Plusieurs internautes ont contacté la rédaction de RTL info après avoir lu et entendu parler de l'hantavirus, qui serait une nouvelle épidémie en Chine, parallèle à celle du coronavirus. Nous avons mené l'enquête et il s'agit bien d'un cas isolé. Explications.
Le coronavirus en Belgique (voir les dernières infos) et dans le monde fait l'objet de nombreuses questions, de rumeurs infondées, de fake news (informations délibérément trompeuses dans le but de manipuler l'opinion).
Certaines d'entre elles sont adressées à la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous. Inquiets, quelques internautes nous ont parlé d'une autre épidémie. "Hantavirus: un autre virus sévit en Chine et fait sa première victime", écrit Michel. "Une rumeur circule sur le net au sujet d’un nouveau virus, apparu en Chine (encore). Il s’agit du hantavirus", confirme un autre internaute. "Est-ce que cela voudrait dire ce nous somme pas au bout de nos peines?", nous demande Selina.
D'où vient l'information ?
Quelques sites web français, certains sérieux (Cnews) et d'autres plus exotiques (ze-mag), ont évoqué fin mars la mort d'un homme touché par l'hantavirus. L'information vient en réalité d'un média indien (The Economic Times), qui appartient à Times Internet, la plus grosse entreprise de production numérique en Inde.
L'article (voir la version en anglais) n'a rien d'alarmiste et évoque la mort, sur base d'un rapport interne, d'un homme de la province de Yunnan (sud-ouest de la Chine). Il est mort d'une maladie causée par l'hantavirus, alors qu'il se trouvait dans un bus dans la province de Shandong (est de la Chine). L'article précise également que les passagers ont été testés, et non qu'ils ont été contaminés.
Rien ne laisse penser que The Economic Times ait inventé cette histoire. Le titre de l'article est d'ailleurs devenu: "Qu'est-ce que l'hantavirus et comment se propage-t-il?", preuve que le média indien ne cherche pas du clic à tout prix avec un titre effrayant.
En Europe, ils sont moins virulents
Qu'est-ce que l'hantavirus ?
Pour répondre à cette question, on s'est tourné vers un organisme que vous connaissez désormais plutôt bien en Belgique: Sciensano, l'institution née en 2018 de la fusion de l'Institut Scientifique de Santé Publique (ISP) et du Centre d'Etude et de Recherches Vétérinaires et Agrochimiques (CERVA).
"Les hantavirus sont des virus appartenant à l'ordre des Bunyavirales, famille des Hantaviridae, genre Orthohantavirus", précise cette fiche. "Il existe de nombreux types d’hantavirus qui diffèrent de par leur répartition géographique, leur virulence et la clinique (effets sur la santé) qu’ils provoquent".
En Amérique "les hantavirus sont les agents causals de la fièvre hémorragique avec Syndrome Pulmonaire à hantavirus (SPH)", qui est potentiellement mortel (détresse respiratoire, œdème).
Mais en Europe et en Asie, "les hantavirus (Puumala orthohantavirus, Dobrava-Belgrade orthohantavirus, Hantaan orthohantavirus, Seoul orthohantavirus, …) causent la fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR), ils ne se transmettent pas entre hommes, et sont, en général, moins virulents qu’en Amérique", précise Sciensano. On se rapproche plus d'une grippe intestinale, mais il peut y avoir des complications, comme c'est le cas pour de nombreuses maladies.
A l'heure actuelle, il n'existe pas de traitement spécifique pour le FHSR, à part bien sûr un suivi médical en cas de complication. Des vaccins sont à l'étude depuis plusieurs années en Europe (l'Hantavax n'a été homologué qu'en Corée et en Chine).
Notez que les anticorps restent très longtemps dans l'organisme d'une personne qui guérit (des décennies après l'infection): l'immunité d'une personne est pratiquement acquise à vie.
L'Homme est un "hôte accidentel"
Comme l'a précisé Sciensano, le virus ne se transmet pas d'un Homme à l'autre, l'Homme est donc un "hôte accidentel". En réalité, les hantavirus sont propagés par certains petits rongeurs, qui font office "d'animal réservoir". Selon les régions, il s'agit de souris, de rats, de campagnols ou de mulots.
Mais comment l'homme peut-il attraper ce virus, alors ? "La transmission du virus aux humains se produit presque exclusivement par voie aérienne, par l'inhalation d'aérosols infectieux (ex. poussières contaminées) provenant des excrétas de rongeurs (excréments, urine, salive). Moins fréquemment, la maladie peut également être transmise par contact direct des muqueuses ou de lésions cutanées avec des matières infectieuses. Elle se produit plus rarement par morsure de rongeurs (via leur salive qui contient le virus) et par la consommation d'aliments ou d'eau contaminés. La transmission de personne à personne n’a jamais été rapportée pour les hantavirus circulant en Europe", répète Sciensano.
Quelle est l'incidence de l'hantavirus en Europe et en Belgique ?
Les cas d'hantavirus dans nos régions sont rares. La catégorie la plus touchée est l'homme âgé entre 45 et 64 ans: 1,2 cas pour 100.000 personnes (chiffres pour l'Europe, en 2015) :
En Belgique, en 2015, 66 cas seulement ont été signalés. Mais en 2017, il y a une recrudescence dans notre pays: 161 cas, principalement dans les régions proches de la France, où le virus était aussi en hausse. On est alors monté à 1,4 cas par 100.000 habitants. A titre de comparaison, la grippe saisonnière, c'est souvent 300 cas par 100.000 habitants dans nos régions, lors des pics annuels.
En conclusion: ces articles évoquant un mort en Chine du à l'hantavirus ne sont a priori pas des fake news, mais certains médias tirent leurs propres conclusions, soulèvent des questions au lieu d'expliquer, ce qui peut mener à des interprétations alarmistes de la population. Il y a eu quelques rares cas mortels dans le monde ces dernières années (dont un en Chine récemment), mais l'hantavirus ne se transmet que du rongeur à l'homme, ce qui limite grandement sa propagation. Cependant, comme nous sommes en pleine crise de coronavirus, l'information est relayée plus qu'elle ne devrait l'être.
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