Elles font beaucoup parler d'elles sur la toile en ce moment: des araignées "géantes", qui seraient "aux portes de la Belgique". Vous êtes nombreux à nous avoir fait part de votre inquiétude. Mais celle-ci est elle justifiée? Nous nous sommes renseignés auprès de spécialistes.
Vous êtes nombreux à nous avoir signalé la présence d’araignées chez vous ces dernières semaines, photos à l’appui. "Les araignées sont de plus en plus grosses, cela fait très peur. Que se passe-t-il pour qu'il y ait autant d'araignées à Bruxelles ?", nous écrit Sanae via la page Alertez-nous. Encore il y a quelques jours, Bryan nous disait avoir vu ce qu’il pensait être une araignée géante à Châtelineau. Fin août, Stéfanie de Beauraing nous disait avoir également trouvé l’un de ces arthropodes chez elle, et nous demandait: "Je voudrais savoir si c'est la fameuse araignée dont on parle, celle qui viendrait de Calais ?".
S'agit-il de l'"araignée de Calais"?
Beaucoup d’entre vous mentionnent cette fameuse "araignée de Calais", qui n’a pourtant rien de particulièrement ch’ti. Vous faites sans doute référence à cet article, publié par nos confrères de la Voix du Nord, qui relate l’histoire d’un commerçant qui n’a pas su quoi faire face à l’insecte de huit centimètres de long, et a appelé les pompiers pour le déloger.
Dans la foulée, des articles affolants, annonçant que cette araignée géante était "aux portes de la Belgique", ont agité les internautes. De Walcourt à Seraing, en passant par Bruxelles, vous nous avez fait parvenir vos clichés...
"Voilà ce que nous venons de trouver dans une de nos chambres! L'araignée géante. Je pense que c’est une de ces espèces. Elle était effrayante et si grosse!" -
Elodie, de Walcourt
"Voici l'araignée que j'ai trouvée. Il me semble que c'est l'araignée géante que vous avez parlé y a pas longtemps. L’araignée qui était aux portes de la Belgique." -
Bryan, de Châtelineau
"Découverte de l'araignée qui vient d'arriver en Belgique." - Zakariya, de Bruxelles
"L'araignée géante dont tout le monde parle depuis 1 mois est à Seraing. En effet, je suis tombé nez à nez avec cette impressionnante araignée hier soir dans ma salle à manger." -
Vincent, de Seraing
Nous avons soumis ces photos à des spécialistes. Arnaud Henrard est doctorant en biologie, il consacre sa recherche aux araignées à l’UCL et au sein du Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC). C'est d'ailleurs lui qui a découvert l'"araignée tournoyante" en Belgique, dont nous vous parlions cet été. Selon lui, il est difficile d’identifier précisément ces animaux sans les examiner à l’aide d’une loupe grossissante. Mais au premier coup d’œil, il peut affirmer qu’il s’agit d’un genre tout à fait classique dans nos contrées, et que l’on peut croiser régulièrement dans nos régions, à savoir des araignées du genre "tégénaire".
Faut-il s'inquiéter?
Sur la photo publiée par la Voix du Nord, à l’origine de cette arachnophobie collective, il s’agit très probablement d’une tégénaire "géante", la plus impressionnante par sa taille, et pourtant très commune dans toute l’Europe de l’Ouest. D’après M Henrard, l’angle de la photo accentue l’impression de grandeur. Inutile donc de s’inquiéter: la présence de cette "bestiole" n’a rien d’anormal, elle ne s’apprête pas à nous envahir, puisqu’elle habite déjà chez nous, tant dans les campagnes que dans les villes.
Ce sont surtout ses pattes qui sont imposantes: "Le corps en lui-même dépasse rarement 1,5cm", explique le biologiste. Mais au total, on peut obtenir une envergure allant jusqu’à 13cm. Parmi les photos que vous nous avez envoyées, il y a surtout d’araignées domestiques, très communes, qui vivent la plupart du temps dans nos caves.
Pourquoi aiment-elles tant nos salles de bain?
Ce qui est interpellant, c’est la période à laquelle elles ont commencé à apparaître. Cette année, elles sont un peu en avance, on a donc commencé à les voir dès la fin du mois d’août, au lieu du pic habituel en septembre-octobre. Les araignées que l’on peut observer sont des mâles qui quittent leur toile pour chercher une femelle avec qui s’accoupler, nous explique Vincent Louwette, formateur nature et spécialiste des araignées dans l'association Natagora: "Les mâles vont remonter des caves ou des jardins, rentrer dans des pièces sombres, souvent humides, là où ils pensent trouver une femelle. Par exemple la salle de bains, la nuit, ça tombe souvent dans les éviers et les gens prennent peur".
Comment reconnaître un mâle d’une femelle?
On peut distinguer assez facilement un mâle d’une femelle, grâce aux pattes: "Les mâles sont souvent beaucoup plus fins et ont des pattes beaucoup plus allongées que les femelles. Elles, restent dans les caves, dans leurs toiles, toute leur vie. Elles sont plus grosses et plus trapues", explique M Louwette.
Les dames araignées vivent facilement deux ou trois ans. "On peut donner des noms aux femelles araignées dans sa cave si on veut", plaisante le spécialiste. Les mâles vivent moins longtemps, puisque dès qu’ils sont adultes et qu’ils ont leurs organes copulateurs, ils quittent leur toile et partent à l’aventure pour rencontrer une partenaire. Après l’accouplement, ils vont mourir. On peut dire en moyenne qu’un mâle vit une année.
Ces araignées sont-elles dangereuses pour nous ?
Ces araignées ne sont pas agressives. "Il faut vraiment vouloir la prendre et la pincer par les pattes par exemple, là elle peut avoir un réflexe de vouloir mordre", explique M Henrard. Mais même si elle le voulait, elle n’y parviendrait pas: "une étude a montré que la plupart des araignées en Belgique sont mécaniquement, physiquement, incapables de nous transpercer la peau", ajoute-t-il. Même son de cloche du côté du spécialiste de Natagora, qui ajoute que la très faible probabilité de morsure pourrait se produire dans la peau fine, entre les doigts par exemple, mais que ce n’est pas dangereux pour l’homme.
Elles sont utiles dans nos maisons
Nous avons demandé, après avoir reçu vos photos, quel a été votre réflexe en voyant ces arachnides. Intrigués, vous ne les avez pas écrasés pour autant, et vous avez bien fait. Les araignées ont un rôle à jouer dans nos maisons: "Il suffit de regarder une toile d’araignée de tégénaire, on va y voir souvent des cloportes, des petites bêtes que les gens n’aiment pas forcément. Elles nettoient un peu la cave. On voit souvent des moustiques, des mouches ou toutes sortes d’insectes. Elles ont un rôle de nettoyeur", explique le spécialiste de Natagora.
Deborah Van Thournout (@debvant)
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