Recevoir gratuitement de la lingerie par la poste, c’est une proposition alléchante. Mais vous risquez ensuite de recevoir d’autres colis non commandés et une menace d’huissiers si vous ne payez pas. Il s’agit tout simplement de vente forcée. Marilena en a fait les frais. Ciblée par une société à plusieurs reprises, elle veut mettre en lumière cette arnaque.
Fin du mois de septembre, Marilena reçoit un courrier qui l’interpelle."Je suis étonnée du contenu de la lettre qui est purement et simplement de la vente forcée", confie cette habitante de Herstal, en région liégeoise, via notre page Alertez-nous. L’expéditeur est une société suisse de vente par correspondance, Provea, qui commercialise notamment la marque de lingerie Miriale Silhouette."Nous vous remercions pour votre commande du colis exclusif de bienvenue (…) Cette offre comprend une paire de collants ou de bas." Les premières phrases de cette lettre font bondir Marilena. Elle n’a en effet jamais rien commandé. Quelques jours plus tôt, une société de télémarketing, chargée de la promotion téléphonique de la marque de lingerie, compose bien le numéro de notre témoin. Mais aucun accord n’est convenu. Bien au contraire."Ce n’est pas moi qui ai décroché. Mais on leur a bien stipulé que je n’étais pas du tout intéressée par leur cadeau de bienvenue. Elle leur a même demandé d’arrêter de me harceler", assure la Herstalienne.
"Ils m’ont envoyé un autre colis que je n’ai jamais commandé"
Ce n’est en effet pas la première fois qu’elle est ciblée par l’entreprise suisse. En 2013, Marilena est déjà contactée par téléphone pour les mêmes raisons. Un représentant commercial vante les produits de la marque et lui propose de recevoir un ensemble soutien-gorge/slip."J’ai accepté ce colis gratuit que j’ai reçu. Par la suite, ils m’ont envoyé un autre colis que je n’ai jamais commandé. Quelle n’est pas alors ma surprise de recevoir une facture d’un montant de 28,60 euros pour deux ensembles", se révolte-t-elle. Pour contester ce payement, elle écrit un email au service clientèle, en précisant qu’elle n’avait jamais rien commandé. Elle leur demande donc d’annuler la facture, de supprimer ses coordonnées et les menace de répandre leurs pratiques douteuses sur les réseaux sociaux. La société confirme la réception de son message, en assurant le transmettre au service concerné. Un peu plus tard, Marilena reçoit par voie postale une mise en demeure pour facture non-payée."Comme je ne connais pas vraiment la loi, j’ai payé pour être tranquille", regrette-t-elle. "Et j’ai déposé plainte via le site de Test Achats."
La loi protège le consommateur: vous ne devez rien payer
Et elle n’est pas la seule. Sur le forum de la société de protection et de défense des consommateurs, de nombreuses personnes dénoncent les pratiques frauduleuses de cette société."J’ai reçu des rappels pour des slips que je n’avais jamais commandés. Je reçois maintenant une mise en demeure qui me fait peur. Ils me disent que je dois régler ces achats au risque d’assignement en justice. Que dois-je faire", s’inquiète par exemple un internaute. Ce message date de décembre 2010… En réalité, la mauvaise réputation de cette société n’est plus à faire. Depuis de nombreuses années, Provea a fait de la vente forcée sa spécialité. Sauf avis contraire de la cliente, elle envoie d’abord un colis de bienvenue et puis un nouveau paquet payant tous les deux mois. Pour refuser une livraison, Provea précise qu’il faut faire la demande par courrier, téléphone ou internet. Or, la loi belge sur les pratiques du commerce est bien claire: "Il est interdit à toute entreprise de faire parvenir à une personne sans demande préalable de sa part un bien ou un service, en l’invitant à l’acheter ou si elle ne souhaite pas le garder à le renvoyer à l’expéditeur. En aucun cas, la personne qui le reçoit, ne doit payer le bien ou le service. Elle n’est pas non plus tenue de le renvoyer à l'entreprise. L'absence de réponse du consommateur ne vaut pas consentement de celui-ci." Autrement dit, vous ne devez rien payer. Vous pouvez même conserver l’article envoyé sans que vous l’ayez demandé et vous ne devez pas le signaler à l’expéditeur.
"Bien sûr, si le consommateur reçoit des rappels de paiement, il vaut mieux, pour mettre un terme à ces désagréables rappels, qu’il signale à la firme qu’il n’a jamais commandé le produit envoyé et qu’il n’a pas l’intention de le payer, ni de le renvoyer", conseille Julie Frère, porte-parole de Test-Achats qui précise que ce genre de pratiques "est malheureusement assez fréquent".
Furieuse, Marilena leur écrit: "Je ne veux rien avoir à faire avec des ESCROCS !"
C’est ce que Marilena, furieuse d’avoir été à nouveau contactée, décide de faire. Elle commence par appeler l’entreprise via le numéro de téléphone communiqué. Sans succès."Il est évidemment constamment sur répondeur. C’est impossible de les joindre", dénonce-t-elle. Le numéro est en question se coupe en effet après deux secondes, sans entendre la moindre sonnerie. D’après un opérateur de réseau mobile, cela peut arriver quand un numéro est désactivé depuis un certain temps. La Herstalienne décide alors d’envoyer un email pour exprimer toute son indignation."Je tiens à vous faire part de mon étonnement. J'ai déjà eu à faire à vos pratiques de vente douteuses il y a quelques années. Je vous avais signifié que je ne voulais plus avoir à faire avec vous ou vos partenaires. Mais de nouveau, je reçois un courrier postal me signifiant que je vais recevoir un cadeau de bienvenue et que, sauf avis contraire de ma part, je vais recevoir tous les deux mois des articles payants. Vos pratiques sont purement et simplement de l'escroquerie. Je vous demanderai donc une dernière fois de m'effacer de votre liste à pigeons, je ne veux rien avoir à faire avec des ESCROCS". La réponse virtuelle de Provea ne change pas d’un iota. Une réponse automatique qui n’aboutit à rien. Contactée par nos soins, l’entreprise nous révèle qu’elle communique avec les médias uniquement par email. Sans surprise, le même type de message nous est immédiatement envoyé. Sans suite.
Son but: éviter que des consommateurs harcelés finissent par payer
Cette fois, la Herstalienne n’est pas intimidée par une mise en demeure. Mais elle tient à dénoncer publiquement ces achats forcés pour éviter que d’autres personnes en soient victimes. "Je pense surtout aux personnes âgées ou ceux qui ne sont pas informés et qui, par peur, vont payer", confie Marilena. La menace est en effet l’une des stratégies utilisées par ces entreprises pour faire céder les clients, pas forcément conscients de leurs droits. "Le consommateur est relativement bien protégé puisqu’il peut conserver le produit, sans le payer et sans le signaler. A condition qu’il soit au courant de ses droits et qu’il résiste au harcèlement des firmes qui réclament néanmoins un paiement", indique la porte-parole de Test-Achats.
"En cas d’offres téléphoniques, ne vous laissez pas embobiner ! Si les explications vous paraissent floues, mieux vaut dire directement que ça ne vous intéresse pas. Et si vous recevez des mises en demeure d’un bureau de recouvrement, la meilleure réaction sera de contester la soi-disant créance en écrivant une lettre recommandée et motivée, tant au vendeur qu’au bureau de recouvrement. Si cela n'est pas concluant, déposer une plainte", conseille de son côté Chantal De Pauw, porte-parole du SPF Economie. En 2014, l’Inspection économique a reçu 606 signalements concernant les achats forcés."Les principaux secteurs concernés sont les (sous)-vêtements, les articles de collection, les cigarettes électroniques, les bons de réduction, les cosmétiques, les compléments alimentaires", ajoute la porte-parole.
Ces pratiques commerciales illégales sont-elles sanctionnées ?
Au-delà d’une publicité nuisible à leur image, est-il possible de sanctionner ces sociétés qui ne respectent pas la loi ? Et bien, cela dépend de la localisation de la firme en question. En Belgique, c’est l’Inspection économique qui peut, sur base des plaintes, déclencher des enquêtes pour faire cesser des pratiques commerciales illégales. "Nous ne réglons pas un litige particulier entre un individu et une entreprise mais nous recevons plusieurs plaintes, nous réalisons une analyse générale qui peut amener à une sanction", explique Etienne Mignolet, porte-parole du SPF Economie. Le Code de droit économique prévoit des amendes allant jusqu'à 60.000 euros. Par contre, si la société est basée à l'étranger, c'est le droit du pays qui s'applique. "Le problème est que l’Inspection économique est compétente pour les sociétés belges. Dans la mesure où les sociétés pratiquant la vente forcée sont situées à l’étranger, notre Inspection économique est désarmée et les sociétés souvent non sanctionnées", regrette Julie Frère, la porte-parole de Test-Achats. Dans ce cas-là, vous pouvez alors vous adresserau Service de médiation pour le consommateur ou au Centre européen pour les Consommateur.
Un remboursement possible ?
En tant que consommateur, peut-on espérer récupérer le montant d’une facture injustement réclamée ? Il faut savoir qu’une indemnisation éventuelle relève des cours et tribunaux. Cela dépendra donc de l’efficacité de la médiation ou d’un jugement. "Il faut également voir si ce n'est pas une escroquerie et si on en retrouve les auteurs", précise Chantal De Pauw. Enfin, dernier conseil: avant de signer quoi que ce soit, n’oubliez pas de lire les petits caractères. Vous éviterez ainsi les mauvaises surprises et les discussions désagréables.
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