La commune entend l’appel de ses administrés… mais déclare ne pas pouvoir faire grand-chose.
"C’est un site que tous les Lasnois connaissent" attaque Arnaud de Meeus, l’un des citoyens engagés contre un projet immobilier à Lasne, une commune du Brabant wallon. "C’est l’une des portes d’entrée dans le village" ajoute-t-il. Ce riverain a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous pour manifester sa colère. Le site dont il parle est celui occupé par le magasin Stoquart. Un hectare coincé entre les rues du Try Bara, le Messager de Bruxelles et la route de Renipont. Un promoteur immobilier veut y construire un complexe de commerces et d’appartements. Ce qui dérange les Lasnois, c’est le projet en lui-même, "pharaonique" s’exclame Arnaud de Meeus, mais aussi les manières du promoteur.
Légal, mais pas très transparent
Le promoteur, la société Parx’s S.A., ne s’est en effet pas adressée à la commune, mais directement à la Région Wallonne. "Ils ont introduit une demande pour classer le site en ‘zone à réaménager'. C’est juste pour échapper aux règles d’urbanisme de la commune. On parle d’un terrain avec un magasin de jardinage qui vendait des petits outils et des pièges à taupes. C’est faire peur aux gens que de dire que le site doit être dépollué" poursuit Arnaud de Meeus.
Qu’est-ce qu’un site à réaménager (SAR) ?
Par "site à réaménager", la Région Wallonne entend "tout bien immobilier ou ensemble de biens immobiliers qui a été ou qui est destiné à accueillir une activité, à l’exclusion du logement, et dont le maintien dans son état actuel est contraire au bon aménagement des lieux ou constitue une déstructuration du tissu urbanisé". Dans notre cas précis, le classement en site à réaménager (SAR) a été demandé parce que le site "a accueilli une activité de stockage, et de vente de produits phytosanitaires et agricoles".
Mais les Lasnois ne sont pas d’accord. "J’ai encore parlé avec le propriétaire il y a quelques jours. Oui, il a vendu de l’engrais, mais son terrain n’est pas pollué. Il était d’ailleurs soumis à des contrôles stricts tous les ans" poursuit Arnaud de Meeus.
"Un moyen de passer au-dessus des règles de la commune"
A la maison communale, on a été un peu surpris de cette demande. "Le projet nous est arrivé dans un courrier, adressé par le ministre, explique la bourgmestre, Laurence Rotthier. Le promoteur a introduit la demande auprès de la Région wallonne. Nous, on a juste reçu un dossier à mettre à l’enquête publique. Nous n’avons pas de pouvoir décisionnel".
C’est bien là que le bât blesse. Le commune de Lasnes possède un ensemble de règles d’urbanisme relativement restrictives. En utilisant le principe des SAR et en passant par la Région wallonne, la commune perd son mot à dire.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Dans le cadre d’un SAR, la demande doit donc être faite auprès de la Région Wallonne. C’est la Région qui transmet à la commune concernée le projet et qui demande d’ouvrir une enquête publique. A l’issue de l’enquête, le collège communal rend un avis, qui n’est pas contraignant. La balle revient dans les mains de la Région qui décide, ou non, du classement en SAR. S’il est accordé, le promoteur peut introduire une demande de permis d’urbanisme. Mais une nouvelle fois, cela se passe sans la commune. "C’est le fonctionnaire délégué à la Région wallonne qui s’en occupe. Nous n’avons vraiment qu’un avis consultatif" précise la bourgmestre.
Un projet qui va à l'encontre des règlements communaux
La commune, réduite à cet avis consultatif, ne peut rien faire. Pourtant, elle est loin d’approuver le projet. "La procédure est respectée, c’est tout à fait légal. Par contre, par rapport au projet tel qu’il est envisagé aujourd’hui, j’ai quelques doutes. Ce qu’ils proposent va à l’encontre des règlements communaux et à l’encontre de la politique environnementale et urbanistique de la commune" observe Laurence Rotthier. Pourquoi est-ce que le promoteur a agi de la sorte ? "C’est sûr, cela permet de s’éviter des soucis avec la commune… puis ça permet aussi d’accéder à certains subsides… ", ajoute la bourgmestre.
Du parking, des commerces, des habitations
Sur un espace d’un hectare, le projet prévoit l’implantation de 170 places de parking, de 43 appartements, de 7 maisons, de 721 m² de commerces, de 315 m² d'Horeca et de 480 m² de bureaux. "C’est un projet pharaonique, pensé par des gens qui sont habitués à travailler dans des espaces urbains, où le moindre m² doit être exploité. Mais ici, on essaye quand même de préserver une certaine ruralité. Des prairies, des espaces verts, des bois… Des castors et des renards" rappelle Arnaud de Meeus. "Ce qui est très choquant, c’est le côté bulldozer, trouver une astuce juridique pour échapper aux prescrits… Lasne n’est pas une commune fermée. Tout le monde est le bienvenu mais il faut quand même respecter les règles, l’esprit, la philosophie de la commune" conclut le Lasnois.
Réunion d’information ce lundi
La commune a organisé une réunion d’information publique ce lundi, à 18h. "Nous serons beaucoup" prévenait Arnaud de Meeus, qui affirmait que des centaines d’habitants de Lasne, toutes orientations et sensibilités politiques confondues, s'étaient déjà manifestés. Les citoyens rassemblés sous la bannière "Sauvons le Messager" préviennent déjà: si la commune ne peut rien faire, il y aura des initiatives juridiques prises par les citoyens.
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