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La fille d'un trafiquant d'armes réclame ses bijoux saisis par la justice: "Ils ont été malencontreusement détruits", dit le Parquet de Mons

 
 

Depuis plusieurs années, Julie (prénom d'emprunt) réclame au Parquet de Mons ses bijoux saisis suite à la condamnation de son père. La justice a bel et bien ordonné leur restitution mais après de nombreux errements, elle affirme les avoir "malencontreusement détruits". Alors qu'elle ne croit pas à cette version, Julie tente d'obtenir réparation.

En 2007, le père de Julie est auditionné par la police judiciaire de Mons. Il est déjà bien connu de la justice. Le tribunal correctionnel de Bruxelles l’a condamné à trois ans de prison pour trafic d’armes en 2002. Il a ensuite écopé de trois ans supplémentaires en 2005 après un jugement de la cour d’appel de Mons pour organisation criminelle et recel. Cette fois c’est pour des suspicions de blanchiment d’argent que les autorités veulent l’entendre. Sa compagne est également auditionnée.

Il est finalement condamné à une peine de huit ans de prison pour trafic d’armes et blanchiment d’argent tandis que sa compagne est acquittée. S’il est le seul à être condamné, l’affaire demeure préjudiciable pour sa famille. La justice a saisi de l’argent et des bijoux contenus dans un coffre de banque appartenant à la belle-mère du trafiquant. Julie nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour dénoncer “le vol de la part de la justice à mon égard et celui de ma petite sœur”.

Des bijoux pour une valeur estimée à 50.000 euros selon Julie

Julie explique que sa mère a pu récupérer les bijoux lui appartenant quelques années après son acquittement. En revanche, les bijoux de Julie et de sa sœur qui se trouvaient également dans le coffre saisi n’ont pas été restitués. Les deux sœurs se rendent alors à la police de Mons, l’agent qui les reçoit leur aurait déclaré : "Ce n’est pas normal que l’on rende les bijoux à votre maman et pas à vous."

Le coffre saisi comportait une quantité importante pour une valeur estimée à 50.000 euros selon Julie. “Nous (Julie et sa sœur, ndlr), on avait quand même beaucoup de bijoux parce qu’il y avait les bijoux de naissances, de nos baptêmes, de nos communions. Il y avait des petits nounours, des chaînes d’enfant, des gourmettes avec notre nom, notre date de naissance…”, décrit-elle.

En février 2017, un document du Parquet de Mons, que RTL INFO a consulté confirme que "suite à l’arrêt d’acquittement de la Cour d’appel de Mons, rendu le 13 janvier 2017, les bijoux saisis doivent être restitués” à la grand-mère de Julie, propriétaire du coffre de banque. La septuagénaire habite désormais à Bruxelles et souffre de problèmes de santé l’empêchant de se déplacer jusqu’à Mons selon sa petite-fille. Elle écrit alors une lettre manuscrite donnant procuration à Julie et sa sœur pour qu’elles puissent récupérer les bijoux.

Suite à des errements administratifs, vos bijoux saisis […] ont été malencontreusement détruits

Malgré ce courrier transmis au Parquet de Mons qui a saisi les bijoux, Julie n’a pas de nouvelles. Elle se rend alors sur place. Problème : Julie était mineure au moment de la saisie des bijoux. Elle n’en était donc pas officiellement la propriétaire. Ses parents doivent aussi fournir leur autorisation pour qu’elle puisse récupérer ses bijoux.

Julie réunit tous les documents nécessaires, notamment les lettres de sa grand-mère et de ses parents. Le dossier est complet. Sans nouvelles six mois plus tard, elle se rend de nouveau au Parquet pour connaître l’avancée de son affaire. Ses interlocuteurs l’informent que son dossier a été égaré, elle doit tout recommencer.

Après un troisième envoi, le dossier est enfin traité. Julie reçoit une réponse via un courrier du parquet de Mons. Mais son contenu paraît pour le moins surprenant. La lettre explique en quelques lignes : “Suite à des errements administratifs, vos bijoux saisis […] ont été malencontreusement détruits”. Le document précise ensuite qu’il lui est possible de "réclamer des dommages et intérêts auprès de l’Etat belge".

Que deviennent les objets saisis par la justice ?

Julie s’étonne de la version avancée par le Parquet. “Je sais qu’ils détruisent de la drogue qui a été saisie mais des bijoux, c’est impossible qu’ils aient été détruits“, estime-t-elle. Alors, que deviennent vraiment les objets saisis dans le cadre d’affaires judiciaires ?

Lorsqu’un jugement est rendu, le parquet est amené à statuer sur le devenir des pièces à conviction, nous indique-t-on au parquet de Bruxelles. Si les objets ont été utilisés pour commettre un crime par exemple, le parquet ordonne leur confiscation, la personne perd la propriété des biens. C’est également le cas pour les objets considérés comme dangereux : les produits stupéfiants, les armes ou les munitions par exemple, par la suite détruits.

Si le bien confisqué comporte toujours une valeur importante, il est confié au domaine public. L’organe central pour la saisie et la confiscation (OCSC) organise ensuite la vente d’objets saisis. Si ce n’est pas le cas, l’objet peut être détruit également.

S’il n’y a aucune raison pour ordonner la confiscation des objets, le parquet demande aux greffes de contacter les propriétaires afin de leur restituer leurs biens. En rapportant l’histoire de Julie au Parquet de Mons, la porte-parole du procureur du Roi, avance que les problèmes sont fréquents lors de cette procédure. “Certains n’ont tout simplement pas d’adresse de contact, on ne sait donc pas les convoquer pour leur rendre leurs biens. D’autres sont convoqués mais ne viennent jamais”, explique-t-elle. Mais ici, Julie affirme avoir pris plusieurs fois contact avec le Parquet. Et ce dernier a ordonné la restitution des saisies. À la connaissance du numéro du dossier de Julie, la porte-parole réplique qu’il est impossible pour le parquet de communiquer sur cette affaire.

"Des dizaines d'années de procédure"

Julie a fait appel à un avocat pour récupérer son dû mais s’inquiète de la tournure que peut prendre son dossier : “On m’a dit que ça peut durer des dizaines d’années et que parfois on n’a pas gain de cause. On est impuissants face à cela”. Julie craint ne jamais remettre la main sur ses bijoux. D'autant qu'une affaire ayant eu lieu il y a quelques années au palais de justice de Mons renforce son scepticisme quant à la destruction de ces pièces à conviction.

Fin 2014, un vaste réseau mafieux impliqué dans des trafics de voitures volées et d’armes est démantelé dans le Hainaut. De nombreuses pièces à conviction sont saisies dont certaines interpellent particulièrement le Parquet. En effet, des armes fichées au local des pièces à conviction du palais de justice de Mons sont retrouvées chez les trafiquants. Cette affaire renvoie alors à la disparition de 450 armes saisies par la justice. Au moment du démantèlement de ce réseau, l’avocate générale Catherine Badot avait déclaré : “Notre impression dans ce dossier est que d’autres personnes ont sans doute profité du trafic d’objets en tous genres du local des pièces à conviction. Mais voilà : suite à des interrogatoires, des perquisitions ont bien été menées, mais elles n’ont rien donné en son temps. Des bagues, entre autres bijoux, ont disparu, de même que des enveloppes d’argent. Autant de pièces qui n’ont jamais été retrouvées”.

Julie en est persuadée : "Comme le Parquet ne peut pas me dire que les bijoux ont été volés, ils me disent qu'ils ont été malencontreusement détruits". Impossible toutefois de confirmer cette thèse, en l'absence de communication de la part du Parquet.


 

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