Parmi les efforts mondiaux de recherche pour combattre le coronavirus, la piste de la sérothérapie est à l'étude, notamment en Belgique. La méthode consiste à transfuser le plasma de patients en convalescence pour traiter les personnes gravement atteintes.
Une course contre la montre est engagée pour trouvée un remède au Covid-19. De nombreux essais sont en cours pour déterminer l'efficacité de médicaments. Face à l'urgence de la situation, les chercheurs privilégient des traitements immédiatement disponibles : Hydoxichloroquine (utilisée dans le traitement du lupus et de l'arthrite rhumatoïde), Remdesivir (initialement développé contre Ebola), lopinavir et ritonavir (anti-VIH)...
Autre piste explorée, la "sérothérapie". C'est à ce sujet que nous interroge Rebecca via le bouton orange Alertez-nous : "ll y a une idée citée à la TV par des spécialistes pour que les gens ayant fait des anticorps puissent éventuellement, par des manœuvres médicales, en donner pour aider à soigner les gens les plus sensibles". De quoi s'agit-il ?
Le principe est d'une simplicité séduisante : prendre des anticorps de patients qui ont guéri du coronavirus, via leur plasma (c'est à dire la partie liquide du sang qui permet aux globules rouges et aux plaquettes de circuler dans le système vasculaire), pour les réinjecter aux patients nouvellement infectés. "On prend le sang et puis on enlève tout ce qui est plaquettes, globules blancs, globules rouges, dont on n'a rien à faire, et on garde simplement le sérum, qui est le liquide autour des éléments solides dans le sang, explique Yves Van Laethem, virologue à l'hôpital St Pierre. C'est dans ce liquide qu'il y a de l'albumine, des protéines, des tas de choses et des anti-corps, et c'est cela que l'on perfuse". Le sang de malades guéris, donc immunisés, sert ainsi à renforcer les défenses immunitaires de patients récemment atteints.
C'est une très vieille idée qui a existé lorsqu'on avait rien d'autre
"C'est une très vieille idée qui a existé lorsqu'on avait rien d'autre", note Yves Van Laethem. La sérothérapie était déjà utilisée avant la deuxième guerre mondiale, lorsque les antibiotiques n'existaient pas. "On prenait le sang des gens et on donnait leur sérum à des gens qui étaient avec une pneumonie très sévère pour les aider à lutter avec des antibiotiques naturels si on peut dire, nos anticorps, pour détruire le microbe", raconte-t-il. La technique a servi pour traiter diverses maladies : pneumonie, mais aussi rougeole, oreillons, polio... Aujourd'hui, on y a recours quand aucun traitement efficace n'est à disposition. C'était le cas lors des précédentes épidémies de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et d’Ebola.
Une méthode testée en Chine et autorisée aux États-Unis pour les patients les plus graves
Face à l'épidémie de coronavirus, les Chinois ont été les premiers à l'essayer pour tenter de diminuer la charge virale de malades sévèrement atteints. Mi-février, après qu'un essai clinique mené sur 11 patients dans un hôpital de Wuhan a montré son efficacité, les autorités ont demandé aux patients guéris du Covid-19 de donner leur sang.
De même, une expérience menée entre le 20 janvier et le 25 mars par des médecins de l’hôpital de Shenzhen (Chine) sur cinq patients dans un état critique, a montré le potentiel de la sérothérapie dans le cadre du coronavirus, comme le rapporte le journal de l’Association médicale américaine (JAMA).
Aux Etats-unis, l'Agence américaine du médicament a autorisé ces transferts à destination des patients gravement atteints. Le New York Blood Center a annoncé qu'il sera le premier centre de transfusion sanguine des Etats-Unis à collecter des dons de plasma sanguin auprès de personnes guéries du Covid-19.
En Belgique, un protocole est en cours d'élaboration pour déterminer les critères de sélection du plasma
Envisage-t-on de pratiquer ce type de traitement pour le coronavirus en Belgique ? "Ça se discute et c'est une approche importante à considérer", nous répond Arnaud Marchant, chercheur au FNRS et directeur de l'institut de l'immunologie médicale à l'ULB. "On va participer activement à des protocoles de recherche par rapport à ça", indique également Thomas Paulus, porte-parole du service sang de la Croix-Rouge. Plusieurs pays européens ont lancé des projets de sérothérapie dans le cadre du coronavirus. Ils collaborent dans un groupe de travail dirigé par l'EBA (European Blood Alliance), auquel La Croix Rouge participe, précise M. Paulus.
Actuellement, les scientifiques belges travaillent à déterminer les critères qui seront utilisés pour sélectionner le plasma. "Un élément clef va être la sélection des donneurs, puisque l'idée c'est d'administrer le plasma de patients qu'on dit 'convalescents', ceux qui sont après la maladie mais qui ont des taux d'anticorps encore relativement élevés", explique Arnaud Marchant.
Qui sont ces patients convalescents ? Ceux dont les symptômes ont disparu depuis plus de 28 jours et qui ont eu deux tests négatifs au Covid-19, précise Thomas Paulus.
"Le principe actif que l'on vise, ce sont des anticorps neutralisant le virus", poursuit Arnaud Marchant. "Tous les anticorps contre le virus ne sont pas nécessairement capables de bloquer l'infectivité", note Oberdan Leo, professeur à l’ULB, vice-recteur de recherche et ancien directeur de de l'institut de l'immunologie médicale. "Ces anticorps devraient être capables de bloquer l'entrée du virus dans les cellules de l'hôte. Pour ça il ne faut pas qu'ils ne soient pas simplement capables de se fixer sur le virus mais il faut qu'ils puissent se fixer sur la partie du virus qui est impliquée dans l'événement d'infection".
Une pratique simplifiée pour faire face à l'urgence, des risques à écarter
Alors que les essais cliniques se déroulent habituellement sur plusieurs mois, l'urgence de la situation bouscule visiblement les chercheurs et les contraint à simplifier leur pratique. "Quand on fait de la sérothérapie dans des situations non urgentes, on collecte le sang de centaines, voire de milliers de patients, et puis on purifie les immunoglobulines, on fait un mélange de plein de donneurs différents comme ça on a une grande quantité d'anticorps venant de plein de personnes différentes. Ici on n'a pas le temps, du coup c'est vraiment un plasma d'un donneur, pour un patient", explique Arnaud Marchant.
Si les délais doivent être raccourcis, il faut néanmoins garder toutes les précautions indispensables à ce type de pratique. "Avec les produits sanguins vous pouvez transmettre d'autres maladies", a rappelé lors d'une conférence de presse Genève, le Dr Sylvie Briand, directrice du département Préparation mondiale aux risques infectieux à l'OMS, appelant à la prudence. La présence de virus comme l'hépatite B ou C, le HIV, mais aussi le Covid-19 doit être écartée. "Il y aura des précautions habituelles qui seront prises pour que le risque soit absolument nul", indique Arnaud Marchant.
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