Ikram est victime de la divulgation de son rapport médical sur les réseaux sociaux. Ce préjudice peut comporter plusieurs risques pour les personnes responsables de la divulgation de cette information personnelle.
"Mon dossier médical a été affiché sur le réseau social Snapchat par une blogueuse", nous a écrit Ikram via le bouton orange Alertez-nous.
Tout aurait commencé par du harcèlement sur les réseaux sociaux entre une blogueuse et l’une de ses abonnées, Ikram, jeune bruxelloise de 34 ans. "On s’est d’abord insulté sur les réseaux sociaux puis [la blogueuse] en a fait une affaire personnelle et elle m’a harcelée. Elle a affiché des photos de moi ainsi que celles de mes enfants mineurs sur ses stories", accuse la Bruxelloise. La blogueuse, suivie par plus de 65.000 personnes, a décidé alors de publier le rapport médical d'Ikram provenant d’un hôpital de la région bruxelloise. Une façon pour l’influenceuse de faire le buzz... "Pour moi, c’est inacceptable, c’est quand même quelque chose de très grave. Une partie de mon dossier médical circule sur internet", s'offusque la victime.
A l’heure actuelle, la Bruxelloise ignore toujours comment la blogueuse a pu se procurer ses documents. "Je n’arrive pas à comprendre comment ce rapport a pu fuiter de l’hôpital. C’est probablement un de ses abonnés qui le lui a envoyé".
Nous avons demandé une réaction par mail à la blogueuse mais nous n'avons pas reçu de réponse.
Suite à cette divulgation d’information personnelle, la famille d’Ikram n’aurait plus souhaité lui adresser la parole (les données médicales divulguées faisaient référence à une intervention sensible), une situation qui la contrarie beaucoup et qui accroît son sentiment d’injustice. "Je ne sais pas du tout comment je vais gérer cette situation", dit-elle, désemparée.
Mais que risquent les personnes responsables de cette divulgation?
La RGPD s’applique si cette personne est considérée comme un indépendant ou une société
Pour répondre à cette question, nous avons contacté nous-même un avocat spécialiste en matière de protection des données, Nicolas Hamblenne. "La personne qui divulgue des informations par rapport à la vie privé d’une autre personne sans son consentement porte atteinte à la vie privée de cette personne-là. La personne en question pourrait donc se retourner contre la personne qui a divulgué l’information et obtenir réparation de son dommage", nous a-t-il expliqué. De fait, le respect à la vie privée est un droit fondamental inscrit dans la charte des droits de l’homme. En outre, comme l’avocat nous l’a informé il s’agit de "données sensibles dans la mesure où c’est un dossier médical".
Dans le cas où une personne agit au nom de sa société, la RGPD (c'est-à-dire, le règlement général sur la protection des données) s’applique. "Si cette personne est considérée comme un indépendant ou une société, alors là il y a la réglementation du RGPD qui s’applique", nous a appris le spécialiste. Dans ce cas, l’indemnisation pourrait être importante. "Ça pourrait aller jusqu’à 4 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaire de la société en question". Néanmoins, le RGPD n’est pas applicable dans toutes les utilisations qui sont faites à des fins purement privées.
Afin que la victime puisse réclamer l’indemnisation de son préjudice, elle doit pouvoir le démontrer devant la justice. Pour ce faire, trois conditions doivent être remplies : il faut démontrer qu’il y a eu une faute, un dommage (qu’il soit moral ou financier) et prouver le lien causal entre la faute et le dommage (c’est-à-dire qu’on subit un dommage à cause de la faute d’une personne). Néanmoins, prouver son dommage n’est pas évident pour Nicolas Hamblenne : "Il faut le chiffrer mais c’est compliqué d’évaluer combien vaut cette atteinte à la vie privée".
La blogueuse pourrait ainsi être considérée comme une société si son activité lui fournit un revenu et si elle dispose bien d’un numéro d’entreprise. Pour l’instant, il n’existe pas encore de jurisprudence, le métier de blogueuse étant relativement récent.
Une violation du secret médical
Par ailleurs, outre l’utilisation des données privées, la personne ayant fourni le rapport médical a commis, quant à elle, une violation du secret médical. "Dans ce cas, il existe des risques de sanctions internes, propre à l’hôpital dans lequel la personne exerce son travail mais également des risques de sanctions externes, de la part de l’Ordre des médecins, comme c’est une faute grave. Toutefois, la sanction varie s’il s’agit d’une aide-soignante, d’un membre du personnel administratif ou d’un médecin", nous a informé Gisèle Stuyck, une avocate spécialisée dans le droit médical.
Il faut à présent déterminer de quel hôpital il s’agit. A l’heure où nous écrivons ces quelques lignes, l’Ordre des médecins mène une enquête pour évaluer la situation.
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