carrière. Il faut profiter de ces moments. J’ai aussi assisté aux victoires de Philippe Gilbert sur le Giro et la Vuelta. Greg Van Avermaet était aussi presque une semaine en jaune au Tour de France."
Un dénivelé équivalent à l'altitude du Mont Everest
Un parcours enrichissant qui l'a mené à un défi sportif de grande envergure. Tout est parti d'une discussion avec Richie Porte qui lui a proposé de réaliser un "Everest challenge". Une discipline originaire d'Australie.
Le concept est simple: choisissez n’importe quelle côte (col ou montée), n’importe où dans le monde, et répétez-la en une seule activité jusqu’à ce que vous gravissiez 8.848 mètres, soit atteindre un dénivelé équivalent à l'altitude du Mont Everest.
"Une fois que j'étais partant pour le faire, je me suis demandé où j’allais le faire. Il fallait que je trouve une distance gérable (pas 300 km) car avec mon métier, on part 200 jours par an et on ne roule pas. Je ne m’entraîne pas donc il fallait limiter les kilomètres", confie Anthony Lafourte. "Dans ma région, il y a pas mal de 'bosses'. Et je me suis dit pourquoi pas la Redoute. Elle est connue partout en Europe, c’est un endroit mythique. Histoire de marquer le coup. En Belgique, il y a seulement 25 tentatives pour réaliser un Everest challenge. Pour la Redoute, il y avait encore personne."
Le défi a donc été relevé avec brio ce 25 octobre 2018 après près de 15h de course, 194 kilomètres parcourus et un dénivelé de 9413 mètres. Un résultat officialisé sur le site d'Everesting qui reprend les meilleurs résultats de l'"Everest challenge" dans le monde.
Un effort dingue qui a débuté à 6h30 du matin avant le lever du soleil, pour se terminer vers 21h30. "Il y avait de la brume et la route était humide ce qui rendait la descente dangereuse. Les deux premières heures ont été les meilleures car je n’ai pas croisé une seule voiture. Un beau moment de quiétude. En pleine journée, c’est autre chose car on croise pas mal de véhicules. Au début, j'ai monté la côte cinq fois en une heure. Arrivé à la 20e fois, physiquement, j’avais déjà très dur. A la mi-course, c’était l’équivalent du Mont Blanc. Cela ne représente rien dans le monde du vélo."
"Prendre de son temps pour soutenir un fou"
Anthony Lafourte avoue avoir vécu quelques moments difficiles. "Mais j’ai eu le soutien de personnes, que je ne connaissais pas qui m’ont encouragé. Certains m’ont dit avoir vu sur internet (via la page que je faisais cet effort et ils sont venus pour m’accompagner. Je trouvais ça gentil, car prendre de son temps pour soutenir un fou qui monte la Redoute, il n’y a rien à gagner. Ce qui a fait du bien, ce sont les gens qui m’attendaient en haut. A la fin certains m’accompagnaient en courant. Ce sont toutes ces petites choses qui ont fait que j’ai voulu aller jusqu’au bout. Tout seul, cela aurait été très dur. A l’arrivée, j’étais content. J’avais envie de voir mes limites. Je n’en avais aucune idée. L’avoir fait en 15h, c’était impressionnant pour moi. Je n’ai pas vu ce 25 octobre passer. Les gens étaient contents pour moi comme s’ils l’avaient fait. Je m’en souviendrai longtemps."
Le lendemain, il était surpris de ne pas être "cassé" physiquement. "J’ai juste eu des douleurs dans le haut du corps (bras, mains,…), car je me suis mis pas mal en danseuse sur le vélo. J’étais crispé dans les descentes, surtout à la fin dans le noir car je ne voyais plus trop la route. Les jambes ça va encore."
Après avoir observé quelques jours de repos, il reprendra le chemin des entraînements pour une autre de ses passions, le triathlon. Au niveau professionnel, il quittera bientôt BMC pour rejoindre l'équipe Trek-Segafredo.
Un caractère "un peu surhumain"
Témoin de cet exploit, Stephan Cogniaux, un ami d'Anthony Lafourte et acharné de vélo s'est rendu dans la Côté de la Redoute pour vivre au plus près l'événement.
"Ce qui s’est passé hier a marqué les esprits dans la région. On a à faire à un individu qui s’est surpassé et qui a la reconnaissance du milieu pro", s'enthousiasme cet habitant de Sprimont. "C'est un effort incommensurable. Pour le commun des mortels, cela équivaut à monter un col qui fait 90 km de long à 9% de moyenne et une dizaine de km à 21% de moyenne. Ce qui ramène l’exploit à un caractère un peu surhumain."
En mai dernier, Stephan Cogniaux, qui est fan de la Côte de la Redoute, avait par ailleurs lancé le "Barbarians bikes challenge" sur l'application Strava, utilisée pour enregistrer des activités sportives via GPS et dans laquelle le cyclisme et la course à pied concentrent la majorité des activités enregistrées.
Depuis sa création, ce challenge, qui consiste à monter la Redoute dix fois et le plus rapidement possible, a été relevé par plusieurs cyclistes dont le coureur belge Maxime Monfort. Ce dernier, accompagné par le frère de Philippe Gilbert, Jérôme, est devenu le parrain de l'épreuve et surtout le détenteur du record (1h15).
En apprenant qu'Anthony Lafourte allait se lancer dans un défi bien plus fou, les deux comparses n'ont pas hésité à aller le soutenir en faisant quelques kilomètres avec lui durant ce long périple qui restera longtemps dans leurs mémoires.
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