L'essence reprend de plus en plus la main dans le parc automobile des pays européens, au détriment du diesel, longtemps privilégié par les autorités avant de voir son image ternie par le Dieselgate et de nombreuses études réalisées sur la qualité de l'air. Même si en termes de CO2 cette technologie reste plus efficace que l'essence, l'émission de particules fines et un usage trop répandu de ce carburant ont poussé les autorités à rééquilibrer la balance en soumettant désormais le diesel aux mêmes accises que l'essence.
> QUEL TYPE DE MOTORISATION CHOISIR EN FONCTION DE SON USAGE ?
De tels changements ont modifié évidemment la perception du grand public et, en quelques mois, la demande en essence et en gazole. Du coup, certains n'hésitent pas à avancer l'hypothèse selon laquelle les moteurs diesel vont disparaître et que l'on ne produira plus ce type de carburant d'ici quelques années.
Tout d'abord, notons que les spécialistes du secteur ne sont pas du tout de cet avis. "Ce n'est pas le monde réel. J'ai même tendance à dire que la demande en diesel est plus forte qu'avant", indique Jean-Benoît Schrans, responsable de la communication de la Fédération Pétrolière Belge, avant d'expliquer: "Déjà, les véhicules diesel ont encore toutes leurs raisons d'exister. Les nouveaux moteurs respectent des normes très strictes et ces moteurs ont beaucoup d'efficacité. Mais surtout, les véhicules automobiles ne représentent pas la majeure partie des besoins en mazout et diesel. Il y a les transports de marchandises, tant sur routes que par voies fluviales, mais aussi les chauffages de bâtiments".
Mais ensuite, ne plus produire de diesel, est-ce bien réalisable ? A vrai dire, pas vraiment, car la production d'essence et de diesel est en fait intimement liée. Francis, un lecteur qui nous a contactés via notre bouton Alertez-nous, avait relevé cela, dénonçant au passage une "manipulation" des autorités. Nous n'irons pas aussi loin que lui, même s'il est évident que les consommateurs doivent être aiguillés d'une façon ou d'une autre en fonction des ressources disponibles.
Comment se décompose le pétrole?
Pour répondre à cette question, il faut s'intéresser à la production des nombreux produits dérivés du pétrole brut, dont l'essence et le gazole représentent la majeure partie. C'est le raffinage du pétrole qui permet de séparer le pétrole en ces différents produits à usage spécifique. Mais il y a un hic ! Un aspect sur lequel l'humain n'a pas ou peu la main: les proportions dans lesquelles ces dérivés sont produits.
Le pétrole brut, composé de plusieurs hydrocarbures, est décomposé dans une tour de distillerie. Celle-ci comprend plusieurs "chambres" où les températures sont différentes. Tout en bas, le pétrole est chauffé à 370 degrés et se retrouve alors presque essentiellement sous forme gazeuse. Les vapeurs d'hydrocarbures les plus légers vont alors monter dans la tour, sous forme de gaz, et les plus lourds vont rester en bas.
Tous ces gaz sont ensuite récupérés à l'état liquide après condensation (suite au refroidissement, tout comme de la vapeur d'eau redevient de l'eau liquide au contact d'une surface plus froide).
En fonction des températures, ces différentes chambres vont permettre d'isoler différents types d'hydrocarbures. Tout en haut de cette tour, la température n'est plus comprise qu'entre 20 et 40 degrés, et on y récupère les gaz butane et propane. En-dessous on retrouve l'essence et le naphta, utilisé pour la formation de produits chimiques, qui se recondensent entre 40 et 160 degrés. Encore en-dessous, le kérosène, dont les molécules ont des points d'ébullition compris entre 160 et 250 degrés. Et ce n'est qu'en-dessous, quasi tout en bas de cette tour, qu'on récupère les molécules de diesel, dont le point d'ébullition est compris entre 250 et 350 degrés. A la base de la tour, il y a encore le fioul lourd et le bitume.
Des proportions qui ne varient pas beaucoup
Voilà pour les explications au sens large. Ensuite, il y a encore toute une série d'opérations qui permettent d'affiner un peu plus le tri. Par exemple, avec des résidus de la première distillation, on peut faire une deuxième distillation, sous-vide cette fois.
Via le "craquage", on peut aussi casser les molécules les plus lourdes, ce qui permet d'obtenir plus de produits légers à partir de produits lourds. Cela permet d'obtenir, par exemple de l'essence à partir de fioul lourd.
Mais l'humain ne dispose pas, à l'heure actuelle, d'une grande plage de variation. C'est ainsi qu'à partir du pétrole brut, on retire à peu de choses près 45% d'essence, et 21% de gazole et mazout de chauffage. Le reste, c'est du kérosène (10%), les résidus oléagineux (7%), les gaz liquides (4%), le bitume (3,5%), les matières premières pétrochimique (3,5%), les carburants à base de naphta (1,5%), etc...
Ces chiffres peuvent légèrement varier en fonction du gisement de pétrole d'où a été extraite la matière et de la raffinerie qui l'a distillée. Mais même si les raffineries et les techniques utilisées évoluent constamment, élargissant les capacités à modifier ces proportions, elles restent encore assez limitées et onéreuses. Globalement, on peut donc affirmer, à la grosse louche, qu'en distillant le pétrole on obtient 2 litres d'essence pour un litre de gazole.
Un impact sur les prix et les modes de consommation
Cela a une conséquence évidente et très importante: lorsqu'il y a une forte demande pour l'un ou l'autre dérivé, il faut écouler la surproduction des autres. C'est aussi pour cette raison que l'industrie pétrolière doit veiller à travailler main dans la main avec l'industrie automobile, mais aussi l'industrie chimique, maritime, aéronautique et... avec les autorités des différentes pays. Ce qui peut parfois laisser penser, comme pour le cas de Francis cité plus haut, qu'il y a une sorte de "manipulation". A vrai dire, il serait plus correct de "contrôle" des modes de consommation. En effet, une pénurie d'un composé au détriment d'un autre créerait un déséquilibre important qui pourrait faire "exploser" les prix de l'un, et "s'effondrer" les prix de l'autre.
La "dieselisation" du parc automobile, que l'on a très clairement observée dans de nombreux pays européens, dont la Belgique et la France au début des années 2000, a ainsi créé un déséquilibre entre l'offre et la demande. Si le prix du pétrole brut reste l'élément clé pour déterminer le prix du diesel, cette demande sans cesse grandissante explique également pourquoi le diesel a augmenté plus rapidement sur les marchés boursiers ces dernières années que l'essence, toutes taxes mises à part.
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