Un conducteur et le passager qui filmait ont amené leur voiture à une vitesse de 230 km/h sur une autoroute dans les environs de Charleroi. Objectif: montrer à un acheteur potentiel de quoi était capable le bolide. La vidéo a été postée sur Facebook. "Un comportement stupide", résume l'Institut belge pour la sécurité routière qui donne deux chiffres: 264, soit le nombre de mètres pour arrêter ce véhicule. Et 63, le nombre d'étages d'un immeuble dont il faut tomber pour atteindre la violence d'un choc à 230 km/h.
Les images d'un comportement inconscient sur la route sont parvenues à notre rédaction, via la page Alertez-nous, avec ce commentaire de l'expéditeur: "Un fou du volant se filme sur Facebook à 230 km/h sur la région de Charleroi". Sur la vidéo, on observe effectivement un homme qui pousse, non sans fierté, sa voiture à cette vitesse démentielle authentifiée par le passager qui filme le compteur. Ces images ne provenant apparemment pas d'un profil Facebook public, nous avons décidé de flouter le visage du conducteur et de couper le son lorsqu'il parle afin qu'on ne puisse pas le reconnaître.
À l'écoute des déclarations du conducteur sur la vidéo, on en déduit qu'il souhaite vendre la voiture, une Megane RS, et veut montrer à l'acheteur potentiel "ce que ça raconte au niveau du compteur" selon sa propre expression. Le pilote, car il faut bien utiliser ce terme lorsqu'on atteint des vitesses propres à des compétitions automobiles, roule sur l'autoroute et s'adresse à la caméra: "On va faire une petite démo de ce que ça peut donner en départ arrêté. On va se poser tranquille et puis tu vas voir ce que ça raconte au niveau du compteur", dit-il. Il parait carrément s'arrêter sur la route. Le passager qui filme le presse de démarrer: "Dépêche-toi, y a une voiture qui arrive... Vas-y!" insiste-t-il.
La "démo" est lancée. L'aiguille des tours par minute se retrouve immédiatement dans le rouge, la voiture accélère, l'aiguille des vitesses trace, elle, progressivement son demi-cercle alors que le moteur vrombit. La voiture décélère légèrement alors qu'elle traverse un tronçon... avec des travaux. Puis elle repart de plus belle. "Et ça pousse, et ça n'arrête pas, et ça pousse, et ça pousse, et ça pousse... 210", décrit le chauffard qui finit par atteindre les 230: "Voilà, un petit 230, juste pour le plaisir!", commente-t-il avant de rapidement revenir à une vitesse plus faible, dépassant un peu plus loin une voiture.
Faut-il autoriser la vente de telles bombes automobiles ?
"Le plaisir", c'est aussi l'argument de vente de Renault pour sa RS. Par exemple, sur la page internet de la Mégane RS 275, le fabricant français évoque des "performances hors normes et sensations intenses" pour une voiture "pensée pour offrir un maximum de plaisir de conduite". Côté caractéristiques techniques, le constructeur est moins causant. Il ne communique ni la vitesse maxi ni le temps nécessaire pour atteindre les 100 km/h en démarrant à l'arrêt. Est-ce pour cette raison que le conducteur a voulu tester le véhicule ? Dans tous les cas, à la lueur de ces images et sachant qu'en Belgique environ 15.000 accidents sont provoqués chaque année par une vitesse excessive, on se pose la question de savoir s'il est vraiment opportun que les fabricants commercialisent, et que les responsables politiques autorisent, de telles bombes (tous les constructeurs en proposent) destinées à rouler sur des routes où la vitesse maximale est fixée à 120 km/h.
230 km/h: la distance de 2 terrains de foot pour s'arrêter
S'il est une évidence qu'une telle vitesse est extrêmement dangereuse, il est bon de le rappeler avec des chiffres et des comparaisons.
Au plus on roule vite, au plus la distance d'arrêt sera importante. Par distance d'arrêt, on entend la distance qu'il faudra à la voiture pour s'arrêter après que le conducteur aura vu un obstacle. La distance d'arrêt peut se décomposer en deux distances.
Il y a d'abord la distance de réaction, soit le nombre de mètres parcourus entre le moment où le conducteur voit le danger et le moment où il appuie sur la pédale de frein. On peut calculer cette distance en fonction de sa vitesse sur le site Permisdeconduire-online.be. À 120 km/h, la distance est de 36 mètres. À 230 km/h, elle atteint 69 mètres.
Vient ensuite la distance de freinage, c'est-à-dire le nombre de mètres parcourus entre le moment où on appuie sur la pédale de frein et le moment où la voiture s'arrête. À la vitesse maximale autorisée sur nos autoroutes, il faudra 72 m pour que la voiture stoppe. À 230 à l'heure, 264 m seront nécessaires.
Au total, selon Permisdeconduire-online.be, il aurait fallu 343 mètres au conducteur de la RS pour s'arrêter s'il avait aperçu un obstacle. L'IBSR (Institut belge pour la sécurité routière) nous a, pour sa part, indiqué 245 mètres. C'est moins mais ça reste, comme le compare Benoit Godart, le porte-parole de l'institution, l'équivalent de deux terrains de football! Plus encore que les chiffres, un spot de l'institut de la sécurité routière en France (à voir ci-dessous, ainsi qu'un spot de l'IBSR) revient de façon effrayante sur la distance d'arrêt qui est souvent plus longue que ce qu'on peut penser.
230 km/h: choc = chute du 63e étage d'un immeuble
À la vitesse de 230 km/h, si le conducteur ne peut éviter l'obstacle, la violence du choc est inouïe. Benoit Godart nous livre une comparaison particulièrement frappante. "Pour ce qui est du choc en cas d'impact contre un mur par exemple, cela équivaudrait à une chute du… 63e étage d'un immeuble. Pour info, le Sheraton à Bruxelles ne compte que 30 étages ! Autant dire qu'il ne restera que des miettes de la voiture et de ses occupants", décrit le porte-parole de l'IBSR.
Enfin, il est bon de préciser que s'il avait été surpris par la police ou flashé par un radar, le conducteur aurait été déchu du droit de conduire et aurait comparu devant un tribunal...
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