La pilule que prenait Manon, la Eleonor 20, a temporairement disparu du marché. La jeune femme, dont le médecin ignorait la raison de cette disparition, s’en est inquiétée, craignant un problème de composition et un risque pour sa santé. En réalité, l’indisponibilité de cette pilule est due à un retard de production du fournisseur, rien d’alarmant, donc. Mais le témoignage de Manon donne l’occasion à RTL INFO de rappeler la composition des différentes pilules, leurs avantages et leurs inconvénients.
Manon prenait la même pilule depuis trois ans et n’a jamais pensé à en changer. “Il s'agissait de la pilule Eleonor 20”, décrit la jeune femme, après nous avoir joints via le bouton orange Alertez-nous. Cette pilule lui avait été prescrite par son médecin et elle en était satisfaite. Mais au cours d’une visite de routine, le praticien lui apprend que sa pilule a “disparu du marché” et lui en prescrit une autre. “Je lui ai demandé s’il connaissait la raison de cette disparition, mais il l’ignorait, s’étonne-t-elle. J’ai essayé de me renseigner sur internet, mais je n’ai rien trouvé”.
L’absence de réponse a inquiété la jeune femme. Par ailleurs, le manque d’informations fournies par son médecin lui a laissé penser que la pilule avait été purement et simplement “retirée” du marché. “J'avoue que cela me fait un peu peur, reconnaît-elle. Peut-être que je n'ai rien à craindre mais j'aimerais connaître la raison. Pour moi, un médicament n'est pas retiré du marché pour rien”.
La pilule Eleonor 20 n’a pas disparu du marché: “Elle accuse un retard de production”
Après vérifications, les informations concernant le pilule Eleonor 20 sont rassurantes. La pilule a bien disparu du marché, mais temporairement, et uniquement pour des raisons de production, selon l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS). “L’indisponibilité est due à un retard dans le processus de production du fournisseur et, par conséquent, les nouveaux lots n'étaient pas disponibles”, éclaire le service communication de l’Agence. Les conditionnements manquants (boîtes de 13 plaquettes de 21 pilules) devraient revenir sur le marché avant le mois de septembre 2019.
S’il n’y a aucun risque pour Manon, ses interrogations étaient néanmoins compréhensibles. En effet, certaines pilules ont été accusées d’augmenter le risque de pathologies telles que les phlébites (formation de caillot de sang dans une veine) ou les embolies pulmonaires (le caillot migre dans les poumons). Qu’en est-il exactement?
Il existe différentes générations de pilules et chacune était censée améliorer la précédente
Le pilule Eleonor 20 qu’utilise Manon est une pilule dite combinée et “de deuxième génération”. “Elle est commercialisée sur le marché depuis plusieurs dizaines d’années”, explique Axelle Pintiaux, cheffe du service de gynécologie de l’hôpital Erasme à Bruxelles. En effet, il existe différentes générations de pilules combinées, chacune censée être meilleure que la précédente. Mais ce n’a pas toujours été le cas. Ou en tout cas, pas à tous les niveaux.
Qu’est-ce qu’une pilule combinée? “Elle contient deux hormones”
Comme leur nom l’indique, les pilules combinées associent deux hormones : un oestrogène (qui permet d’avoir des règles régulières et sans trouble du cycle) et un progestatif qui joue le rôle de contraceptif. Comment joue-t-il ce rôle? En bloquant le processus d’ovulation dans le cerveau. En effet, en empêchant l’hypothalamus de sécréter une molécule appelée GnRH, le contraceptif bloque une réaction en chaîne qui aurait permis non seulement aux ovaires de générer des ovocytes (sortes de petits oeufs, ndlr), mais aussi à l’ovulation de se produire (c’est-à-dire à libérer l’oeuf dominant afin qu’il puisse être fécondé par un spermatozoïde).
Il existe 4 générations de ces pilules combinées. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. Dans cet article, nous aborderons en détail uniquement ces pilules combinées, qui comportent donc deux hormones. Mais il existe aussi des pilules qui ne contiennent qu’une seule hormone: il s’agit des pilules dites “progestatives”, qui contiennent donc uniquement un progestatif jouant le rôle de contraceptif. C’est d’ailleurs ce à quoi ressemblait la toute première contraception orale pour femmes, lancée dans les années 50.
La toute première pilule combinée est dite “de première génération”
“Au départ, la première contraception était progestative mais elle coupait les règles”, décrit la gynécologue Axelle Pintiaux. A l’époque, les mentalités étaient telles qu’il était difficilement acceptable que les femmes n’aient plus leurs règles, dès lors, ce premier essai n’a jamais été commercialisé. “C’était déjà une telle révolution de permettre aux femmes, aux couples et aux familles de contrôler les naissances, si en plus on enlevait les règles des femmes, c’était considéré comme un problème”, décrit la cheffe du service gynécologie de l’hôpital Erasme. Par ailleurs, ce tout premier contraceptif oral pouvait entraîner des saignements inopinés, ce qui était peu pratique pour les femmes. Afin de se débarrasser de ces troubles du cycle, il fallait stabiliser ce qu’on appelle l’endomètre (partie qui se desquame au moment des règles), à l’origine des saignements irréguliers. “Pour ce faire, les concepteurs de l’époque ont donc ajouté une 2e hormone, l’oestrogène, poursuit la gynécologue. Cet oestrogène est puissant et s’appelle l’éthinylestradiol. Il donne la stabilité de l’endomètre (cette partie qui se desquame et donne le sang des règles) et permet aux patientes d’avoir des règles régulières sans troubles du cycle”. Voilà comment sont nées les pilules dites de première génération.
Les pilules de deuxième génération sont moins dosées en oestrogène
Dans cette pilule de première génération, les concepteurs ont placé une forte dose de cet oestrogène. Et chez certaines femmes, cette importante quantité provoque des soucis de santé. “C’était les premiers pas, on tâtonnait, rappelle la cheffe du service gynécologie d’Erasme. Quelques années plus tard, on s’est rendu compte que cette forte concentration augmentait le risque de phlébite et d’embolie pulmonaire”. Les concepteurs de pilule ont donc entrepris de diminuer la dose d’oestrogène, donnant naissance aux pilules de deuxième génération.
Les pilules de 3e et 4e générations sont controversées: “On est revenus aux pilules de 2e génération”
Plus tard, l’industrie pharmaceutique veut encore améliorer les pilules contraceptives. Nous sommes alors dans les années 80. Après avoir diminué la dose d’oestrogène (éthinylestradiol), les concepteurs se sont focalisés sur l’autre hormone présente dans les pilules combinées: le progestatif. En effet, celui-ci est un dérivé d’androgène, une substance qui peut avoir une influence négative sur le cholestérol (et par conséquent, augmenter le risque d’accidents vasculaires artériels notamment cérébraux ou coronariens, ndlr), affecter la peau ou engendrer une prise de poids. “Ils ont donc voulu trouver des progestatifs qui étaient moins androgéniques”, explique Axelle Pintiaux. C’est alors la naissance des pilules de troisième génération.
Mais là encore, un problème va se poser. Le fait que les progestatifs soient de moins en moins androgéniques va susciter une sorte de mécanisme de balance au niveau du foie, ce qui va augmenter chez certaines femmes les effets de l’autre hormone: le fameux oestrogène éthinylestradiol. “On s’est donc rendu compte que les pilules de 3e et 4e génération comportaient un risque thrombotique plus élevé, c’est-à-dire une augmentation des phlébites et embolies pulmonaires, et n'entraînaient pas de diminution des accidents vasculaires artériels. Or, au départ, c’était le but: diminuer les infarctus et les accidents vasculaires cérébraux en donnant des progestatifs qui allaient être moins androgéniques et donc mieux tolérés au niveau des lipides. C’est la raison pour laquelle on revient aux pilules de deuxième génération qui ne sont pas de mauvaises pilules”.
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