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Betty sur le 22 mars: "Il n'y a pas de mot, juste des maux et des morts"

Betty sur le 22 mars: "Il n'y a pas de mot, juste des maux et des morts"
 
 

En ce jour de souvenir des attentats qui ont frappé Bruxelles il y a tout juste un an, en marge des discours officiels, dont certains, poignants, de proches de victimes de l'aéroport ou de la station Maelbeek, Betty nous a fait parvenir un texte écrit en ce jour funeste.


Betty: "Une poignée de fous dictent ses propres lois"

22 mars 2016, 7h58 ce matin, je me réveille avec l'espoir d'avoir fait un horrible cauchemar. Les infos et les réseaux me percutent comme une douche froide. Non Betty, tout est arrivé. Ces femmes, ces hommes, et peut être ces enfants ne savaient pas qu'ils vivaient leur dernier jour. Ce qui est terrible, c'est que cela aurait pu arriver à n'importe qui ; personne et tout le monde était visé. Hier, ils se sont levés pour aller travailler, se présenter à un boulot, passer un examen, dire bonjour à un ami, une tante, faire quelques démarches administratives,… Et puis, certains partaient en vacances.

Lorsque je prenais l'avion, j'appelais toujours maman pour lui dire au revoir, ne sachant pas ce qu'il pouvait se passer en vol car c'est bien là que sont les risques n'est-ce pas ?

Hier, la barbarie nous a précisé que notre logique est fausse. Que nul endroit n'est sûr, peu importe la police et l'armée sur place. Ils activent un petit détonateur et entraînent avec eux des gens qui ne veulent pas mourir, même dans le hall des départs d'un aéroport ou dans un métro. Seule une fouille minutieuse à l'entrée des endroits publics pourraient les arrêter mais là, on me dira "ce n'est pas possible".

Alors, je pense à toutes ces familles orphelines d'un être cher et je n'ai pas de mot pour soulager cette blessure que déchire leur cœur. J'ai mal pour ces personnes parties trop tôt, qui avaient plein de projets et qui n'ont pas eu le temps de dire à quel point ils ou elles aiment leur mari ou épouse, ami ou amie, père, mère, frère, sœur, …

Même si je suis heureuse de voir cette mobilisation des forces armées et de police, même si je suis reconnaissante envers les services de secours qui sauvent des vies, même si j'applaudis les élans de solidarité de la population et du monde entier, je ne peux m'empêcher de crier ma colère "pourquoi faut-il un acte aussi grave pour réagir ?" Comme ces ronds-points construits après trop d'accidents. Comme le disait mon fils à l'école, chaque jour il faudrait faire une minute de silence pour tous ces innocents sacrifiés et pas seulement en Belgique. A-t-on enfin atteint le "quota" pour prendre conscience du danger ?

Le monde n'est pas une cour de récré où les profs punissent les enfants turbulents et protègent les innocents. Désormais, on inverse les rôles ; une poignée de fous dicte ses propres lois, celles de diriger le monde et de tuer ceux qui ne sont pas d'accord, appelés "mécréants". Il faut ensuite une armée de bons petits soldats pour mettre en pratique cette folie et des milliers de jeunes, en manque de repères et d'avenir, trop fragiles dans leur tête, se laissent séduire par des discours dans lesquels ils ne savent même plus distinguer la haine.

Ces terroristes ont l'âge de mes enfants ! Désormais, les mauvais ne sont plus punis, ils se font sauter, glorieux, et les innocents meurent, sans avoir le temps d'être protégés.

L'homme n'apprendra-t-il jamais de ses erreurs ? Un barbare a déjà "joué" à ce jeu. On l'a laissé faire, le croyant inoffensif…

Ce matin, en me levant, les noms, l'histoire et l'âge des morts fait froid dans le dos. Certains luttent encore pour rester en vie, d'autres se découvrent horriblement brûlés ou mutilés. Alors, les mots tournent dans ma tête et ne demandent qu'à s'assembler comme ces milliers de gens solidaires pour dire ma tristesse et ma colère, mon impuissance aussi.

Ce jour, j'irai donner un peu de sang. Une goutte d'eau dans ce carnage sans nom. Ensuite, en ma qualité de femme de paix, je continuerai ce travail de terrain auprès des jeunes. Leur apprendre le respect, l'amour, la paix, la solidarité, l'écoute et le partage est un moyen de sauver les valeurs de notre société. Les empêcher de basculer doit devenir une priorité. J'espère qu'on finira par comprendre l'importance de cette prévention afin de dégager les moyens nécessaires.

Ironie du sort, mercredi 16 mars, j'étais à Bruxelles pour présenter mon projet "écoles et prévention" auprès du cabinet de Joëlle Milquet. Le train avait du retard en raison de perturbations sur la ligne. Nous sommes restés à l'arrêt près de 30 minutes avant Bruxelles-Luxembourg. J'ai pensé à un attentat…

Plus tard, j'ai pris le métro et suis passée par Maelbeek. Ce qui m'a frappé, c'est le panneau sur lequel était inscrit le nom de la station : contrairement aux autres stations, on aurait dit qu'il était écrit à la main sur un panneau carrelé blanc… Un goût d'inachevé dans cette station, comme si elle était en travaux. J’ai compris par la suite qu’elle avait été décorée par un artiste d’où cet aspect un peu particulier. Un goût d'inachevé pour cette société aussi. Que s'est-il passé avec nos jeunes ? Pourquoi n'avons-nous pas pris toute la dimension de leur mal-être ? Il n'est pas trop tard pour agir. Il n'est jamais trop tard, pour autant que chacun prenne ses responsabilités, de manière ferme, efficace et sur le long terme. Nous n'avons pas de mot, juste des maux et des morts. Mais nous sommes tous concernés. Chaque geste compte, chaque action, chaque goutte si petite soit-elle pour qu'on ne se réveille plus jamais avec cette horrible sensation : et si c'était mon dernier jour ?

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