Le code de la route l'interdisait déjà. Mais à partir du 1er mars 2019, le fait de laisser tourner son moteur alors qu'on est en stationnement constituera également une infraction environnementale en Wallonie.
Un lecteur nous a confié son exaspération via notre bouton orange Alertez-nous. "Je suis écœuré, et cela ne date pas d’hier, par l’attitude incivique et inconsciente de tous ces conducteurs qui, voiture à l'arrêt laissent honteusement leur moteur tourner", nous écrit Claude. Stationnés sur un parking, devant l’école de leurs enfants ou le temps d’un appel téléphonique, des automobilistes adoptent cette mauvaise habitude. "Ils jettent littéralement en l'air - non par la fenêtre, mais c'est tout pareil - de précieux euros et polluent gratuitement", s’exclame Claude.
Que dit la loi?
A l’arrêt, a-t-on le droit de laisser tourner le moteur? Que dit la loi? "Les conducteurs doivent veiller à ne pas laisser le moteur en marche au point mort sauf en cas de nécessité", stipule l’article 8.6 du Code de la route. La législation ne précise cependant pas ce que l’on entend par "nécessité", comme nous l’explique Benoît Godart. " 'Sauf en cas de nécessité’ reste évidemment très vague. Mais je doute que des excuses telles que ‘Je repars tout de suite’ ou ‘Pour garder l’habitacle chaud’ soient des circonstances atténuantes aux yeux d'un policier", affirme-t-il.
Si l’infraction est constatée par les forces de l’ordre, le contrevenant se voit infliger une amende de 58 euros. A noter que ce type de contraventions est plutôt rare. "La verbalisation de ce comportement n'est pas vraiment une priorité", note Benoît Godart.
Laisser son moteur tourner plus de 10 secondes émet plus de CO2 que redémarrer
"Le but est plus d’ordre environnemental que sécuritaire", souligne Benoît Godart. En effet, laisser tourner son moteur plus de 10 secondes émet plus de CO2 que de redémarrer. En plus d’être nuisible pour l’environnement, cette pratique serait dangereuse pour la santé. "L’exposition à la plupart des polluants est plus élevée dans l’habitacle qu’à l’extérieur", ajoute une note de la campagne Autoff menée par la Fédération Inter Environnement Wallonie.
De la même façon, couper son moteur permet de réaliser de précieuses économies. "Laisser le moteur fonctionner à l'arrêt pendant 60 secondes engendre une plus grande consommation de carburant que de l'arrêter pour le remettre en marche 60 secondes plus tard. Avec les prix actuels des carburants, c'est important à savoir", indique le porte-parole de Vias. Pour rappel, la pollution de l'air cause chaque année plus de 400.000 décès prématurés en Europe, dont 9.300 en Belgique où Bruxelles et Anvers disposent déjà de leurs zones basses émissions.
Comment empêcher ces comportements?
Des mesures sont prises pour tenter de limiter ces incivilités. En 2016, la campagne "Autoff, coupez le moteur" visait à sensibiliser les automobilistes aux impacts de cette mauvaise habitude. L'Inter-Environnement Wallonie et la Région wallonne à l'initiative de cette campagne, dressaient le constat. Au cours d'une année, si l'ensemble des voitures du parc automobile belge diminuaient de 5 minutes par jour leur temps de stationnement avec moteur allumé, l'impact serait considérable. "Nous pourrions économiser 164 millions de litres de carburant et réduire de près de 380.000 tonnes les émissions de C02", écrit l'organisme.
Une problématique qui gagne désormais la sphère politique. En novembre dernier, un projet de décret relatif à la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules thermiques a été adopté. Ce texte prévoit notamment l'interdiction de maintenir le moteur en fonctionnement, quel que soit le type de véhicule, lorsque ce dernier est à l'arrêt. Ceci vise alors à considérer ce type d'incivilités comme une infraction environnementale.
Les agents constatateurs communaux pourront aussi verbaliser
Afin de comprendre quels changements seront ainsi opérés, nous nous sommes donc tournés vers le cabinet de Carlo Di Antonio, ministre wallon à l'initiative de ce décret. "Ce type de constatation n’était pas une priorité au point de vue du Code de la route. Désormais, il s’agira d’une infraction environnementale", nous confirme-t-on. Avant d'ajouter: "Ce changement a pour conséquence que les agents constatateurs régionaux et communaux, compétents en matière d’infractions environnementales, pourront également constater ces infractions. Les policiers restent eux-mêmes compétents". En bref, les policiers ne seront plus les seuls habilités à sanctionner ces incivilités qui, jusqu'à présent, résultaient uniquement du Code de la route.
Concrètement, la législation en projet précise quelque peu le Code de la route. "Elle prévoit que le moteur doit être coupé lorsque le véhicule n’est plus en circulation et qu’une manœuvre est terminée. Autrement dit, le moteur peut rester en fonctionnement lorsque le véhicule est à l’arrêt à un feu rouge, dans des embouteillages, etc. En revanche, lorsque le véhicule est à l’arrêt parce que le conducteur attend un passager ou lorsque le conducteur doit faire une course rapide, le moteur doit être arrêté", précise-t-on du côté du Cabinet de Carlo Di Antonio.
"Pas d'exceptions"
Des exceptions sont-elles possibles? La réponse est claire: "La seule raison valable pour ne pas arrêter le moteur est que le véhicule est considéré comme en circulation. Il n’y a pas d’exception".
Autre évolution: la sanction attribuée. A l'heure actuelle, comme expliqué précédemment, l'infraction est passible d'une amende de 58 euros. Considérée comme une infraction environnementale, la peine évolue. "L’infraction est classée en 2e catégorie au sens du Code wallon de l’Environnement. Lorsque l’infraction est poursuivie au niveau pénal, l’infraction peut être sanctionnée d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende d'au moins 100 euros et au maximum de 1 000 000 euros ou d'une de ces peines seulement (art. D.151). Lorsque que l’infraction n’est pas poursuivie pénalement, elle est alors poursuivie de manière administrative. Au niveau administratif, l’infraction peut être sanctionnée d’une amende administrative de 50 euros à 100 000 euros (art. D.160). Une perception immédiate sera prévue de l’ordre de 130 euros", nous explique le porte-parole du Cabinet de Di Antonio.
Le texte prévoit que le dispositif entre en vigueur le 1er mars 2019.
Le cas du dégivrage du pare-brise
Qu'en est-il alors des quelques minutes pendant lesquelles certains automobilistes laissent tourner le moteur pour dégivrer ou désembuer leur pare-brise ? Vous avez été nombreux à réagir en commentaires à ce cas de figure. Mais bien évidemment, la sécurité, et donc la bonne visibilité du conducteur prime.
"L'article de loi mentionne bien 'Sauf en cas de nécessité'. C'est assez vague, mais c'est clair qu'en cas de températures polaires, si c'est pour dégivrer le pare-brise, personne ne va être verbalisé", précise Benoît Godart.
Une simple question de bon sens…
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