La méningite qu’Isaac a contractée à l’âgé de deux ans l’a rendu sourd profond. Il a subi une opération d’implants cochléaires rapidement après cet événement. Un dispositif qui lui permet d’entendre, mais n’agit pas comme un "coup de baguette magique". Isaac doit suivre de lourdes démarches pour retrouver la vie d’un petit garçon comme les autres.
Il y a quatre ans, le petit Isaac, deux ans à l'époque, a été touché par une méningite bactérienne. Une infection sévère qui peut avoir des conséquences dramatiques : séquelles graves ou décès. Ses parents l'ont amené aux urgences de l'hôpital Saint-Pierre à Bruxelles. Les symptômes de la maladie n’ont pas tout de suite été identifiés. C'est dans un deuxième temps que le diagnostic a pu être posé. Isaac s'en est sorti mais est devenu sourd. Des séquelles qui auraient peut-être pu être évitées, estime sa maman, Hannan. Elle nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour dénoncer une "injustice" et nous raconter les bouleversements qui ont découlé de cette maladie.
"Je voyais qu'au fond il y avait quelque chose qui n’allait pas"
À l’âge de deux ans, Isaac fréquentait une crèche de la place Meiser, à Schaerbeek. Un soir du mois de février, sa mère s'est rendu compte qu'il n'allait pas bien. Isaac vomissait et ne tenait pas debout. Aux urgences de l'hôpital Saint Pierre, la pédiatre a estimé qu'il s'agissait peut-être d'une "petite infection virale", "une gastro", rapporte Hannan. Ils sont rentrés chez eux, à Molenbeek, à contrecœur. "Je voyais qu'au fond il y avait quelque chose qui n’allait pas", confie Hannan. L'état d'Isaac empirait. Sa tête tombait. "Là on s’est dit 'ça y est, c’est la catastrophe. On est en train de passer devant quelque chose et le médecin ne l’a pas vu'".
L’état général d’Isaac a alerté la pédiatre
Le lendemain, de retour aux urgences de l'hôpital Saint Pierre, une autre pédiatre les accueille. "J’ai juste échangé avec elle comme j’avais échangé avec l’autre. Elle a lu dans mes yeux", raconte Hannan. Les symptômes de la méningite sont "aspécifiques", explique Julie Frère, infectiologue pédiatre au CHR de la Citadelle à Liège. "Chez les jeunes enfants, c’est de la fièvre, un enfant léthargique, abattu…", raconte-t-elle. "C’est surtout face à l’altération de l’état général qu’on est alerté", ajoute-t-elle.
Une ponction lombaire a détecté la maladie
Redoutant une méningite bactérienne, la pédiatre de l'hôpital Saint Pierre a administré des antibiotiques à Isaac. Le diagnostic a été révélé par une ponction lombaire, "une piqûre dans le dos pour aller chercher du liquide qui entoure notre cerveau, explique Julie Frère. Pour aller voir si, dans ce liquide, on retrouve des cellules qui défendent contre des infections et si on retrouve des signes d’inflammation". Isaac était atteint d'une méningite à méningocoques.
Qu'est-ce qu'une méningite ?
"C’est une infection qui aboutit à une inflammation et une infection des méninges. Les méninges, c’est l’enveloppe qui entoure le cerveau et notre système nerveux central", explique la spécialiste. Il faut distinguer deux grandes classes de méningite : virale et bactérienne. Les méningites virales sont beaucoup plus fréquentes et généralement beaucoup moins graves que les méningites d'origine bactérienne, indique Julie Frère. L'une ne nécessite qu'un traitement pour soulager la douleur, l'autre exige le recours à un traitement antibiotique pour tuer les bactéries.
Un vaccin recommandé, mais pas obligatoire
Le calendrier vaccinal de la Fédération Wallonie - Bruxelles recommande une dose de vaccin contre le méningocoque C à l'âge de 15 mois. "Normalement tous les nourrissons sont vaccinés", explique Julie Frère. "Le seul vaccin qui est obligatoire, c’est la polio. Les autres sont fortement recommandés, font partie d’un calendrier vaccinal, sont accessibles gratuitement pour les nourrissons et les jeunes enfants, mais ne sont pas obligatoires", ajoute-t-elle. "On ne m’a pas proposé de vaccins pour la méningite", dit pourtant Hannan. Il est possible que le pédiatre ne lui ait pas expliqué contre quoi son fils était vacciné, explique la pédiatre. Quoi qu’il en soit, "aucun vaccin n’est efficace à 100%", souligne-t-elle. On recense une centaine de cas par an de méningite à méningocoques en Belgique.
C’est une maladie qui évolue très rapidement, le microbe est agressif. Donc, les heures comptent
La surdité, une séquelle possible des méningites bactériennes
Une fois le diagnostic posé, Isaac a été placé en soins intensifs pendant une dizaine de jours. "Il était entre la vie et la mort. Il n’y avait plus qu’à attendre", raconte Hannan. "Ça commençait à péter dans sa tête. Il avait des énormes douleurs. Il tapait sa tête contre les barreaux", poursuit-elle. Un comportement pour lequel les médecins n'avaient pas d'explications.
Une prise en charge rapide est cruciale en cas de méningite bactérienne. "C’est une maladie qui évolue très rapidement. Le microbe est agressif. Donc, les heures comptent. Plus on va prendre en charge un enfant rapidement, lui donner son traitement rapidement, mieux son devenir est", explique Julie Frère.
L’oreille interne qui est proche du cerveau va être, par proximité ou contiguïté, atteinte par l’inflammation
Au bout de dix jours, Isaac a quitté les soins intensifs pour intégrer une chambre commune. "On s’est rendu compte qu'Isaac n’entendait pas parce qu’on essayait de lui faire écouter des musiques qu’il aimait bien", se souvient la maman. Une surdité confirmée par des examens auditifs et un examen IRM. La perte temporaire ou définitive de l'ouïe est en effet une des séquelles possibles d'une méningite bactérienne. "L’oreille interne qui est proche du cerveau va être, par proximité ou contiguïté, atteinte par l’inflammation, explique Julie Frère. La cochlée qui est un des organes des oreilles internes, est souvent la cible des microbes et de l’inflammation". Or la cochlée transforme les ondes sonores en information pour le cerveau. Les atteintes au niveau de l’audition arrivent donc "très vite", "dans les deux premiers jours de l’évolution des symptômes", précise la spécialiste.
Le méningocoque peut donner d’autres séquelles comme des lésions cutanées ou des lésions des extrémités. "On peut avoir des amputations, certains enfants peuvent perdre un doigt ou des choses comme ça", raconte Julie Frère.
"Il ne l’acceptait pas"
Devenu totalement sourd, Isaac restait désormais à la maison avec sa maman, enceinte de son troisième enfant. "Il se jetait, il se tapait la tête contre les murs. Il s’est ouvert l’arcade plusieurs fois", se souvient-elle. "C'était des crises de colère. Il ne comprenait pas pourquoi il n’y avait pas de sons et ne l'acceptait pas", explique-t-elle.
Isaac entend désormais grâce à des implants de cochlée
Hannan s'est vu proposer des implants de cochlée pour son fils. Isaac a été opéré d'une oreille, puis de l'autre. Ces appareils sont composés d'une partie externe qui analyse le son et le transforme en impulsions électriques et d'une partie interne qui distribue l'information codée au niveau des électrodes placées dans l'oreille interne. Ils permettent la communication orale mais nécessitent un apprentissage avec un orthophoniste et un audiologue.
Grâce à ses appareils, Isaac entend à nouveau, mais pas comme avant. "Quand on lui parle, il doit réfléchir à ce qu’on est en train de dire, il réceptionne et ensuite il donne une réponse. Ça lui demande un peu plus d’énergie qu’un enfant normal", explique sa maman.
Quelques mois après l'opération, Isaac a rejoint l'institut Montjois, à Uccle, qui dispense un enseignement pour enfants sourds et malentendants. Il y a appris la langue des signes. "J’ai suivi aussi des cours à ce moment-là", ajoute sa maman. Naturellement, Isaac a demandé à sa maman plus d’efforts et d’attention que ses autres enfants. "Il fallait tout lui expliquer quand on sortait, quand on allait quelque part. Il est toujours en questionnement. Il a toujours besoin d’être rassuré", explique-t-elle.
"Il a fallu qu’il soit fort, qu’il soit motivé"
Il y a deux ans, Isaac a rejoint une école primaire ordinaire. Une institutrice vient s'occuper de lui 4 heures par semaines pour s'assurer qu'il n'ait pas de lacunes. La classe n'est pas un contexte évident pour son audition. "Quand il y beaucoup du monde, donc beaucoup de bruit, il perçoit très difficilement, explique sa maman. Quand on l’appelle, il entend son nom mais il ne sait pas de quel côté ça vient. Du coup il est un peu perturbé", note-t-elle également.
Pour pallier ces difficultés, Isaac dispose depuis 2018 d’une aide à l’écoute supplémentaire : le professeur (ou la maman d’Isaac) porte un micro. Les sons sont transmis via bluetooth aux appareils cochléaires du petit garçon. Une avancée de la dernière génération de ces appareils.
Une logopède rend visite à Isaac en classe une fois par semaine. Il la voit également au Centre pour Handicapés sensoriels (CHS), à Uccle. Chaque mercredi, Hannan y emmène son fils. "Il a un gros problème au niveau de l’articulation. Quand il explique quelque chose, il y a un début mais il n’y a pas de fin. On essaye de travailler sur ça avec lui", explique sa maman.
Elle tient d'ailleurs à rendre hommage au personnel et aux parents qu'elle y a rencontrés, "des personnes magnifiques", dit-elle.
Pour qu'Isaac remonte la pente, "Il a fallu du temps, un encadrement, des démarches", souligne Hannan. "Il avait perdu le langage, il ne marchait plus. Il avait perdu l’équilibre. Ce n'était plus le garçon que je connaissais, il était perdu, éteint, confie-t-elle. Il a fallu qu’il soit fort, qu’il soit motivé. Il a su dépasser tous ces obstacles. Alors je me dis que je n'ai pas le droit de baisser les bras."
Quatre ans après cette nuit où tout a basculé, Hannan attend toujours une "reconnaissance" de la part de la première pédiatre qui n’a pas diagnostiqué la méningite de son fils. "Mon mari et moi n’arriverons pas à faire notre deuil tant qu'il n’y a pas eu de reconnaissance", dit-elle. "Ce que je n’accepte pas, c’est que si elle avait agi à ce moment-là, on n’aurait peut-être pas eu de séquelles". Hannan et son mari ont entamé une procédure judiciaire. Une expertise est en cours, nous indique leur avocat, tenu par le secret professionnel. Hannan aimerait-elle obtenir une indemnisation ? "Ce serait bien, mais ça ne va pas rendre l’ouïe de mon fils, ni compenser tous les efforts qu’il a faits".
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