En ce moment
 
 

Arnaud est intolérant au fructose: "Je ne peux pas manger de fruits, de friandises, de plats préparés, ou boire d'alcool, le sucre me rend malade"

Arnaud est intolérant au fructose: "Je ne peux pas manger de fruits, de friandises, de plats préparés, ou boire d'alcool, le sucre me rend malade"
 
 

"Je n'ai jamais touché un morceau de chocolat de ma vie, reconnait Arnaud, qui souffre de fructosémie. Et le seul fruit que je peux manger sans être malade est le citron". Atteint d'une intolérance au fructose et au sucre contenu dans les aliments, il nous raconte son quotidien, marqué par un régime alimentaire très strict, qu'il suit depuis son plus jeune âge. En Belgique, ils ne seraient que quelques centaines à souffrir de cette maladie considérée comme "très rare" par les spécialistes.

Les fruits? Interdits. Les friandises et pâtisseries? Bannies. La bière, le vin, le chocolat, le pain, le ketchup, la mayonnaise, les plats préparés,… lorsqu'on est intolérant au fructose et au sucre, la liste des aliments prohibés est longue. Très longue. Arnaud, 28 ans, la connaît par cœur. Il la respecte à la lettre depuis tout petit. "Ils ont remarqué que j'étais intolérant quand j'avais deux mois", raconte cet habitant de Warcoing, dans le Hainaut, après nous avoir joints via notre page Alertez-nous. Quand sa mère a cessé de l'allaiter et a utilisé du lait en poudre, les réactions se sont manifestées. "Mes lèvres sont devenues bleues et je ne cessais de vomir, décrit le jeune homme. Mon frère jumeau souffre du même mal que moi, mais je suis plus sensible que lui".

En cas d'ingestion de sucre, les patients peuvent tomber dans le coma et perdre la vie

Paniqués, les parents d'Arnaud et de son frère se ruent à l'hôpital, où le docteur Le Polain effectue des examens. C'était il y a 26 ans. "J'étais jeune médecin à l'époque, se souvient le docteur. Si j'ai bonne mémoire, un des bébés avait une jaunisse très importante, il présentait un cas d'hypoglycémie avec des convulsions. On est arrivés assez rapidement au diagnostic d'intolérance au fructose rien que par l'analyse d'urine". Les conséquences de cette maladie peuvent être très graves : les patients peuvent tomber dans le coma au péril de leur vie. "Si le patient fructosémique ingère du fructose, son foie ne saura pas le transformer correctement pour faire du sucre, éclaire Marie-Cécile Nassogne, cheffe du service de neurologie pédiatrique aux Cliniques Universitaires Saint-Luc. C'est très toxique pour le foie. Et c'est ce mécanisme le plus sévère qui peut mener au coma".

Le médecin donne aux parents une liste d'aliments interdits à vie

Ce jour-là, le médecin délivre aux parents des jumeaux une liste d'aliments interdits. Un régime alimentaire strict à suivre à vie. "C'est très perturbant car dans ce type de régime, on doit expliquer aux patients qu'ils ne peuvent pas manger de fruits et qu'ils ne peuvent manger que certains légumes en quantités limitées, explique Martine Dassy, diététicienne aux cliniques universitaires Saint-Luc. Donc c'est un discours qui va à l'encontre de tous les conseils à suivre pour avoir une alimentation équilibrée".

La bonne nouvelle, est que les patients vivent très bien en évitant le fructose: "Une fois que le diagnostic est posé et que les patients suivent ce régime alimentaire, ils peuvent vivre en très bonne santé", poursuit le docteur Marie-Cécile Nassogne.

Il n'a jamais goûté de chocolat, d'alcool, de jus de fruits,…

"Je n'ai jamais touché un morceau de chocolat", reconnait Arnaud, dont l'enfance n'a cependant pas été perturbée par sa maladie. "A l'école, si un gamin fêtait son anniversaire avec un gâteau, je ne pouvais pas en manger et je mangeais quelques chips au sel (pas au paprika) ou un yaourt nature. On a toujours fait le nécessaire pour que je ne me sente pas exclu".

Dans sa vie d'adulte, sa maladie intervient parfois. Et chaque fois, il explique aux personnes qui l'entourent la même chose. "Par exemple, s'il y a un événement, comme une naissance, on prévoit de bonnes choses à manger, auxquelles je ne peux pas toucher, décrit le jeune papa. Donc je réexplique chaque fois la même chose. Les gens n'ont souvent jamais entendu parler de cela, ils sont souvent étonnés".

Pas de jus d'orange, de coca, pas une goutte d'alcool non plus. "Je n'ai jamais bu de bière, de vin ou autre boisson alcoolisée, admet Arnaud. Je bois de l'eau et je fais mon propre café que j'emporte au travail".

Il mange de la viande et des pommes de terre, notamment

Au vu de tous les interdits, que mange Arnaud? "Ce matin, j'ai mangé des flocons d'avoine avec un verre de lait, décrit le jeune homme. A midi, je mange de la viande avec des pâtes, des pommes de terre ou des frites, mais sans la moindre sauce. Le soir, je mange souvent de la soupe, aux poireaux par exemple, qui sont parmi les légumes permis. Je peux manger du chou-fleur nature aussi. Au restaurant, c'est compliqué: une pizza, oui, mais sans sauce tomate, avec juste de la crème, du poulet ou des champignons. Manger chinois, c'est inenvisageable. Les plats préparés et le surgelé sont bannis, la plupart du temps. En tout cas, je consulte toujours les étiquettes sur les emballages".

Et pour les fêtes? "On a simplement mangé une fondue de viande, accompagnée de frites et de salade, cite Arnaud. On a aussi mangé des escargots à l'ail, j'adore ça. Ma femme avait fait une bûche elle-même, que je n'ai pas goûtée bien-sûr, mais mon fils en a profité".

"Je ne suis pas tenté par les aliments sucrés"

Le jeune homme a fini par développer une sensibilité extrême. "Lorsque je sens un aliment, je reconnais directement s'il contient un produit qui m'est interdit, raconte Arnaud. Je sens directement la présence de colorants, de sucre, d'arômes et ça me dégoûte". Pas de frustrations donc, devant la vitrine d'une pâtisserie? "Pas vraiment, non, considère le jeune papa. Lorsque je vais acheter des pains au chocolat pour le petit déjeuner de la famille, ou des yaourts chocolatés, je ne ressens pas l'envie d'en manger. Pour moi, il y a trop de sucre là-dedans, trop de colorants, trop de mauvaises choses pour moi". "C'est très particulier, souligne Martine Dassy, diététicienne aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Ces patients ressentent naturellement du dégoût envers les aliments contenant du sucre. Ils reconnaissent cela à l'odeur. Même les enfants ont cette sensibilité-là".

Son fils n'est pas atteint par la maladie

Arnaud sait qu'il n'y a pas de traitement et l'accepte. "On ne sait rien faire. Mon père n'a pas cette maladie, ma mère non plus. Mes grands-parents n'en souffraient pas non plus". "Pour être atteint de la maladie, il faut avoir les deux mutations sur le gène responsable, analyse Julie Desir, généticienne à l'hôpital Erasme. Si on hérite de ses parents d'un gène normal et d'un gène muté, on n'a aucun symptôme. Donc il est possible que les parents de cette personne soient porteurs de la maladie, mais ne l'ai pas développée". C'est donc pour cette raison également que le fils d'Arnaud n'est pas atteint de la maladie de son papa.

Arnaud croque la vie à pleines dents: "Je me sens bien, je joue au foot, je m'occupe de mon fils"

Arnaud ne craque jamais et n'a jamais mangé du sucre par inadvertance, ni pendant son adolescence, ni à l'âge adulte. Mais il a son petit plaisir. "C'est tout bête, mais je mange un yaourt nature de 900 grammes le soir, confie-t-il. Ça, c'est mon petit plaisir. Comme mon régime strict peut provoquer des carences alimentaires, j'essaie de solidifier mes os le plus possible".

Sa maladie ne l'empêche pas de vivre. "Je me sens en bonne santé, je pèse 72 kg, je fais du foot, m'occupe de mon fils, on joue ensemble, donc ça va. C'est une question d'habitude, je suis ce régime depuis toujours, mais je ne souhaite cette maladie à personne", conclut-il.


 

Vos commentaires