Après avoir perdu son emploi de directrice dans le secteur automobile, Patricia a vécu un passage à vide avant de retrouver un emploi... tout au bas de l'échelle. Elle a alors gravi les échelons un à un avant de retrouver quelques années plus tard son statut professionnel. Touchée par le sort des nombreux employés Carrefour licenciés, cette Bruxelloise veut transmettre du courage à ceux qui ont perdu leur emploi. "A ce moment là, j'aurais aimé avoir quelqu’un qui me dise ‘Allez, on y va Patricia!".
C’est en regardant le RTLinfo 19H00, fin janvier, que Patricia a décidé de nous écrire via le bouton orange Alertez-nous. A l’époque, les licenciements massifs chez Carrefour occupent tout le champ médiatique. "Je trouvais les témoignages des employés Carrefour tellement tristes que j’ai voulu témoigner moi-même en disant ‘La vie n’est pas finie!’", explique Patricia, jointe par téléphone. Pourquoi? "Parce que moi aussi j’ai perdu mon emploi, révèle cette ancienne directrice. J’avais 17 ans d’ancienneté dans la même entreprise. Et du jour au lendemain, tout s’est arrêté. Je suis la preuve vivante que, même si tout s’effondre professionnellement parlant, on peut s’en sortir ".
"Quand on débarque au bureau de chômage alors qu’on était directrice, il faut assumer le regard des autres"
Pour comprendre, il faut revenir quelques années en arrière. En 2014, lorsque le concessionnaire Cegeac, où Patricia travaillait, est déclaré en faillite. 75 personnes perdent alors leur emploi. "Quand on n'a jamais connu le monde du chômage, c’est difficile à vivre, reconnaît celle qui occupait alors un poste de directrice. On m'a envoyée à l'Onem où un employé a mis un cachet sur mon dossier pour indiquer que j’étais ‘chômeuse’, je me souviens encore du geste qu’il a fait. Puis, on vous explique le système de carte et de pointage, vous êtes perdus, et voilà".
Ensuite, il y a les formations à suivre, les procédures à respecter. "Pour avoir des informations, vous devez aller chaque semaine faire la queue pendant des heures, décrit Patricia. Quand il y a des formations, eh bien vous vous retrouvez dans un petit local avec d’autres personnes, et on vous explique comment faire un CV à 50 ans. Vous vous retrouvez dans une catégorie de gens dont 'personne ne veut' entre guillemets. Il faut un sacré moral pour s’y faire car il faut assumer le regard des autres tout en vivant une violente perte de repères. C’est un passage extrêmement difficile. On tombe bien bas", se souvient celle qui a aussi été contrainte de faire le tri dans ses "amis". "Certaines personnes vous lâchent, car estiment que vous êtes moins fréquentables de par votre situation professionnelle ou financière plus difficile, décrit-elle. Mais les vrais amis, eux, sont toujours là".
Il faut directement se serrer la ceinture: "On a mangé des oeufs"
En plus d’un éventuel sentiment de dévalorisation, il faut gérer le stress du quotidien. "Nous avions un prêt hypothécaire à rembourser, signale Patricia. Avec mon mari, qui travaillait pour le même groupe et devait changer d'emploi, notre préoccupation était de conserver notre maison".
Il a donc fallu faire des économies… drastiques. "Plus aucun ‘petit plaisir’, plus de sorties, de restaurant, de vacances, de cadeaux, d’achats quelconques, cite-t-elle. On a mangé des oeufs pour économiser, on faisait nos courses là où c'était le moins cher possible, c’était comme ça". Sans compter le fait que le couple était privé de ses deux véhicules de société. "Il a fallu organiser nos déplacements différemment".
Patricia envoie des tas de CV: "Trop qualifiée"
A côté de cela, Patricia envoie des CV tous azimuts. "J’avais des réponses très polies, dans lesquelles on soulignait ma grande expérience, mais on finissait par me dire que ça n’allait pas ou que j’étais trop qualifiée". Alors que faire à ce moment-là? Comment garder le moral pour s’en sortir? "On s’accroche et on prend ce qui passe", conseille Patricia qui donne même un tuyau plus précis: "Ce qu'il faut faire, c'est envoyer son CV à toutes ses connaissances, toutes les personnes qu'on connait. A un moment, ça a marché pour moi: un patron m’a proposé un petit job".
Patricia reprend tout à zéro: "De directrice, je devenais vendeuse"
Après avoir connu une période de chômage, l’ancienne directrice saisit donc cette opportunité et recommence tout au bas de l’échelle. "De directrice, je devenais vendeuse, comme à mes débuts de carrière, raconte Patricia. Quand on est dans cette situation-là, il faut pouvoir se remettre en question, rebondir et recommencer à zéro".
Forcément, le salaire n’était plus le même. "Je gagnais 1.500 bruts, comme quand j’ai recommencé à travaillé", détaille-t-elle. Mais finalement, ce n’était pas le plus gênant. "La vente est un beau métier, mais ce qui m’a manqué à cette période de ma vie, c’était de ne plus pouvoir prendre d’initiatives, de manquer d’autonomie dans l’exécution de mon métier, dévoile Patricia. Quand j’étais directrice, j’étais quelqu’un qui entraînait les autres, je les emmenais, je conduisais des équipes, … Mais voilà, j’ai vu ce nouveau job comme un challenge".
Le patron observe les capacités de Patricia et lui propose plus de responsabilités
De semaines en semaines, Patricia montre ses capacités et ne laisse pas le directeur indifférent. "Après quelques temps, le patron m'a appelée et m’a proposé des responsabilités, se souvient-elle. Puis, je suis devenue sales manager (directrice des ventes, ndlr), j’ai gravi tous les échelons. Aujourd’hui, je dirige le garage de Drogenbos, c’est l’équivalent de l’emploi que j'occupais avant. La structure est plus petite, le salaire est donc moindre, mais j’ai gagné le respect de mes collègues. En tant que femme, j’ai pu me reconstruire une carrière à 50 ans, c’est le plus important".
Certains diront que Patricia a un profil particulier et que c’est pour ça qu’elle eu de la chance. "Je vais avoir 54 ans et je n’ai pas de diplôme universitaire, rétorque-t-elle. J’ai appris sur le tas. Je parle un peu anglais et néerlandais, mais je ne suis pas bilingue ou trilingue. Je ne suis ‘personne’ entre guillemets".
Ci-dessous, Patricia, dans son showroom à Drogenbos.
Son message est clair: "Ne baissez pas les bras! La roue tourne et vous avez toute la vie devant vous!"
Patricia a donc trouvé le moyen de remettre sa carrière sur les rails, sans stagner. Mais que peut-elle dire aux employé(e)s qui aujourd’hui, craignent de perdre leur emploi ou viennent de le perdre? "C’est une déchirure, c’est clair, reconnait-elle. Quand on a passé de nombreuses années dans une entreprise, le licenciement est une véritable blessure. Mais c’est surtout un livre qu'il faut fermer. Il faut pouvoir le faire pour en rouvrir un autre. J'ai vu de belles reconversions. Des ex-collègues qui sont devenus indépendants ou bien se sont reconvertis dans une autre activité".
Mais serait-ce aussi une question de personnalité? "Oui, tranche Patricia. Moi, je n'abandonne jamais. Il ne s’agit pas d’être optimiste, mais plutôt de croire en soi malgré le passage à vide. Je conseillerai de faire son deuil, d’accepter que ce que l’on a vécu, on ne le vivra plus, puis de croire en soi et se dire qu'il faut recommencer et se donner les moyens et la chance d'y aller. Montrez ce que vous avez dans les tripes aux employeurs dont vous croisez le chemin, n’ayez pas peur!".
Si Patricia a tant de volonté, c'est parce que des enfants malades lui ont montré ce qu'était la persévérance et l'espoir
Mais où trouve-t-elle la force?, se demande-t-on. A cette question, Patricia répond qu'elle a une source d'inspiration: les enfants malades auprès desquels elle agit en tant que bénévole pour l'association de Justine Henin, "Justine for kids". "Mon engagement bénévole dans cette association caritative m'a fait ouvrir les yeux, confie Patricia. J'ai vu de petits bouts se battre contre un cancer. Ces enfants et leur famille traversent de vrais problèmes, vivent de vraies douleurs, les maladies qui surviennent dans l'enfance sont très difficiles. Ces enfants m'ont appris à relativiser les priorités dans la vie. Leur combat face à la maladie m'a montré qu'il ne fallait jamais baisser les bras".
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