Le cancer du sein triple négatif sont des cancers agressifs pour lesquels peu de solutions existent encore à l'heure actuelle. Néanmoins, la recherche reste très active et des nouvelles options thérapeutiques se dessinent. Les malades veulent y avoir accès.
Leila a attiré notre attention sur un sujet qui lui tient à cœur, le cancer du sein triple négatif. "Il faut absolument se mobiliser, trop d’enfants ont perdu leur maman !", nous écrit-elle via le bouton orange Alertez-nous. En effet, si le cancer du sein se soigne globalement de mieux en mieux, avec un taux de survie à 5 ans passé de 85 % à 91 % entre 2000 et 2019 (chiffre pharma.be), le cancer du sein triple négatif reste le parent pauvre en termes de traitement thérapeutique. Ces cancers agressifs, qui représentent 15% des cancers du sein, et qui touchent particulièrement des femmes de moins 40 ans, ont un pronostic sombre, avec un taux de survie à 5 ans d’environ 20%.
Le cancer du sein triple négatif ne répond pas aux traitements conventionnels
Les cellules des tissus mammaires normaux fonctionnent grâce à des récepteurs cellulaires : les récepteurs des hormones féminines (les œstrogènes et la progestérone) et les récepteurs de la protéine régulant la multiplication cellulaire (HER2).
Dans les cas de cancers du sein dits triple négatif, les cellules cancéreuses ne possèdent pas ces récepteurs. Or ils constituent aussi des portes d’entrée pour les traitements conventionnels. "Comme il n’y a pas ces récepteurs, on ne sait pas bloquer le cellules cancéreuses", résume le Professeur Grivegnée, chef de la clinique de dépistage et de prévention de l'Institut Jules Bordet.
Les deux autres familles de cancer du sein sont l’hormo-dépendant, lorsque les hormones jouent un rôle dans la prolifération des cellules cancéreuses, et le "HER2", lorsque les cellules cancéreuses présentent des récepteurs HER2 dont le nombre augmente anormalement. Ces deux familles de cancer ont pleinement bénéficié de l’amélioration des traitements anticancéreux.
Ce n’est pas le cas du cancer du sein triple négatif : "Il ne répond pas au traitement endocrinien [hormonothérapie, Ndlr] et à la thérapie dirigée contre une protéine (HER2) qui est exprimée sur d'autres sous-types de cancer du sein", indique Kevin Punie, oncologue à l’Uz Leuven.
En conséquence, "le développement de la tumeur se fait de façon beaucoup plus rapide et envahissante", note le Professeur André-Robert Grivegnée.
Des options de traitement actuellement limitées
En Belgique, la prise en charge thérapeutique "standard" du cancer du sein triple négatif comporte des similitudes avec le traitement de tous les cancers du sein. Il est traité par chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie.
L’hormonothérapie et la thérapie ciblée anti HER2 ne sont pas proposées à ces patientes puisqu’elles seraient inutiles, pour les raisons que nous avons évoquées plus haut.
Dans la moitié des cas, la chimiothérapie fonctionne bien. Pour l’autre moitié, la maladie résiste à la chimiothérapie et devient plus difficile à soigner. "Les options de traitement sont limitées et les besoins non satisfaits sont élevés", constate le Docteur Punie.
L’immunothérapie, uniquement dans le cadre d’essais cliniques pour ce cancer
L’immunothérapie est une nouvelle option thérapeutique porteuse d'espoir pour les patientes. Si la chimiothérapie et la radiothérapie visent à détruire directement les cellules cancéreuses, l’immunothérapie a pour objectif de rendre les cellules cancéreuses de nouveau détectables par le système immunitaire. Celui-ci peut à nouveau les reconnaître comme "élément anormal" et en provoquer naturellement la destruction, explique Roche, Principal fabricant mondial d'anticancéreux, sur son site internet.
Mais l'immunothérapie n’est pas aussi répandue que la chirurgie, la chimiothérapie ou la radiothérapie. En Belgique, "en dehors d'un essai clinique, il n'y a pour l'instant pas de place à l'immunothérapie dans la prise en charge du cancer triple négatif", indique Dr Véronique Le Ray, porte-parole de la Fondation contre le cancer.
"L’immunothérapie a récemment été approuvée pour un sous-groupe spécifique de patients atteints de cancer du sein triple-négatif, mais pour l'instant elle est uniquement disponible grâce à des échantillons fournis par Roche, pour les patients atteints d'une maladie avancée", confirme Kevin Punie, oncologue à l’Uz Leuven.
Des patientes créent des cagnottes pour bénéficier de traitements en Allemagne
"En Allemagne, beaucoup de femmes font des cagnottes afin de bénéficier d'immunothérapie", raconte Leïla via le bouton orange Alertez-nous. Ces patientes qui ne répondent pas aux critères requis pour un essai clinique s’organisent pour payer de leur poche des sommes faramineuses à des cliniques privées en Allemagne. Selon une patiente française qui a organisé ce type de cagnotte sur internet, et que nous avons interrogée, le prix des trois premiers mois de traitement s’élèverait à 100.000 euros.
"L’immunothérapie, une révolution dans la médecine du cancer. Les défis de santé d'aujourd'hui exigent des solutions du 21e siècle", vante une de ces cliniques sur son site internet. Le Professeur Grivegnée, juge ce commerce "à la limite de l’éthique médicale". "On appelle ça des opportunistes", dit-il. "Pour le cancer sein, et surtout pour celui-là, l’immunothérapie reste au stade expérimental", souligne-t-il. "Dans les établissements sérieux, on le propose à titre compassionnel et ça se fait dans le cadre d’études très contrôlées, structurées, surveillées", ajoute-t-il.
"Il y a certains médicaments qui ne sont pas encore sur le marché parce qu’ils ne sont pas validés par les organismes de réglementation. On est alors en phase d’étude de phase 3. C’est-à-dire la pré application clinique", raconte le Professeur Grivegnée. Et de préciser : "À ce moment-là, c’est un risque que le patient prend. On n’a pas à avoir, en plus, le culot de le lui faire payer".
Plusieurs options de traitements expérimentaux sont disponibles via des essais cliniques en Belgique. Concernant le cancer du sein triple négatif, environ 16 essais cliniques sont en cours, indique David Gering, porte-parole de l'Association de l'industrie du médicament Pharma.be, qui s’en réfère à la banque de données de l’Agence fédérale du médicament. Ces essais impliquent notamment des médicaments d’immunothérapie comme le durvalumab, l’atezolizumab,...
Trodelvy, une chimiothérapie ciblée plus efficace, mais pas encore disponible en Belgique
Le laboratoire américain Gilead produit depuis environ un an une nouvelle option de traitement pour le cancer du sein triple négatif : le Trodelvy, un conjugué anticorps-médicament. "Nous pouvons le voir comme une administration ciblée de chimiothérapie, dirigée par un anticorps qui cible des marqueurs sur les cellules tumorales. Il a montré une efficacité supérieure par rapport aux options de chimiothérapie standard actuellement disponibles. Il deviendra une possibilité de traitement importante pour le cancer du sein triple négatif avancé", pense le docteur Punie.
Trodelvy a récemment reçu l'approbation complète de la FDA aux USA (Food and Drug Administration, l’organisme de réglementation des médicaments aux États-Unis), mais n'a pas encore été approuvé dans l'Union européenne par l'EMA (Agence européenne des médicaments). "Nous espérons que, d'ici la fin de l'année, l'autorisation de mise sur le marché sera accordée. Gilead Sciences soumettra ensuite un dossier de remboursement à l'INAMI pour permettre aux patients belges un accès rapide au traitement innovant", raconte Christophe Van Elewyck, porte-parole de Gilead Sciences Belux.
En France, seules quelques dizaines de patientes bénéficient du traitement par Trodelvy parce qu’elles ont pu intégrer un protocole de soins grâce à une autorisation temporaire d'utilisation du médicament. Un collectif baptisé #Mobilisationtriplettes se mobilise pour que d'autres patientes puissent bénéficier de ce traitement. "Donnez-nous accès aux traitements pour rester en vie !", demandent-t-elle dans une pétition.
"En Belgique, nous attendons également avec impatience de pouvoir prescrire Trodelvy en accès anticipé, bien qu'il semble peu probable que cela soit possible avant que l'approbation de l'EMA n'ait été accordée ; tout le monde sur le terrain espère que la situation change au plus vite", raconte le Docteur Punie.
Dernière avancée de la recherche scientifique sur le traitement de ce cancer
Le Professeur André-Robert Grivegnée attire notre attention sur une nouvelle étude qui ouvre la voie à un traitement novateur. À Montréal, une équipe de l'institut de recherche du centre universitaire de santé McGill a découvert une nouvelle polythérapie qui pourrait permettre de combattre plus efficacement le cancer du sein triple négatif. "Les résultats de l'étude pourraient conduire au développement d'un traitement ciblé de première intention pour le cancer du sein métastatique et ouvrent la voie à la réalisation d'essais cliniques chez l'humain", indique l’institut.
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