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La taxe déchets annuelle d'Yvan a doublé en un an à Courcelles: "Ce sont des ordures… en OR"

 
 

Certains riverains de cette commune de la région de Charleroi sont en colère. Ils ont reçu ou vont recevoir leur taxe annuelle liée aux déchets, qui plus que jamais (deux fois plus, en fait) est liée au dépassement du forfait annuel de kilo non trié. Au-delà de la colère d'Yvan, il y a les explications de la commune, liées à la notion de 'coût-vérité' et à un choix politique.

La gestion des déchets est une problématique qui prend chaque année plus d'importance. C'est l'une des rares activités humaines qu'il est possible de modifier afin d'avoir un impact environnemental concret ; en faisant un simple effort, et non en devant se priver d'une habitude, d'un confort.

Raison pour laquelle les autorités organisent toujours davantage le tri de nos déchets, tentent d'en optimiser la récupération et le recyclage. Et pour encourager, convaincre (voire contraindre) tout le monde à jeter emballages plastiques et métalliques dans la poubelle bleue, à sortir les cartons, à se rendre à la déchetterie… il faut souvent toucher le portefeuille.

C'est ce qui passe cette année à Courcelles, où certains riverains ont vu leur taxe annuelle… doubler en un an. Une histoire de surproduction de déchets, de 'coût vérité', vous allez le comprendre, mais aussi un choix politique (complètement assumé).

Pour Yvan, ce sont "des OR-dures"

Faire payer plus ceux qui produisent plus d'ordures ménagères (non triées), c'est ce qui se passe à Courcelles, dans la région de Charleroi. Mais ça ne plait pas à tout le monde, et certainement pas à Yvan, qui a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous. "En 2019, j'ai payé 190,32€ de taxe déchets annuelle. Je viens de recevoir ma nouvelle facture et, elle est passée à 393.67€". Précisons d'emblée qu'Yvan dépose nettement plus d'ordures ménagères que la moyenne de sa commune (1.024 kg contre 300 kg en moyenne pour un ménage de 3 personnes, ça a son importance, vous allez le voir). On peut parler d'une surproduction :

Yvan, 68 ans, se pose des questions ("Pourquoi une telle augmentation?"), et ne trouvant pas de réponse, il enrage. "Les déchets, c'est devenu un luxe. J'appelle ça en rigolant des OR-dures, des ordures en or…". Donc forcément, "c'est extrêmement cher, j'ai fait le calcul, j'en suis à 26 centimes le kilo". Et pourtant, "je fais du tri sélectif", nous affirme ce retraité en montrant ces sacs bleus et sa poubelle jaune remplie d'herbe et de branchages. "J'ai appelé la commune en disant que je ne paierai pas, et c'est limite si on ne m'a pas dit que j'allais avoir les huissiers".

Notre présence dans cette rue paisible de la commune carolo attire d'autres riverains en colère, se plaignant de la forte augmentation. "Moi, j'ai une belle sœur qui habite à Genappe, ils n'ont pas de poubelle à puce. Je vais déposer mes sacs chez elle. On est pensionné tous les deux, je ne pourrais pas payer une telle facture", nous explique Monique. Pour Jean-Pierre, "c'est inadmissible, c'est invivable… Je me demande comment vont faire les retraités, vu le doublement de certaines factures":

Des poubelles à puces, et un forfait

Avant de laisser la parole à la défense, un petit bout d'explication sur le traitement des déchets. Chaque commune gère le tri et le ramassage des déchets à sa manière, dans les limites, bien entendu, de ce que propose l'entreprise qui en gère la collecte et le traitement (en l'occurrence, dans le grand Charleroi, c'est l'intercommunale Tibi).

A Courcelles, c'est l'un des systèmes les plus aboutis qui est utilisé depuis quelques années: la poubelle grise à puce, liée à une habitation. Pour faire simple: on remplit cette poubelle comme on veut, mais le camion la pèse avant de la vider. Et au-delà du quota annuel (60 kg par personne composant le ménage), chaque kilo de déchet a un coût. C'est précisément ce coût du kilo hors forfait qui a doublé entre 2019 et 2020. Et vu qu'Yvan (et d'autres Courcellois, environ la moitié) dépasse le forfait annuel, la facture a grimpé (un peu ou beaucoup, en fonction du dépassement).

Une histoire de 'coût vérité'…

Pour comprendre les augmentations générales (et successives) de la collecte des déchets dans toute la Région wallonne, il faut remonter à une décision de 2008. "La taxe déchet est liée au coût-vérité du traitement des déchets, qui est imposé aux communes par la Région depuis 2008. Cette notion de coût-vérité exige que la totalité du coût de traitement et de collecte des déchets soit imputée aux utilisateurs, et donc chez nous ce sont les ménages courcellois", nous explique Hedwige Dehon, échevine responsable, entre autres, de la transition écologique.

La taxe envoyée par la commune aux habitants "est donc une obligation, on n'a pas beaucoup de contrôle et on est même sanctionné si on ne l'applique pas correctement". Elle dépend de la quantité de déchets ramassés par Tibi, et elle est en hausse ces dernières années: "En 2020 on est autour de 115 kg en moyenne par an et par ménage ; alors qu'il y a quelques années, on était à 98 kg".

… et de choix politique

Conséquence: la facture envoyée par Tibi à la commune augmente (de plus en plus vite, voir ci-dessous), et Courcelles doit la répercuter en ajustant sa taxe annuelle. Elle dispose d'un peu de souplesse, dans le sens où elle choisit comment couvrir le montant total. "On a choisi de contenir au maximum la taxe forfaitaire, c'est-à-dire le service minimum auquel vous avez droit (60 kg de déchets résiduels et 40 kg de déchets organiques par membre du ménage). On choisit d'agir sur la surproduction de déchets, c'est donc une taxe proportionnelle". Raison pour laquelle le coût du kilo de déchet hors forfait est passé de 18 centimes à 36 centimes. "C'est le principe du pollueur-payeur", on parle donc là d'un choix politique

Et du côté de Tibi ?

Si les Courcellois ont vu leur taxe augmenter (un peu ou beaucoup selon les dépassements des quotas annuels), c'est parce qu'ils ont jeté globalement plus de déchets (la facture globale augmente et la commune, qui a du l'anticiper pour établir ses budgets, doit l'ajuster), mais aussi parce que les coûts de fonctionnement de Tibi augmentent, eux aussi.

Confirmation de Philippe Teller, directeur général de l'intercommunale: "Il y a une augmentation du coût de l'énergie (électricité, gaz), des matières premières, des équipements. Et puis aussi une augmentation des salaires. Du coup, dans les années à venir, oui, le coût de la gestion des déchets va continuer à augmenter".

"Les gens brûlent chez eux"

Voilà pour les explications, mathématiquement logiques. Les conséquences le sont moins, hormis la colère légitime d'Yvan de voir sa facture doubler en un an.

"On commence à sentir des odeurs: les gens brûlent leurs ordures dans le fond du jardin. Ou alors ils vont déposer les poubelles dans d'autres communes, voire sur des aires d'autoroutes. Il y a également des dépôts clandestins, et ça va être de pire en pire, selon moi".

Selon la commune, les dépôts clandestins constatés récemment ne concernent pas les ordures ménagères: "ce sont majoritairement des encombrants qui pourraient aller à la ressourcerie locale, ou des déchets qui peuvent être déposés dans les parcs à conteneurs ; donc c'est incompréhensible, à part de l'égoïsme et de la facilité", précise Hedwige Dehon.

Quant au fait d'aller déposer ses sacs poubelles dans une autre commune, même en payant le sac, "ça existe, ça arrive", explique le directeur de Tibi. "Mais il faut savoir qu'on doit mettre à rue les déchets qu'on produit dans la commune où l'on est domicilié. Les personnes qui déposent leurs déchets ailleurs s'exposent à une sanction de la part des communes limitrophes qui auraient à souffrir de ce type de comportement".

Il est également possible de suivre sa production. "Chaque ménage peut voir l'évolution sur notre site internet, au jour le jour. On n'est pas obligé d'attendre la fin de l'année" pour connaître le total annuel et tenter d'ajuster le tir.


 

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