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L'épouse de Philippe va chez un garagiste d'un grand réseau pour régler le frein à main, mais il trouve d'autres réparations: a-t-il tenté d'abuser de sa naïveté?

L'épouse de Philippe va chez un garagiste d'un grand réseau pour régler le frein à main, mais il trouve d'autres réparations: a-t-il tenté d'abuser de sa naïveté?
 
 

Amener sa voiture au garage pour une intervention mineure et en sortir avec un devis bien plus salé: c'est ce qui est arrivé à un couple de la région de Charleroi. Philippe a appuyé sur notre bouton orange Alertez-nous pour relater sa mésaventure. Des spécialistes nous donnent leurs astuces pour réduire le risque de "se faire avoir".

"Mon épouse devait présenter sa VW Polo au contrôle technique. Pour qu'elle soit vraiment en ordre, elle l'a amenée dans un centre de réparation rapide pour régler le frein à main qui était un peu haut. Mais après examen du véhicule, le garagiste lui a signalé qu'il fallait remplacer les pneus, alors qu'il restait encore 3mm au-dessus du repère. D'après lui, les mâchoires de frein étaient aussi à remplacer et il fallait rectifier le tambour de frein où il y avait une perte d'huile", nous confie Philippe.

Montant total du devis: 226 euros. Le couple se concerte par téléphone et Philippe se souvient que les freins avaient été mis à neuf l'année précédente chez leur mécanicien habituel. Du coup, la femme de notre témoin se rend dans sa concession. "Le mécano n'a rien remarqué, aucune perte d'huile, et il lui a réglé la hauteur du frein à main gracieusement en quelques minutes", précise Philippe.

Le même jour, la conductrice passe le contrôle technique sans souci et l'examinateur lui annone que le véhicule est en ordre. "Vous êtes certain?", interroge la dame, avant de lui expliquer ce qu'elle venait de vivre. "Il a alors approfondi le contrôle des freins et tout était parfait", confie Philippe. D'après lui, le garagiste de la chaîne de réparation rapide a "profité de la naïveté d'une dame pour vendre inutilement des produits et services. C'est honteux!".

Pour preuve, Philippe nous a transmis le devis de 226 euros qu'il a reçu et la carte verte reçue au contrôle technique (sans aucune remarque). S'il est difficile de juger ce cas précis, nous avons contacté quelques spécialistes afin d'obtenir des conseils pour éviter 


Conseil 1: demander plus de précisions

Nous avons abordé le sujet avec un garagiste indépendant de la région du Centre. D'après lui, certains garages de chaînes de réparation rapide ont tendance à gonfler les factures. "Ils essaient parfois de faire changer des pièces alors que ce n'est pas vraiment nécessaire. J'ai par exemple une cliente qui s'est rendue dans une de ces enseignes car ses quatre pneus avaient été perforés. Le mécanicien lui a dit que ses freins étaient limites et qu'il faudrait les remplacer. Elle m'a téléphoné et je lui ai dit de changer les pneus mais de ne pas faire les freins et de venir me voir. Au final, ils n'étaient même pas à plus de 50% d'usure", relate ce garagiste.

Le premier conseil que nous avons glané auprès de ce professionnel est le suivant: "Demandez des précisions. Pour des freins par exemple, demandez au mécanicien de vous montrer l'usure, de vous expliquer comment il voit que c'est usé, de vous montrer la différence par rapport à un frein neuf". Même si vous n'êtes pas spécialiste, c'est déjà une étape pour contrôler le travail du garagiste.


Conseil 2: réclamer des preuves écrites

Pour aller plus loin, nous avons contacté la fédération du secteur automobile et des secteurs connexes. La fédération Traxio (anciennement appelée Federauto) représente 9.812 entreprises du secteur en Belgique. "Mon premier conseil est de demander un ordre de travail au mécanicien. C'est le premier document qu'un juge analyse en cas de plainte pour évaluer si ce qui a été prévu a bien été réalisé. Ce document indique l'intervention prévue, par exemple l'entretien habituel des 60.000 km, ou telle et telle pièces à remplacer", explique Serge Istas, secrétaire général de Traxio.

Cet ordre de travail est aussi un garde-fou pour les garagistes. "On a des cas où des professionnels ont convenu oralement avec le client des réparations à effectuer, puis à la fin c'est le particulier qui prétend qu'il n'avait jamais demandé à changer certaines pièces et qui refuse de payer", précise Serge Istas.

Vous n'avez jamais entendu parler d'ordre de travail? C'est tout à fait possible. Lorsqu'une certaine confiance règne entre le garagiste et le client, l'ordre de travail peut se faire oralement. Mais dans ce cas, ni l'un ni l'autre n'a de preuve écrite.

Autre preuve écrite: le devis. "Ce document permet de vérifier le prix de l'intervention. Pour le client, ça lui donne une idée de la somme qu'il devra débourser", confie le représentant de Traxio.

Autre document à utiliser: vos précédentes factures d'entretien. Si vous remarquez que votre garagiste change chaque année vos freins alors que vous parcourez 15.000 km par an, c'est qu'il y a un souci concernant votre façon de conduire, les pièces utilisées ou le professionnel. À ce propos, n'oubliez pas que les pièces installées sur votre véhicule sont couverte par une garantie, généralement d'un an.

En matière de documentation, vous pouvez aussi demander le plan d'entretien de votre véhicule. "Les garages d'une marque ou les garages membre d'une chaîne (NDLR: 1 2 3 Autoservice, Norauto, Auto5, etc.) disposent de ce plan d'entretien. Il indique pour tel kilométrage quels sont les éléments à vérifier et les pièces à remplacer", explique Serge Istas.


Conseil 3: quelques astuces en vrac

Le secrétaire général de Traxio nous fournit quelques astuces en plus:

  • Vous pouvez demander au garagiste de laisser les vieilles pièces dans votre coffre. Bien sûr, il peut toujours mettre des pièces d'un autre véhicule, mais il prendrait alors un risque.
  • Rester sur place durant la réparation. Même s'il n'est pas toujours possible d'être dans l'atelier (la plupart des marques interdisent l'accès par sécurité), vous pourrez au moins vérifier le temps de main d'œuvre comptabilisé, ou surveiller de loin votre véhicule si les lieux sont ouverts.
  • Il existe des spécialistes de pièces détachées. Si un remplacement est prévu, vous pouvez contacter un revendeur pour comparer les prix avec votre devis. Des outils sur internet existent aussi.

Conseil 4: en cas de problème après réparation, ne pas faire refaire ailleurs

Dans le cas où un problème apparaît après la réparation, ne vous ruez pas chez un autre spécialiste. "S'il y a une contestation sur la qualité de l'entretien, il ne faut jamais faire refaire par quelqu'un d'autre et envoyer la facture au premier garagiste. Si on va ailleurs, il pourra toujours contester, dire qu'il avait bien fait son travail. C'est toujours le premier garagiste qui doit rectifier son travail", rappelle Serge Istas.

Nous avons contacté maître Christophe Redko, le célèbre avocat spécialiste des affaires de roulage, pour obtenir son avis sur ce type de situation. "Effectivement, il ne faut pas faire réparer ailleurs, car il ne sera plus possible de vérifier le problème et le premier garagiste ne pourra pas utiliser la garantie pièce. Il faut faire une expertise contradictoire: un expert automobile va fixer une réunion avec le garagiste pour ouvrir la voiture. Mais la facture peut monter à 1.500 ou 2.000 euros pour l'expert", indique l'avocat.

Si le désaccord est profond, on entre dans un autre domaine, celui de la justice.


Des poursuites en justice? "Un rapport entre l'argent en jeu et l'inconvéninent"

Aller en justice contre son garagiste pour un travail que vous estimez mal effectué, c'est une toute autre histoire. Car votre véhicule devra être immobilisé durant toute la procédure… Et ça peut être long, très long. "C'est une question de rapport entre l'argent en jeu et l'inconvénient. Si c'est votre seule voiture, c'est très contraignant", explique Christophe Redko.

Car même si vous avez fait expertiser vous-même le véhicule, le juge devra mandater un spécialiste pour une contre-expertise. Et cela peut prendre des mois, voire un an ou deux.

Pour couvrir vos frais de justice, Me Redko nous rappelle qu'il existe toujours l'assurance protection juridique. "Elle n'est pas obligatoire, mais si vous l'avez, elle prend en charge les affaires pénales et la défense au civil, comme ici dans le cas d'un souci avec un garagiste. Et si vous ne l'avez pas, personnellement je conseille de la prendre, car ça coûte environ 80 euros par an et ça peut être très utile", ajoute-t-il.

Il y a une suspicion naturelle dans le milieu automobile

Endossant son rôle de porte-parole du secteur, Serge Istas tient à préciser quelques points, car "il existe une sorte de suspicion naturelle dans le milieu automobile":

  • Prix des pièces: "Une voiture est composée à 80% de pièces fabriquées par des équipementiers et utilisées par les constructeurs. Le prix d'une pièce peut donc varier selon la marque de la pièce, le niveau de qualité, son origine, etc.".
  • Main d'œuvre: "Le mécanicien va aller plus ou moins vite, et donc ça coûtera plus ou moins cher. Ça dépend par exemple de son expérience avec le véhicule. S'il intervient souvent sur les mêmes modèles, il détectera sûrement plus vite les pannes et travaillera plus vite".
  • Les imprévus: "Il y a parfois des aléas durant une intervention. Le garagiste va peut-être devoir dégripper les pinces pour remplacer les plaquettes de frein. Ou durant le remplacement d'un élément, il va peut-être découvrir d'autres réparations à effectuer, par exemple des tuyaux abîmés par des fouines. Ce genre d'imprévu peut le ralentir ou engendrer des réparations supplémentaires. La bonne pratique veut que le professionnel prévienne le client avant d'effectuer des prestations non prévues".
  • Concessions: "Les concessions officielles doivent respecter une série de règles imposées par les constructeurs, les coûts pour entretenir leurs locaux sont souvent plus élevés, les ouvriers doivent être formés, etc. C'est notamment pour ça que leurs travailleurs coûtent plus cher en main d'œuvre".
  • Choisir son garagiste: "Si vous avez une voiture rare ou peu fréquente, il est souvent conseillé d'aller chez un spécialiste de la marque ou directement en concession. Les mécaniciens auront plus l'habitude et il leur sera plus facile de les entretenir. Pour les véhicules populaires, c'est plus simple et la plupart des garagistes pourront intervenir sans difficulté".
  • Droit de rétention: "Un garagiste peut faire valoir un droit de rétention si le client ne paie pas la facture". Attention, ce droit ne vaut que pour la facture en lien direct avec les réparations en question. Le garagiste ne peut donc pas retenir un véhicule pour une vieille facture non payée.

La mission du mystery shopper est de faire craquer le professionnel

Dans leur secteur, les mécaniciens ne font pas tout ce qu'ils veulent. Surtout lorsqu'ils travaillent pour un constructeur ou pour une chaîne de réparation. Pour les contrôler, des "mystery shopper" sont parfois utilisés. Concrètement, des enquêteurs se font passer pour des clients et testent les garages. "C'est une pratique qui existe dans de nombreux secteurs: l'automobile, mais aussi dans les banques, les assurances, etc.", explique Serge Istas. "C'est toujours un sous-traitant qui réalise le test, par souci de neutralité".

La mission de l'enquêteur est alors de "faire craquer l'exploitant", comme l'explique le secrétaire général de Traxio. "J'ai moi-même réalisé des mystery shopping. C'est un jeu de rôle qui vise à évaluer des critères précis: la propreté des vitres, la température du showroom, la propreté du mécanicien quand il se présente au client, le temps d'attente, etc. Dans certains cas, la mission du mystery shopper est vraiment d'essayer de faire craquer le professionnel, par exemple en demandant à voir le véhicule monté sur le pont alors que c'est interdit", détaille Serge Istas. "Et bien sûr, il y a aussi des situations où l'enquêteur sait très bien ce qui est à remplacer sur le véhicule, et il vérifie les conseils et le devis présenté par le mécanicien".


Les professionnels affiliés doivent respecter une charte

Dans ce dossier, Serge Istas nous rappelle que la plupart des professionnels du secteur sont affiliés à Traxio. "Ils paient pour être affiliés. De notre côté, nous leur proposons des formations, des informations sur la législation, des documents types, nous représentons leurs intérêts auprès des autorités, etc.", indique-t-il. "Mais nous ne sommes pas là pour systématiquement les défendre. Nous les invitons à être transparents par rapport à leur travail. Les professionnels affiliés doivent d'ailleurs signer une charte et la respecter".

Enfin, si Traxio ne propose pas directement de service aux clients, son représentant nous assure qu'un particulier peut contacter la fédération pour obtenir un conseil général ou juridique par rapport à son cas.


 

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