Cela fait plus d’une trentaine d’années que Joëlle vit avec la maladie de Crohn. Comme beaucoup d’autres malades, son quotidien est rythmé d’incertitudes. Une maladie incurable mais surtout invisible, qui rend le statut de malade difficilement reconnu.
La maladie de Crohn fait partie du quotidien de Joëlle depuis longtemps. "C’est très difficile à vivre parce que j’ai des gastro-entérites en permanence. J’ai subi une opération suite à une occlusion intestinale et je dois maintenant prendre des médicaments à vie", raconte cette femme âgée de 53 ans. Diagnostiquée suite à une inflammation de l’œil il y a plus de 30 ans, elle suit aujourd’hui un traitement léger. Malgré son quotidien éprouvant, elle s’estime chanceuse de ne pas subir trop d’effets secondaires. "Un cas n’est pas l’autre, les réactions peuvent être très différentes. La maladie peut provoquer des problèmes oculaires, des problèmes de peau, des problèmes articulaires, des pertes de cheveux ou encore d’importantes pertes de poids. Dans mon cas, ce sont les articulations qui me font le plus souffrir" explique-t-elle. Le Professeur Olivier Dewit, gastro-entérologue à l’hôpital Saint-Luc à Bruxelles confirme: "Il n’y a pas qu’une seule maladie de Crohn. Il existe de nombreux cas de figure pour lesquels il faut adopter un traitement particulier."
Le patient peut contrôler la maladie par son régime alimentaire
Maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI), la maladie de Crohn touche aujourd’hui un grand nombre de personnes en Europe. Chez nous, on compte plus de sept nouveaux cas pour 100.000 habitants, chaque année. "Elle touche essentiellement les jeunes adultes entre 15 et 35 ans mais peut néanmoins se déclencher à tout âge et qui plus est, n’importe où entre la bouche et l’anus, ce qui fait vivre aux patients des périodes de poussées alternées de périodes de rémission" mentionne le Professeur.
Actuellement en phase dite de poussée, Joëlle ne travaille plus et supporte difficilement sa maladie. "Ça n’a jamais été simple au niveau de mon activité professionnelle car je travaillais dans l’enseignement. J’ai souvent été en arrêt maladie mais depuis sept mois, je suis reconnue comme invalide". Selon elle, il revient au patient de comprendre ce qui lui convient le mieux, ce que soutient aussi le professeur Dewit: "C’est souvent au patient de s’adapter à la maladie et de limiter les aliments qui favorisent l’activité de l’intestin. Ils peuvent donc d’eux-mêmes contenir les symptômes grâce à une alimentation très stricte". Cette affection auto-immune est incurable et, malheureusement, il est impossible de prévenir la maladie de Crohn. Ce n’est que lorsque celle-ci se déclare qu’elle peut être prise en charge, rapporte le Professeur.
On détecte la maladie chez Nathalie après qu'elle a perdu 15 kilos en deux mois
Pour soutenir les nombreux malades, l’asbl Crohn-RCUH existe depuis 1984. Aujourd’hui, elle regroupe plus de 500 membres. "Notre association a plusieurs buts : le premier, c’est de rassembler les patients afin qu’ils puissent échanger sur la maladie et qu’ils ne se sentent pas seuls. Et le deuxième, c’est d’apporter du soutien en assurant une permanence téléphonique", explique Xavier Donnet, membre très actif au sein de l’association. Celle-ci rassure les malades en leur donnant différents conseils sur l’hygiène de vie, les assurances possibles, les préparatifs de vacances, les médicaments… "Il y a énormément de profils différents parmi nos affiliés parce que nous faisons face à tous les cas de figure, ce qui permet à chacun de s’y retrouver" ajoute-t-il.
Nathalie est, elle aussi, membre de l’asbl. Atteinte de la maladie de Crohn depuis 22 ans, elle est en rémission depuis plus de sept ans maintenant. Son état s’est beaucoup amélioré, notamment grâce aux nouveaux traitements qui existent. Fière de faire partie de l’association, son cas prouve à quel point cette maladie peut être vécue différemment d’une personne à l’autre. "On a découvert que j’avais cette maladie après avoir perdu 15 kilos en deux mois. Aujourd’hui, je suis en rémission. Je n’ai aucun régime alimentaire particulier à suivre mais je dois me rendre une fois toutes les six semaines à l’hôpital pendant une journée pour contrôler l’évolution de la maladie." A 46 ans, Nathalie peut aujourd’hui travailler et faire toutes les activités qu’elle veut, mais ça n’a pas toujours été le cas. Avec du recul, elle relativise beaucoup: "De toute façon, je préfère vivre normalement. C’est déjà assez contraignant comme ça donc quitte à faire une crise de plus, autant vivre comme on l’entend ! »
Comme l’a évoqué Nathalie, la nécessité du suivi médical est capitale. « La maladie peut toujours évoluer à bas bruit. C’est entre autres la raison pour laquelle le Crohn est tant étudié. De plus en plus de traitement apparaissent, ce qui permet à une grande majorité des patients d’avoir une certaine qualité de vie, avec la maladie » précise le Professeur Dewit. Malgré cette qualité de vie dont Nathalie jouit, elle déplore le manque de subsides octroyés par l’Etat et estime que les malades de MICI sont complètement délaissés. Un avis que partage largement Joëlle: "C’est une maladie honteuse et nous sommes trop souvent oubliés ". Pour elle, tout peut basculer d’un moment à l’autre. A travers son témoignage, elle tient avant tout à faire passer un message au nom de tous les malades. « Le plus difficile à faire accepter, c’est que nous sommes réellement malades. Mais nous n’en avons pas l’air, c’est une maladie invisible mais pourtant bien réelle... »
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