Bientôt d'application en Wallonie et à Bruxelles, le Covid Safe Ticket (ce code QR à montrer sur son smartphone ou sur un papier) sera le précieux sésame pour aller au restaurant, au cinéma, à la salle de sport ou à l'hôpital. Certains se sentent "oubliés", car leur médecin leur a formellement déconseillé de se faire vacciner. Hélas, ça ne suffit pour avoir droit à un traitement particulier. Explications.
Hésitantes durant plusieurs mois, et malgré les nombreuses manifestations de nos voisins français où il est d'application depuis l'été, les autorités belges ont finalement décidé d'imposer le Covid Safe Ticket, qu'on comprend nettement mieux sous l'appellation pass sanitaire (voir notre reportage).
Quelques jours ou semaines seront nécessaires avant son entrée en vigueur effective, mais c'est désormais acquis: il faudra montrer une preuve de vaccination, de rétablissement et de test PCR négatif récent, pour entrer dans certains lieux publics tels que les bars et restaurants, les cinémas, les discothèques, les lieux culturels ou encore les salles de sport ; mais également les centres de soins ou les maisons de repos.
Chacun a son avis sur la pertinence d'une telle mesure: certains estiment qu'elle est discriminante, d'autres qu'elle est logique car ceux qui sont vaccinés ne doivent pas subir les conséquences du choix des non-vaccinés. Un choix, vraiment ? Pas pour tout le monde. Certains se sentent "oubliés": ceux qui ne peuvent pas, pour des raisons médicales, se faire injecter deux doses de vaccins anti-covid.
Aucune énergie ni force pendant 5 semaines
Adrien a 31 ans, il est sportif et sans antécédent médical. Il a très mal réagi à la première dose de vaccin, pour une raison que des examens médicaux n'expliquent pas. "Je n'ai eu aucune énergie et force durant 5 semaines avant de retrouver une vie normale". Et logiquement, les médecins lui déconseillent la seconde dose.
Après avoir reçu de nombreux autres messages à la rédaction de RTL info, via le bouton orange Alertez-nous, nous avons rencontré Myriam et Bénédicte, qui développent chacune de fortes réactions allergiques.
Myriam, "polyallergique et asthmatique sévère"
Notre premier témoin habite la région de Jumet (Charleroi). "J'ai des allergies multiples (je suis 'pollyallergique') et importantes, parfois à des aliments, qui peuvent provoquer des chocs anaphylactiques ainsi qu'un asthme sévère", nous explique-t-elle. "Je souffre également d'allergies croisées, c'est-à-dire de réactions violentes au contact d'un allergène".
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Pour autant, Myriam ne court pas un plus grand danger que les autres face au coronavirus. "Je ne suis pas considérée plus 'à risque' que quelqu'un d'autre". Cependant, "mon médecin m'a formellement déconseillé d'effectuer la vaccination à cause de ce risque de réaction allergique, apparemment. Je n'en sais pas plus". Sans cette contrainte, "je pense que j'aurais adhéré à cette vaccination parce que ça me permet d'être protégée, de protéger les autres, et de conserver mes libertés".
Face à l'arrivée du pass sanitaire, Myriam s'inquiète. "Je ressens ça comme une double sanction, une double peine. J'ai posé la question au numéro d'information gratuit (pour la vaccination) et on m'a répondu qu'il n'y avait pas de protocole ou de document spécifique pour les personnes comme moi. Donc si je dois me rendre dans un lieu spécifique où le pass est exigé (lieu culturel, horeca, hôpital), il convient de faire un test PCR 3 jours à l'avance. Et si je dois y aller de manière régulière, on me conseille même un test PCR tous les 3 jours !", s'étonne-t-elle. Le comble, "c'est que je souffre également de rhinites allergiques et mes muqueuses nasales sont très sensibles. Ce test est extrêmement irritant par son frottement et provoque des éternuements incessants durant les 24 heures suivant le test".
Pour Myriam, "ça empêche toute spontanéité: il faut décider d'aller au restaurant, faire le test et avoir le résultat: si c'est le week-end, on n'est même pas sûr d'avoir le résultat. Donc oui, au niveau de la vie sociale", c'est assez handicapant.
Bénédicte: "Je ne peux recevoir aucun vaccin actuellement sur le marché"
Notre deuxième témoin habite à Bruxelles. Selon elle, "on fait actuellement un amalgame entre ceux qui ne veulent pas se faire vacciner, et ceux qui, comme moi, ne peuvent pas se faire vacciner".
"J'ai une contre-indication médicale, avérée par un certificat médical d'un pneumologue/allergologue. Il m'a dit: 'Pour vous, le vaccin est interdit, vous ne pouvez pas vous faire vacciner'. Je suis allergique à des composants des vaccins qui sont administrés actuellement. Concrètement, je ne peux pas me faire vacciner, même si j'en ai envie. Je risquerais de mettre ma santé en danger, de manière très sérieuse et avérée".
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Les risques si elle fait le vaccin ? "C'est variable, comme toutes les personnes allergiques. Ça peut être un choc anaphylactique, une thrombose au cerveau. 'C'est un pari', m'a dit un des médecins que j'ai rencontrés, car j'en ai vu plusieurs. 'Je ne peux pas vous dire ce qui vous arriverait', m'a-t-il dit".
Une situation qui agace profondément notre témoin de la région bruxelloise. "Parfois, dans un coup de folie, je me dis que je devrais me faire vacciner, pour retrouver mes libertés".
Bénédicte se sent "complètement discriminée, en raison du prochain pass sanitaire bruxellois, qui ne prend pas en considération les contre-indications médicales à la vaccination. Alors qu'en France, précisément, ces contre-indications sont prises en considération. On devrait s'inspirer de la loi française". Sur le site officiel de l'administration française, en date du 17 septembre 2021, il est effectivement indiqué que "en cas de contre-indication à la vaccination, il est possible de demander à son médecin un certificat médical qui fait office de passe sanitaire". Les contre-indications principales sont: "allergie à un des composants du vaccin", "réaction anaphylactique au moins de grade 2 après la première injection (avec expertise)", "fuite capillaire", "syndrome thrombotique suite à vaccination", "syndrome inflammatoire multi systémique pédiatrique post-Covid-19". Cependant, tempère FranceInfo, dans le cas des allergies, il s'agit "de cas très spécifiques qui ne concernent que 10 à 15 personnes en France".
Les conséquences ? "Le restaurant, je peux très bien m'en passer, mais je ne pourrai plus aller à la salle de sport, sauf si je fais un test PCR toutes les 72 heures, ou un antigénique toutes les 48 heures. Et la semaine, j'irai juste travailler, je n'irai nulle part ailleurs".
La règle: des tests PCR gratuits pour les cas avérés
Nous avons contacté les différentes autorités belges actives au niveau de la santé (et vous le savez, elles sont nombreuses). Certaines mesures sont en cours de discussions, ou en cours d'implémentation, ce qui ne les pousse pas à communiquer facilement.
Cependant, en insistant, nous sommes parvenus à obtenir des informations du cabinet de Frank Vandenbroucke, ministre de la Santé à l'échelon fédéral. En réalité, un accord a été trouvé récemment en CIM (conférence interministérielle) Santé.
La règle qui prévaut: les personnes qui, sur contre-indication médicale (attestée par un allergologue d'un centre agréé), ne peuvent pas se faire vacciner, reçoivent des tests PCR gratuits, autant qu'elles veulent. Mais a priori, selon le cabinet Vandenbroucke, ça ne concernerait que... deux personnes actuellement. Celles-ci, allergiques à l'un des composants du vaccin, doivent le signaler à leur médecin, qui leur feront des tests pour voir si la contre-indication s'applique à tous les vaccins, ou si certains vaccins peuvent tout de même convenir.
"Se faire vacciner en hôpital, sous surveillance"
Christie Morreale, ministre wallonne de la santé, a accepté de répondre directement à nos questions, et nous donne quelques détails supplémentaires. "Il n'existe pas de contre-indication à la vaccination en Belgique, sauf pour des personnes qui auraient des antécédents de fuite capillaire (une maladie rare du sang, l'Agence européenne des médicaments évoque le lien dans cet article en anglais), pour lesquelles on préfère ne pas administrer de vaccin à adénovirus, donc AstraZeneca ou Johnsson&Johnsson. On utilisera plutôt Pfizer ou Moderna".
Les autorités prennent en compte ceux qui ont des réactions allergiques importantes, comme c'est le cas pour Myriam. "Si des personnes ont des prédispositions de type allergique, et que leur profil est un peu plus sensible que la majorité des gens, elles peuvent aller en hôpital pour se faire vacciner sous surveillance. Ce sont quelques cas, effectivement, pour lesquels il y a des règles et des précautions qui sont prises", nous a expliqué la ministre socialiste. Selon le cabinet de Frank Vandenbroucke, plusieurs "polyallergiques" se sont d'ailleurs déjà fait vacciner en hôpital.
En faisant des tests, elles ont un pass sanitaire
Et si quelqu'un a très mal réagi après la première dose ? "Il y a à peu près 200 cas en Wallonie (dont, peut-être, Adrien). Pour ces personnes-là, les tests PCR sont gratuits, et sans limite". On ne leur donne donc pas formellement un pass sanitaire 'à vie', "mais concrètement, en faisant des tests – dont le résultat est négatif – elles ont un pass sanitaire et peuvent montrer patte blanche pour rentrer sans problème dans une institution ou dans un lieu avec beaucoup de personnes", selon Christie Morreale.
Vous l'avez compris, ceux qui ont une simple attestation de leur médecin généraliste déconseillant la vaccination n'ont pas droit à un traitement spécifique. "Selon les informations médicales dont je dispose, il n'y a donc pas de raison que les médecins disent, a priori, qu'une personne ne peut pas être vaccinée".
En conclusion, résumant les diverses informations que nous avons pu obtenir: les personnes présentant de nombreuses allergies sont invitées à se faire vacciner en hôpital, sous surveillance. Les personnes pour lesquelles un allergologue, d'un centre agréé, a clairement identifié une allergie à l'un des composants de tous les vaccins en circulation (ça peut être le cas de Bénédicte), ne doivent pas se faire vacciner, mais reçoivent un nombre illimité de tests PCR. Idem pour ceux qui ont fait une réaction très forte suite à la première dose de vaccin (ils seraient 200 en Wallonie).
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