Esthéticienne indépendante depuis quinze ans, Aurélie a fermé les portes de son centre d'esthétique il y a plusieurs semaines. Alors que la phase 1A du déconfinement a été confirmée pour le lundi 4 mai, elle se pose de nombreuses questions sur l'avenir de son activité. Aurélie nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. "On ne parle pas assez des esthéticiennes et il y a peu d'informations. Pouvez-vous nous éclairer?", nous a-t-elle demandé.
Quand les centres de beauté pourront-ils rouvrir? Quelles mesures leurs seront imposées pour les mois à venir? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles nous avons cherché à répondre.
Aurélie a transformé son activité pendant le confinement
En octobre prochain, cela fera 15 ans qu'Aurélie Dautrebande s'est lancée comme esthéticienne indépendante à Havelange, près de Ciney en province de Namur. "C'est une passion depuis que j'ai depuis mes 12 ans. J'aime le contact avec les gens, le sourire que les personnes ont quand elles ressortent après un soin", confie notre témoin.
Mais depuis la mi-mars, l'activité d'Aurélie est complètement à l'arrêt. Jeune maman, elle en profite pour passer du temps avec son bébé de sept mois. "Heureusement qu'il est là, il nous oblige à nous lever et à bouger!", plaisante-t-elle. Et pour garder ce contact si important pour Aurélie, elle tente de maintenir son activité via internet. "Je fais des vidéos pour donner des conseils à mes clientes. Je réponds à leurs questions. Pour moi ça fait du bien de garder le contact humain", confie Aurélie.
Sur le plan financier, l'indépendante parvient à résister à la crise… pour le moment. "Pour l'instant ça va, je ne peux pas me plaindre. L'Etat respecte ses promesses, j'ai pu avoir la prime wallonne de 5.000 euros et le droit passerelle", explique Aurélie. Le droit passerelle est une prestation mensuelle du fédéral. Elle est de de 1.614,10€ avec charge de famille ou de 1.291,69 euros sans charge de famille. "Mais il ne faudrait pas que ça dure deux mois!", ajoute Aurélie. Car pour notre esthéticienne, le confinement tombe au pire moment.
C'est souvent maintenant que je fais mes réserves pour l'hiver
"Pour moi, les gros mois, c'est avril, mai, juin et décembre. Là j'ai déjà perdu avril et je vais perdre une grande partie de mai. Et pour juin je ne sais pas dans quelles conditions on va travailler", explique notre témoin. "Peut-être que s'il y a moins de départs en vacances ça pourra compenser… A moins que la crise ne pousse les gens à faire des économies. Je ne sais pas quoi penser, c'est difficile à prévoir notre avenir. Mais en général, c'est un métier qui marche au beau temps, avec les départs en vacances. C'est souvent maintenant que je fais mes réserves pour l'hiver", précise Aurélie.
J'ai beaucoup de demandes de rendez-vous, même si rien n'est encore décidé
D'ailleurs, la jeune maman nous dit recevoir de nombreux appels de ses clientes. "Elles sont persuadées qu'on pourra rouvrir le 18 mai, lors de la deuxième phase du déconfinement. Donc j'ai déjà beaucoup de demandes de rendez-vous, même si rien n'est encore décidé", indique Aurélie. "Et puis, je me demande quelles seront les mesures à respecter. Dans mon cas, je suis spécialisée dans les massages. Mais si on impose le port de gants obligatoire, je trouverais ça difficilement applicable pour des massages. C'est aussi pour en savoir plus sur les mesures que je vous ai contactés", nous confie-t-elle.
Réouverture des centres d'esthétique le 18 mai en discussion
Pour tenter de répondre aux questions d'Aurélie et du secteur en général, nous avons tout d'abord contacté les services fédéraux. Que vont-ils nous dire?
Du côté du Service public fédéral (SPF) Intérieur, on nous explique qu'un arrêté royal est sur le point d'être publié prochainement pour clarifier la situation. Néanmoins, "pour les centres esthétiques, il y a beaucoup de contact avec les clients, donc ça ne sera ni pour le 4 ni pour le 11 mai", nous dit-on.
Nous joignons le centre de crise pour tenter d'en savoir davantage. "La réouverture des centres de beauté est en pourparlers pour le 18 mai. Mais il faudra voir l'évolution sanitaire. Nous ne savons pas non plus quelles seront les conditions de réouverture. Cela devrait se préciser peu avant le 11 mai", nous répond-on.
Nous avons également tenté de contacter le SPF Santé, mais sans succès.
Face à cette incertitude, dirigeons-nous vers l'Union Nationale des Esthéticiennes de Belgique (UNEB).
Une semaine déterminante
La présidente de l'UNEB a pu nous dévoiler le planning des jours à venir. "Le mardi 5 mai, nous avons une commission paritaire avec les coiffeurs et les centres de fitness (ndlr: ils font partie de la même commission paritaire 314 avec les centres de beauté). Il y aura également les partenaires sociaux. Ensemble, nous définirons les mesures pour encadrer un déconfinement dans nos secteurs", nous précise Laurence Wuylens.
La présidente de l'UNEB nous indique qu'elle sera ensuite en contact avec les cabinets de Willy Borsus, ministre wallon de l'Economie, et de Denis Ducarme, ministre fédéral des Indépendants. "Avec le ministère de la Santé, nous avons peu de contacts. C'est problématique car ça complique notre capacité de réponses aux questions des professionnels", commente Laurence Wuylens.
Le secteur a en ligne de mire le 18 mai. C'est la date prévue pour la phase 2 du plan de déconfinement. Voici d'ailleurs ce qu'indique le plan: "Il sera examiné si et sous quelles conditions les professions impliquant des contacts physiques (comme les coiffeurs) peuvent reprendre leurs activités".
Dans cette perspective, les jours qui viennent seront déterminants. "Le but est de présenter des mesures convaincantes aux cabinets. Je représente notre secteur, donc je pense aux difficultés financières des 8.000 esthéticiennes indépendantes belges, mais aussi à leur santé et à celles des clients", commente Laurence Wuylens.
Voici les premières propositions de mesures du secteur pour les centres de beauté
Pour tenter de répondre à la fois aux exigences sanitaires et économiques, l'Union Nationale des Esthéticiennes de Belgique a établi un plan d'action. Même si ces dispositions doivent encore être débattues et validées, voici un aperçu de ce qui est proposé du côté de l'UNEB.
Avant l'arrivée au centre de beauté
L'UNEB propose de privilégier la prise de rendez-vous par téléphone ou email, de vérifier les antécédents médicaux du client. Il est aussi indiqué de demander au client d'être attentif à son hygiène corporelle, de se laver les mains avant de venir, d'utiliser le gel hydro-alcoolique avant d'entrer, de ne porter aucun bijou et de s'habiller sobrement avec des sous-vêtements pratiques.
Sur l'hygiène de l'esthéticien(ne)
D'après les dispositions proposées, l'UNEB recommande d'être en bon état de santé, de vérifier son état de fatigue s'il est anormal et d'être en mesure de gérer le stress.
Concernant l'hygiène corporelle, elle doit être irréprochable. Pas de bijoux ni faux ongles ou vernis. Les mains doivent être soignées, lavées et frictionnées au gel hydro-alcoolique. Le professionnel doit changer de vêtements dans un vestiaire avant toute manœuvre.
La tenue professionnelle doit être changée et lavée tous les jours, avec des manches courtes et sans gilet. Les chaussures doivent être fermées, lavables et pouvant être désinfectées.
Organisation et hygiène des différentes zones
L'UNEB recommande de prendre des rendez-vous espacés pour être en mesure de nettoyer le matériel et les locaux ainsi que de poser les gestes d'hygiène personnelle entre chaque client.
Les zones de l'établissement devraient être séparées et prévues pour éviter que des clients ne se croisent ou attendent, et limiter les contacts avec des surfaces (poignées, etc.). Les produits à tester ne seraient plus à la disposition de la clientèle. Pour le comptoir, il serait demandé d'installer un écran de protection (plexiglass ou vitre en verre). Le paiement se ferait par carte bancaire ou virement bancaire.
Nettoyage et désinfection des locaux et des surfaces
L'UNEB recommande d'apporter une attention toute particulière sur le nettoyage et la désinfection des locaux et surfaces. "Organiser un programme de nettoyage donnant la priorité aux surfaces, poignées, boutons, téléphone, sanitaires… Porter une attention particulière au poste de travail : endroit de travail, chaise mais aussi les équipements de travail tels que spatules, brosses, limes...", précise l'organisme.
Il serait demandé de ne prévoir que le matériel nécessaire dans chaque zone et de rendre chaque collaborateur responsable de son propre matériel. Un kit de soins individuels pourrait être proposé à chaque client. "Dans ce cas, il serait préférable que l'esthéticienne garde le kit dans un espace de stockage pour s'assurer du respect des mesures d'hygiène durant le stockage", précise Laurence Wuylens.
Equipement de protection individuelle:
- Tenue vestimentaire.
- Lavage et désinfection des mains.
- Port de gants.
- Port de masque.
- Lunettes de protection, visière.
- Charlotte.
- Sur-chaussures.
Précautions dans la pratique des soins du visage:
- Garder le plus de distance possible entre vous et votre cliente.
- Se laver les mains avant de prodiguer le soin à la cliente et entre chaque étape du soin.
- Porter des gants lors de l’épilation.
- Massage visage : se tenir plus loin qu’habituellement. Eviter de se toucher.
- Utilisation d’une spatule pour prélever chaque produit.
- Préparer les produits à l’avance, en petite dose.
- Utilisation de gants jetables.
- Proscrire l’emploi d’éponges lavables.
Précautions en matière d'épilation:
- Prélever de la cire dans la coupelle.
- Employer une spatule à chaque application.
- Ne pas replonger la spatule dans le pot.
- Port de gants.
- Désinfection de la table.
- Housse jetable ou les essuies propres.
- Emploi de Kleenex.
- Cliente douchée et mains et pieds doivent désinfectés.
- Ne pas employer le même pot de cire pour plusieurs clients.
- Privilégier des petits pots de cire individuels nominatifs.
Précautions en matière de maquillage:
- Port du masque et des gants pour maquiller sa cliente.
- Lavage des mains de la cliente avant d’être maquillée.
- L’esthéticienne se lave et se désinfecte les mains avant et après le maquillage.
- Le poste de travail et les ustensiles doivent être nettoyés et désinfectés.
- Les crayons sont taillés- aucun matériel n’est confié au modèle ni déposé sur les genoux.
Précautions en matière de soins du corps:
- Pieds désinfectés via la douche ou pédiluve mis à disposition et ce dès l’arrivée de la cliente.
- Pour prévenir les risques de contamination : Gants, peignoir, paréo, matériel à usage unique.
- Entre chaque client, nettoyage, désinfection de la douche, du sol, du mobilier et élimination des déchets ainsi que changement complet du linge.
- Table nettoyée et désinfectée.
- Les essuies de la cliente doivent être propres et des rouleaux de Kleenex doivent être utilisés pour protéger la table. Une housse de protection jetable peut aussi être utilisée.
- Essuis lavés entre chaque cliente.
- Si un coussin est utilisé : protégé avec un Kleenex.
Précautions en matière de pédicure et manucure (entre autres):
- Table manucure désinfectée et nettoyée entre chaque client et avant de commencer la manucure.
- Kleenex posé sur la table.
- Eventuellement : plexi dont le bas présenterait une ouverture permettant de laisser passer les mains de la cliente. La praticienne quant à elle, doit évidemment porter un masque.
- Ecran de protection, masque, gants et visière.
- La cliente devra porter un masque.
- Ne pas se toucher le visage pendant la réalisation du soin.
- Instruments décontaminés par immersion dans un stérilisateur à billes de quartz entre deux soins, avant et après utilisation.
- Les bâtonnets doivent être à usage unique.
Surtout ne pas se toucher le visage durant un soin et faire attention aux cabines
Parmi ces recommandations, Laurence Wuylens nous rappelle deux mesures basiques mais primordiales. "Surtout ne pas se toucher le visage. Si on fait un massage du corps et qu'on se touche les cheveux ou le visage, c'est une catastrophe. Et surtout respecter les mesures d'hygiène dans les cabines. Par exemple ne pas rentrer avec les chaussures", explique-t-elle.
La présidente de l'UNEB concède cependant que certaines mesures peuvent être variables. "Les gants, ce n'est pas forcément obligatoire. Regardez les médecins, quand ils rencontrent des patients, ils n'en utilisent pas toujours. Mais ils se lavent très souvent les mains, surtout juste avant et juste après un contact. C'est la même chose en matière de soins de beauté", précise Laurence Wuylens.
Pour conclure, Laurence Wuylens rappelle que malgré les nombreuses dispositions envisagées, "ce sera avant tout la situation sanitaire et l'évolution de l'épidémie qui déterminera une réouverture des métiers de contact, comme les centres de beauté, le 18 mai".
Vous avez des questions pratiques sur le coronavirus ou une mesure du (dé-)confinement? Vous pouvez :
- Appeler le 0800/14.689
- Consulter la page questions/réponses de Info-coronavirus.be
Vos commentaires