Le Fonds Social Chauffage alloue une somme aux personnes dans le besoin qui les aide dans le paiement de leur facture de chauffage. Selon notre alerteur, certains abusent du système. Du côté du fonds, on assure que les failles sont peu probables, car les règles d'octroi sont très strictes.
Le Fonds Social Chauffage est une collaboration entre les pouvoirs publics, les CPAS et le secteur pétrolier. Il octroie chaque année une allocation à ceux qui se trouvent dans des situations financières précaires. Elle permet le paiement partiel de leur facture de chauffage. Le fonds intervient uniquement pour le gasoil de chauffage, le pétrole lampant (type c) et le gaz propane en vrac. L’électricité, le gaz naturel, le gaz en bonbonne ou encore les pellets et le charbon ne sont pas pris en compte.
L’allocation maximale annuelle est de 210 euros, pour les combustibles livrés en vrac (lorsqu'un camion se rend chez vous pour remplir votre citerne de mazout par exemple). "On donne 14 eurocents par litre, pour un maximum de 1.500 litres annuels", détaille Véronique Laurent, la directrice adjointe du Fonds Social Chauffage. "Donc, l’intervention maximale est bien de 210 euros. Chaque année, le seuil de référence est recalculé sur base de la moyenne des 5 dernières années des prix des produits pétroliers. Avec la formule, le taux d’intervention n’a pas changé depuis 2010".
Il n’y a par contre pas de plafond minimum pour le gasoil de chauffage et le pétrole lampant (type c) achetés en petites quantités à la pompe. Le bénéficiaire de l’aide va recevoir lui aussi une allocation, cette fois-ci forfaitaire, de 210 euros, quelle que soit la quantité de carburant achetée.
Des gens viennent chercher à la pompe des petits bidons de pétrole. Ça leur coûte peut-être trois euros. Ils demandent la facture, et ils reçoivent automatiquement les 210 euros d’allocation
Certains abusent-ils du système?
Nous avions consacré un article à ce fonds en janvier dernier. C'est en le lisant que Guillaume a voulu réagir. "Il y a des gens qui bénéficient du fonds alors qu’ils n’en ont pas besoin", estime ce négociant en carburants de Marche-en-Famenne. "Pour le pétrole de type c, qui sert à alimenter les petits poêles à pétrole, il n’y a pas de quantité minimale pour recevoir l’allocation. Je sais que des gens viennent chercher à la pompe des petits bidons de pétrole. Ça leur coûte peut-être trois euros. Ils demandent la facture, et ils reçoivent automatiquement les 210 euros d’allocation. Il y a donc aussi des profiteurs", déplore-t-il.
Guillaume estime qu’il s’agit d’une faille. Pas d’une fraude, puisque la législation est faite ainsi. "A partir du moment où le client demande la facture vous devez la donner, puisqu’il a pris le produit. Et comme ce produit rentre dans la catégorie, il a droit à la prime".
Véronique Laurent, la directrice adjointe du Fonds Social Chauffage, confirme en partie les propos de Guillaume. "Sur base d’un seul ticket, une personne qui rentre dans une catégorie de notre groupe cible peut en effet prétendre à une allocation forfaitaire annuelle. Elle devra ensuite se débrouiller avec cette somme durant toute l’année, et gérer son poste chauffage".
Pour elle, cela n’a rien d’anormal. "Parfois certaines personnes sont choquées de la base du ticket et du montant octroyé, mais rien n’empêche le CPAS qui gère les allocations de faire une enquête sociale pour voir s’il n’y a pas abus. Il peut réclamer plusieurs tickets si c’est nécessaire".
"L’allocataire doit faire une déclaration"
De plus, Véronique Laurent insiste: il faut remplir plusieurs conditions pour pouvoir bénéficier de l’allocation. Ainsi, le fonds n’intervient que pour le moyen de chauffage principal de l’habitation. "On peut facilement le connaître parce que l’allocataire doit faire une déclaration. Et on retrouve aussi l’information dans les banques de données des CPAS", détaille Véronique Laurent. "Si une personne dispose d’un chauffage au gaz naturel dont les compteurs ne sont pas scellés et qu’elle achète en plus du pétrole à la pompe, on n’intervient pas. Parce que dans ce cas, il s’agit d’un chauffage occasionnel".
Elle estime donc que les failles sont peu probables. Le combustible qui est remboursé est celui qui est utilisé pour chauffer l'habitation durant toute l'année. "Il y a pas mal de contrôles. Dès qu’un assistant social a des doutes, il a le droit de pouvoir inspecter, vérifier, demander des informations supplémentaires pour éviter les abus", explique-t-elle.
Le critère de chauffage principal laisse tout de même la place à quelques exceptions. "On peut octroyer l’allocation pour un chauffage mixte. Il y a encore des habitations qui ont un type de chauffage différent dans chaque pièce de vie. Dans ce cas, on est face à une forte précarité et bien entendu il faut aider ces personnes".
Un groupe cible bien spécifique
Au-delà de ce critère, il faut préciser que tout le monde ne peut pas espérer recevoir cette aide. Trois catégories de bénéficiaires constituent le groupe cible de l’allocation chauffage: les personnes ayant droit à une intervention majorée d’assurance maladie invalidité, celles ayant des revenus limités et les personnes endettées. Pour ce faire, les revenus imposables bruts annuels des ménages sont pris en compte. S’ils sont inférieurs ou égaux à 18.730,66 euros (avec une majoration de 3.467 euros par personne à charge), le ménage peut potentiellement recevoir une telle aide.
Enfin, pour percevoir l’allocation, les potentiels bénéficiaires doivent en faire la demande auprès du CPAS dans les 60 jours après l’achat du combustible. Ils devront prouver ce dernier, grâce à la facture ou au ticket qu’ils ont reçu.
Des contrôles stricts
Guillaume reste tout de même dubitatif. "La gérante d’une station que j’approvisionne régulièrement m’a dit une fois qu’un homme était venu chercher deux petits bidons à la pompe. Il a demandé deux factures. En fait, sa fille est domiciliée dans la même maison. Je pense qu’ils reçoivent deux fois la prime".
Véronique Laurent, du Fonds Social Chauffage n’est pas du même avis. Elle affirme que ce sont bien tous les revenus du ménage qui sont évalués. "La maison entière est identifiée comme un ménage. Il y a une enquête, toutes les personnes domiciliées sont considérées comme un ménage, même si elles n’ont pas de lien de parenté. S’il est prouvé que d’autres personnes vivent dans l’habitation sans y être domiciliées, tous les revenus de la maison sont tenus pour une entité. Et si ces revenus excèdent le plafond, on peut être exclu de cette allocation". Selon elle, il est donc peu probable qu’un ménage reçoive plus de 210 euros d’allocation chauffage par an.
"Je ne vois pas comment on pourrait frauder"
Du côté des CPAS, on le confirme, les contrôles sont permanents. "Il n’y a pas d’abus possible", assure Didier Neirynck, attaché à la communication du CPAS de Charleroi. Il n’a en tout cas jamais eu connaissance de failles, telles que celles décrites par notre alerteur. "On regarde toujours les revenus des personnes. Elles doivent toujours rentrer des pièces justificatives, des factures de livraison ou d’achat. Donc, je ne vois pas comment on pourrait frauder, à moins d’être de connivence avec un livreur ou un commerçant. Mais il n’y gagnerait rien".
Un avis que partage Guy Bastin, responsable du service social au CPAS de La Roche-en-Ardenne. "Il y a un contrôle des statuts. On a accès à la banque-carrefour de la sécurité sociale, et on vérifie les factures. Si ça correspond, on ne peut pas faire autrement qu’octroyer l’allocation. C'est la législation et on doit appliquer le forfait. Ce contrôle se fait donc sur un plan purement administratif".
"C’est un peu la débrouille pour tout ce qui est fraude"
Cependant, Guy Bastin le concède, on n’est jamais à l’abri d’un couac. "C’est vrai que ça pourrait parfois entraîner des trafics. Mais notre rôle reste assez limité, c’est un peu la débrouille pour tout ce qui est fraude. On n’est pas là pour faire les détectives. On vérifie des choses sur le plan administratif, on aide les gens. On a des instructions, et on a aussi une inspection pour voir si on a respecté la procédure de contrôle".
S’il reste réaliste face aux dérives possibles, il assure que de tels cas ne se sont jamais présentés du côté de La Roche-en-Ardenne. "On est une petite commune, on connait les gens qui bénéficient de nos services. Donc tout cela n’a pas trop donné lieu à des discussions".
Tous sont par contre conscients que les situations évoluent et ne sont pas immuables. C’est donc toujours la réalité du moment qui est prise en compte. "Vous pouvez très bien être riche l’année passée, et tomber dans la misère la plus profonde cette année-ci", détaille Véronique Laurent, la directrice adjointe du Fonds Social Chauffage. "Dans ce cas, on ne va pas prendre en compte vos impôts ou vos revenus de l’année précédente. C’est la situation réelle qui compte. Et ça marche dans les deux sens". En 2018, 88.810 ménages ont pu bénéficier de cette allocation.
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