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La polio est presque éradiquée grâce à la vaccination: "Enfin un message positif en cette période de Covid"

Grâce à la vaccination, la polio est presque éradiquée: "Enfin un message positif en cette période de Covid"
 
 

Ce samedi, c’est la journée mondiale de lutte contre la polio. L’occasion pour le Rotary, qui lutte activement contre cette maladie mortelle dans le monde avec l’Unicef et l’OMS, de rappeler que d’autres maladies mortelles que le Covid-19 sont en passe de disparaître grâce à la vaccination.

La poliomyélite, plus couramment appelée polio, c’est surtout deux choses pour la plupart des Belges. D’une part des photos de personnes aux jambes difformes, marchant avec des béquilles. D’autre part un vaccin, dont on n’a que peu de souvenirs car le dernier rappel est à 6 ans, mais qui est le seul obligatoire dans la loi belge.

Et effectivement, chez nous, c’est presque de l’histoire ancienne. Si en 2011, 700.000 personnes souffraient toujours de séquelles dues à la polio en Europe de l’Ouest, le dernier cas endémique en Belgique date de 1979, le dernier cas importé remonte à 1989 et le dernier cas dérivé d’un vaccin (on y reviendra) date de 1999.

Pourtant, certains en Belgique se préoccupent toujours de la maladie. C’est le cas de Xavier Demoisy, directeur de soins dans un hôpital du Grand-Duché du Luxembourg et coordinateur du programme PolioPlus du Rotary pour la Wallonie et le Luxembourg : "Je fais le relais entre le programme géré par le Rotary international et les différents clubs de nos 4 districts", explique-t-il.

Il nous a contacté via notre bouton orange Alertez-nous car il souhaitait passer un message de santé positif dans une actualité dominée par la deuxième vague de Covid. Ce message, c’est que "la polio peut être éradiquée".

Une maladie qui paralyse à vie un enfant sur 200 qui la contracte

Qu’est-ce que la polio ?

La maladie est causée par le poliovirus. Elle est très contagieuse et se transmet surtout par voie digestive, par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par des matières fécales, et plus rarement par la salive ou les sécrétions nasales.

Le poliovirus prolifère dans l’intestin et dans la muqueuse pharyngée, et touche principalement les enfants.

Chez la plupart des personnes infectées (90 à 95%), elle ne cause aucun symptôme. Mais dans sa version aigüe (1 à 2% des cas), elle atteint la moelle épinière et cause des paralysies, le plus souvent des membres inférieurs. La paralysie est irréversible dans 0,5% des cas. Et le virus peut aussi toucher l’appareil respiratoire et provoque alors la mort (2 à 20% des cas de paralysie).

La polio est présente depuis des millénaires, avec des traces retrouvées en ancienne Egypte. Elle a été découverte en 1840 et depuis, a sévi dans le monde entier par épidémies, handicapant ou tuant des millions de personnes jusqu’à l’avènement d’un vaccin dans les années 60 après des années d’essais. L’amélioration des bonnes pratiques d’hygiène a également contribué au siècle dernier à en limiter la propagation.

Un programme mondial pour éradiquer la polio lancé en 1985

Qu’est-ce que le rotary ? Fondé en 1905 par un avocat de Chicago, l’association regroupe plus d’1,2 million de membres dans le monde, répartis en plus de 35.000 clubs. Chaque membre occupe ou a occupé un poste à responsabilité dans le milieu des affaires ou les professions libérales. Le Rotary s’est tourné au fil du temps vers l’éducatif et l’action humanitaire. Via sa fondation, qui vit uniquement des cotisations de ses membres et de dons, elle finance entre autre des bourses d’études, des échanges scolaires, des programmes humanitaires et le programme PolioPlus, lancé en 1985.

L’association avait débuté sa lutte contre la polio en 1979 aux Philippines en y vaccinant 6 millions d’enfants. En 1988, l’OMS centralisait le programme PolioPlus dans son "Initiative globale d'éradication de la polio", en collaboration avec l’Unicef. Cette année-là, le nombre de cas de polio dans le monde était encore de 350.000.

Depuis lors, ils ont vacciné plus près de 3 milliards d’enfants dans le monde. Le Rotary participe à la logistique de la livraison du vaccin via son réseau international de bénévoles sur le terrain, et finance l’opération avec la collecte de 50 millions de dollars par an.

Les imams passent des messages positifs pour demander à la population de se faire vacciner

Plus que 129 cas de polio "sauvage" en 2020

Et en cette année 2020, seuls 129 cas ont été recensés dans le monde, essentiellement au Pakistan et en Afghanistan. Pourquoi là ? "A cause des difficultés politico-géographiques. Les gens y bougent beaucoup en fonction des conflits et ils sont réticents à se faire vacciner. Le Rotary est parvenu à ce que les imams y passent des messages positifs pour demander à la population de se faire vacciner", explique Xavier Demoisy.

Depuis 1985, la transmission du virus a été stoppée dans pas moins de 194 pays. La polio a été éradiquée du continent américain en 1994, d’Océanie et du Pacifique occidental en 2000, d’Europe en 2002 et d’Asie du Sud-Est et d’Inde en 2014. L’OMS déclarait enfin la maladie par virus sauvage officiellement disparue d’Afrique le 25 août dernier.

Encore 464 cas de polio "dérivée d'une souche vaccinale"

"Sauvage" veut dire qu’il n’y a plus eu de contagion par un virus naturel. Par contre, il reste des contagions par des poliovirus dérivés d’une souche vaccinale.

Le vaccin oral contre la polio contient un polivirus affaibli qui active une réponse immunitaire du corps. Pendant que le virus affaibli circule dans l’intestin de l’enfant, son système immunitaire crée des anticorps contre lui et ce virus affaibli contenu dans le vaccin est excrété. Dans des conditions d’hygiène déficientes, ces excréments peuvent être en contact avec d’autres personnes. Chez des enfants en bonne santé, il agira alors à nouveau comme un vaccin.

Mais si ce virus de vaccin est affaibli, il peut redevenir actif si on lui laisse le temps de muter. Il faut à ce virus affaibli au moins 12 mois de circulation au sein d’une population non-vaccinée ou immunodéficiente (comme les malades du SIDA non traités, qui ne parviennent pas à produire suffisamment d’anticorps) pour subir des mutations génétiques et être capable de paralyser.

Les cas de poliovirus dérivé d’une souche vaccinale sont aujourd’hui plus nombreux dans le monde que ceux issus de virus sauvages. Cette année, 464 cas ont été rapportés. Toujours en Afghanistan (87) et au Pakistan (64), mais également en Afrique noire : Tchad (69), République démocratique du Congo (56), Côte d’Ivoire (33), Guinée (29), Soudan (23), Ethiopie (17), Burkina Faso (16), Ghana (12), Togo (9), Niger (7), Cameroun (5), Mali (5), Somalie (4), Angola (3), Soudan du Sud (3), Benin (2), République centrafricaine (2) et Nigeria (2). Ailleurs dans le monde, on a aussi enregistré 14 cas au Yémen, un en Malaisie et un aux Philippines.

La vaccination durera encore quelques années après l’éradication

Une souche déjà éradiquée retirée du vaccin 

Ces épidémies sont rapidement stoppées grâce à des campagnes de deux ou trois vaccinations successives. Et ces cas sont amenés à diminuer. En effet, il existe 3 souches du virus. Type 1 (celui qui provoque les épidémies actuelles), type 2 (éradiqué en 1999) et type 3 (éradiqué en 2012). Et selon l’OMS, 90% des cas d’infection par virus dérivé d’un vaccin se produisaient avec le type 2, éradiqué. Voilà pourquoi depuis 2016, le type 2 affaibli a été retiré des vaccins. Ceux administrés aujourd’hui ont donc 90% de chances en moins d’engendrer un virus dérivé.

Si ce risque de voir le virus se développer à partir du vaccin est un problème, il est ridiculement faible par rapport aux bénéfices de la vaccination. Premièrement, une population majoritairement vaccinée ne produit pas de virus dérivé. Deuxièmement, la vaccination a évité plus de 10 millions de cas en 20 ans. Les 464 cas par virus dérivé cette année ne représentent donc que 0,0009% de tous les cas évités cette année.

Encore plusieurs années pour éradiquer totalement la maladie

Mais pour pouvoir déclarer la poliomyélite totalement éradiquée, il faudra encore attendre plusieurs années. Il faudra premièrement que plus aucun cas sauvage n’ait été enregistré dans le monde, mais également plus aucun cas dérivé d’une souche vaccinale. Alors seulement, "il faudra une période de 3 à 5 ans pour que l’OMS la déclare éradiquée", note Xavier Demoisy. "Je pense que la vaccination durera encore quelques années après l’éradication. Et puis dans notre programme, on mène aussi diverses actions de surveillance dans les pays où la maladie a été éradiquée ces dernières années, via des analyses cliniques sur des dizaines de milliers d’enfants et des analyses d’eau."

C’est aussi pour cela qu’en Belgique aussi, on doit toujours faire vacciner nos enfants. "Tant que toutes les souches ne seront pas éradiquées dans le monde, les progrès incroyables faits contre la poliomyélite seront menacés", explique l’OMS.

Seul vaccin obligatoire en Belgique... où des procès sont intentés aux parents qui refusent

Mais chez nous comme au Pakistan ou en Afghanistan, les anti-vaccins sévissent. En Wallonie et à Bruxelles, selon la dernière enquête de couverture vaccinale réalisée par l’ONE en 2016, 7,7% des enfants ne reçoivent jamais la 4ème dose de vaccin contre la polio à 15 mois. Il est pourtant le seul obligatoire depuis 1966.

La vérification est simple : la preuve de vaccination doit être envoyée à sa commune avant que l’enfant ait eu 18 mois. Sans ça, la commune, la police locale et le SPF Santé publique envoient au moins 5 rappels et un procès-verbal. Sans réponse des parents après ces 6 avertissements, le dossier est alors transmis au parquet. Les parents encourent une amende de 150€ à 800€ et une peine de 8 jours à un mois de prison. Et chaque année, des centaines de dossiers aboutissent au parquet, qui peut poursuivre les parents comme ce fut le cas pour une jeune maman de Nassogne dont on avait relayé le jugement en 2016

Si on avait voulu mettre une puce dans les vaccins, ça serait fait depuis longtemps

Pourquoi la dernière rumeur sur une puce dans les vaccins contre le Covid est risible

Mais que dire aux anti-vaccin ? "Si on doit avoir une démonstration par l’absurde qu’on peut éliminer une maladie infectieuse, ça bien avec le vaccin contre la polio", estime Xavier Demoisy. "Ça demande du temps mais ça fonctionne. Il y a des pays dans le monde où on meurt encore de la rougeole. Donc la vaccination sauve des vies", rappelle-t-il.

Quant à la dernière rumeur à la mode arrivée avec l’annonce de futurs vaccins contre le Covid-19, il oppose "à titre personnel" un argument de poids aux conspirateurs. "Ceux qui ont peur d’une puce qui serait injectée avec le vaccin, j’ai envie de leur répondre que si on avait voulu le faire, on en aurait déjà mis dans les vaccins depuis longtemps !"

Les ressources contre la polio au service de la lutte contre le Covid-19

Enfin, pour revenir au Covid-19, il faut signaler que l’ "Initiative globale d'éradication de la polio" de l’OMS, du Rotary et de l’Unicef a mis en pause ses activités liées à la polio en avril dernier afin de mettre ses ressources humaines dans le monde à disposition de la lutte contre le coronavirus. Les moyens de surveillance de la polio et la gestion et conservation des vaccins a été maintenue. Pour le reste, "notre programme permet d’avoir accès à toute une population moins favorisée, pour passer les messages des gestes barrières ou distribuer des masques", explique encore le coordinateur du programme PolioPlus du Rotary pour la Wallonie et le Luxembourg. Même ici en Belgique, "énormément de clubs ont financé des masques".

Un des exemples des actions entreprises pour la collectivité par les Rotary Clubs et leurs plus de 10.000 membres en Belgique et au Luxembourg. "Les services clubs ne sont pas toujours bien perçus par la population car ils sont méconnus", regrette Xavier Demoisy, qui espère avoir pu quelque peu faire changer cette opinion en dévoilant le travail accompli pour éradiquer un jour la poliomyélite.

Sources chiffrées : AViQ, Sciensano, ONE, OMS et Rotary


 

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